La dĂ©taxe nâa pas rĂ©ussi Ă booster le commerce local. Les deux opĂ©rateurs, Global Blue et Premier Tax Free, se livrent bataille dans un marchĂ© qui manque de visibilitĂ©.
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Quatre ans aprÚs sa mise en place, le systÚme de détaxe peine toujours à décoller. Signe des temps, Mehdi Bencherki, président de Diac Salaf, est sur le point de céder ses parts (environ 3 millions de dirhams) dans Global Blue.
LâĂ©tau serait-il en train de se resserrer autour du deuxiĂšme opĂ©rateur au Marocâ? Quoi quâil en soit, Bencherki sâest aperçu de la multiplicitĂ© des obstacles qui freinent le dĂ©veloppement du secteur alors que leur rĂ©solution pourrait prendre plus de temps que prĂ©vu. « Nous sommes toujours dĂ©ficitaires.
Ce nâest quâen 2012 que lâon pourra entrevoir le bout du tunnel », reconnaĂźt Ouafae Bachlouch, directeur gĂ©nĂ©ral de Global Blue. Dâailleurs, pour renflouer ses caisses, la sociĂ©tĂ© propose dĂ©sormais de nouveaux services.
La dĂ©taxe nâĂ©tant plus lâactivitĂ© principale, le groupe propose des formations au personnel de vente au sein de Global Blue Academy. Une nouvelle identitĂ© visuelle a Ă©tĂ© adoptĂ©e et une campagne de communication est en train dâĂȘtre ficelĂ©e. LâopĂ©rateur sâest ainsi rĂ©solu Ă un revirement stratĂ©gique.
Un ticket dâaccĂšs trop cher
Flash-back. Le 10 dĂ©cembre 2007, un appel Ă manifestation dâintĂ©rĂȘt pour la gestion du remboursement de la TVA est lancĂ© par la Direction gĂ©nĂ©rale des impĂŽts (DGI). Câest une premiĂšre au Maroc. Lâobjectif est de faire la promotion du Maroc en tant que destination de tourisme de shopping.
Lâappel dâoffres est remportĂ© par un consortium maroco-irlandais qui crĂ©e «âMorocco Tourist RefundââSAâ» pour la gestion de ce service, sous la marque Premier Tax Free. ConcrĂštement, pour prĂ©tendre Ă la restitution de la TVA, le touriste doit effectuer un achat minimum de 2â000 dirhams, le mĂȘme jour et dans le mĂȘme magasin.
Toutefois, les dĂ©lais de remboursement peuvent varier de 2 Ă 30 jours selon que le touriste dispose dâun compte bancaire au Maroc ou Ă lâĂ©tranger. AprĂšs Premier Tax Free, câest au tour de Global Blue de faire son entrĂ©e sur le marchĂ©.
Les deux leaders mondiaux ambitionnent de drainer un million de clients dĂšs la premiĂšre annĂ©e dâactivitĂ©. Mais lâobjectif sâavĂšre trop ambitieux car 2009, annĂ©e effective du lancement de la dĂ©taxe au Maroc, est axĂ©e sur lâimplĂ©mentation et la communication autour de ce nouveau service. ConsĂ©quenceâ: les rĂ©sultats sont trĂšs en deçà des prĂ©visions.
Exercices déficitaires
Global Blue annonce environ 200 transactions par mois et Premier Tax Free 2â000 transactions en 2009, ce qui reprĂ©sente 39âmillions de dirhams. Pour 2010, Premier Tax Free enregistre 5â000 transactions pour un montant de 70 millions de dirhams.
En 2011, lâopĂ©rateur ambitionne dâatteindre 100âmillions de dirhams. «âEn 2010, nous Ă©tions dĂ©ficitaires de 700â000 dirhams. Mais au dĂ©but de cette annĂ©e, nous avons retrouvĂ© notre Ă©quilibre financier. Pour le seul premier trimestre, nous avons enregistrĂ© 4â500 transactionsâ», dĂ©clare Mohammed Laftir, directeur financier de Premier Tax Free.
