Entre le poids des frais financiers, les investissements reportĂ©s... la PME se dĂ©bat pour ne pas basculer dans lâinformel. Un texte de loi doit ĂȘtre adoptĂ© au cours de lâactuelle session parlementaire.
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Quel est ce flĂ©au qui frappe lâensemble du tissu productif, dont tous les fournisseurs se plaignent, mais dont tous les clients sâaccommodent volontiersâ? ErigĂ© en sport national, le rallongement des dĂ©lais de paiement, au-delĂ des 90 jours prĂ©vus par la rĂ©glementation des marchĂ©s publics, ne cesse de provoquer des dĂ©gĂąts, prĂ©cipitant un nombre croissant de PME vers une asphyxie financiĂšre qui peut sâavĂ©rer fatale.
«âLes jeunes PME de crĂ©ation rĂ©cente sont particuliĂšrement vulnĂ©rables. Des dĂ©lais supĂ©rieurs Ă 90 jours, câest la chronique dâune faillite annoncĂ©eâ!â», affirme sans dĂ©tour Abdelmounaim Faouzi, directeur gĂ©nĂ©ral de Capital Consulting qui a rĂ©alisĂ©, quelques annĂ©es plus tĂŽt, une Ă©tude sur la problĂ©matique des dĂ©lais de recouvrement des PME.
En lâabsence dâun observatoire dĂ©diĂ© qui tarde Ă voir le jour, il est difficile dâĂ©valuer lâimpact chiffrĂ© de ces pratiques commerciales dâun autre Ăąge. Mais par ces temps de vaches maigres, oĂč frilositĂ© rime avec attentisme, lâargent tourne au ralenti.
LâEtat lĂšve le pied, prĂ©textant des opĂ©rations de report des crĂ©dits pour bloquer tous les paiements. «âCes reports ont trait Ă des opĂ©rations engagĂ©es en 2010, mais qui nâont pas Ă©tĂ© bouclĂ©es en fin dâexercice.
En attendant de procĂ©der Ă leur report, lâEtat a stoppĂ© tout rĂšglement durant les trois premiers mois de lâannĂ©e 2011â», rappelle BouchaĂŻb Benhamida, prĂ©sident de la fĂ©dĂ©ration des BTP. Ces blocages de paiement des marchĂ©s publics, qui se sont Ă©talĂ©s au moins jusquâau mois de mars, ont eu un effet boule de neige.
En outre, depuis lâĂ©mergence du Mouvement du 20 fĂ©vrier, et malgrĂ© les signaux rassurants du discours royal du 9 mars 2011, le secteur privĂ© courbe l'Ă©chine, en attendant plus de visibilitĂ© politique et le retour probable dâune accalmie sociale.
Par ailleurs, cette dĂ©rive gĂ©nĂ©ralisĂ©e sur les dĂ©lais de paiement dĂ©tĂ©riore la relation entre lâentreprise et sa banque, elle-mĂȘme en proie Ă lâassĂšchement de ses liquiditĂ©s. «âLes PME sont dans une situation paradoxale.
Alors que leurs besoins de financement long sont importants pour accompagner la rĂ©alisation des projets structurants initiĂ©s par lâEtat, elles affichent un compte clients qui reprĂ©sente 120 Ă 180 jours de chiffre dâaffaires.
Ce dernier peut parfois reprĂ©senter jusquâĂ 50% du total bilanâ!â», relĂšve Salah Eddine Kadmiri, prĂ©sident de la commission PME Ă la CGEM. Pas Ă©tonnant donc que lâessentiel des ressources financiĂšres de la PME soit absorbĂ© par le financement du fonds de roulement au lieu dâĂȘtre affectĂ© Ă lâinvestissement et Ă la crĂ©ation dâemplois.
A lâheure oĂč lâentreprise marocaine est confrontĂ©e Ă la concurrence internationale, ces handicaps pĂ©nalisent lourdement sa compĂ©titivitĂ© et mettent en pĂ©ril sa pĂ©rennitĂ©. «âPlus grave encore, ces retards de recouvrement dĂ©mesurĂ©s peuvent non seulement freiner lâinvestissement, mais aussi dissuader lâentreprise de payer ses impĂŽts et ses charges sociales.â» En clair, la faire basculer dans lâinformelâ!
Pour stopper lâhĂ©morragie, le lĂ©gislateur a dĂ©cidĂ© dâaccĂ©lĂ©rer le processus dâadoption du projet de loi sur les dĂ©lais de paiement. Le texte est actuellement en discussion au Parlement. «âTout est mis en Ćuvre pour quâil soit adoptĂ© durant lâactuelle session, instaurer progressivement les bonnes pratiques et retrouver confianceâ», assure Kadmiri.
Le temps presse car les fournisseurs Ă©trangers de matiĂšres premiĂšres, dâintrants et de matĂ©riels dâĂ©quipement se conforment Ă la loi en vigueur dans leurs pays, en appliquant des dĂ©lais de crĂ©dit de 60 jours maximum.
Pour desserrer lâĂ©tau qui Ă©trangle les PME, la loi rĂ©glementant les dĂ©lais est nĂ©cessaire, mais elle ne sera pas suffisante. Tout dâabord, il faudra que lâEtat et les grands groupes donnent lâexemple.
De plus, la mise en place de cadres contractuels par branche dâactivitĂ© permettrait, Ă la fois, dâĂ©quilibrer les rapports entre les donneurs dâordre et les PME sous-traitantes, de dĂ©limiter les droits et devoirs de chaque partie et de prĂ©ciser les procĂ©dures de travail. Enfin, en cas de litige, la justice doit ĂȘtre en mesure dâexĂ©cuter rapidement le jugement. Or, sur ces trois registres, beaucoup reste encore Ă faire.
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