Du cĂŽtĂ© de Global Blue, câest la confusion. «âCâest difficile de communiquer des chiffres. Contrairement Ă ce quâaffirme notre concurrent, nous sommes tous les deux dĂ©ficitaires et le marchĂ© demeure trĂšs Ă©troit.
Une chose est sĂ»re, nous sommes les leaders mondiaux et localement, nous contrĂŽlons les plus grandes parts de marchĂ©â», avance Bachlouch. Une position de leader contestĂ©e par Premier Tax Free.
SaĂąd Sefrioui, administrateur directeur gĂ©nĂ©ral de Morocco Tourist Refund, nây va pas par quatre chemins, «âNous contrĂŽlons 90% de parts de marchĂ© grĂące Ă des partenariats solides. Si notre confrĂšre peine Ă avancer ses pions ou sâil a mal choisi son prestataire bancaire, câest son problĂšmeâ!â» Chacun revendique le leadership en avançant des chiffres invĂ©rifiables parce que lâadministration de tutelle refuse de divulguer les chiffres globaux.
Si Bachlouch est trĂšs sceptique par rapport aux perspectives dâĂ©volution, Sefrioui reste, lui, confiant quant Ă lâavenir. Face Ă cette guerre sans merci enclenchĂ©e entre les deux opĂ©rateurs privĂ©s, câest le mutisme du cĂŽtĂ© du secteur public. La DGI affirme ne pas disposer des chiffres synthĂ©tiques et lâadministration des Douanes observe un mutisme total.
Pas vraiment utilisée
Toutefois, une tournĂ©e dans les magasins cossus du quartier MaĂąrif et du boulevard Massira El Khadra, suffit Ă donner une idĂ©e prĂ©cise du secteur. Le propriĂ©taire du magasin de prĂȘt-Ă -porter Voga nous rĂ©vĂšle que la dĂ©taxe est peu prisĂ©e par sa clientĂšleâ: une demande tous les 4 mois.
«âGlobalement, nous sommes Ă -80% de notre chiffre dâaffaires, comparĂ© Ă la mĂȘme pĂ©riode de lâannĂ©e derniĂšre. La pĂ©riode nâest pas propice au shopping. De plus, pour la dĂ©taxe, il y a un manque cruel en communicationâ», dĂ©plore le propriĂ©taire du magasin. Plus loin, chez Jules, câest le mĂȘme son de cloche.
«âNous avons rempli 3 bordereaux en 2010 et, actuellement, nous sommes Ă deux bordereaux. La dĂ©taxe nâest pas vraiment utilisĂ©e chez nousâ», commente la gĂ©rante du magasin. Selon elle, il existe un Ă©norme manque Ă gagner.
Le seuil de remboursement fixĂ© Ă 2â000 dirhams empĂȘche les touristes de bĂ©nĂ©ficier de cet avantage fiscal. Le mĂȘme problĂšme est soulevĂ© par la responsable du magasin Planet Sport. «âEn plus du seuil qui reste Ă©levĂ©, plusieurs touristes et MRE se plaignent de la qualitĂ© de service au niveau de la douane et du manque dâinformation.â»
La dĂ©taxe, une prestation censĂ©e booster les achats des non-rĂ©sidents affiche donc un bilan plutĂŽt morose. De plus, le seuil de remboursement exclut les bourses moyennes. «âNous avons fait une demande depuis notre installation mais rien nâa Ă©tĂ© entrepris pour rĂ©duire ce seuil Ă 1â000 dirhamsâ», soulĂšve la DG de Global Blue qui a rĂ©alisĂ© un benchmark avec les pays de la rĂ©gion.
LâEspagne fixe ce seuil Ă 90 euros et la Turquie Ă 50 euros. «âCâest grĂące au luxe que nous existons. Or, sur les 1â000 magasins affiliĂ©s Ă notre rĂ©seau, trĂšs peu de boutiques sont actives et contribuent Ă notre chiffre dâaffairesâ», dĂ©plore Bachlouch. Est Ă©galement dĂ©noncĂ©e la non-structuration du tissu commercial.
Cette anarchie handicape sĂ©rieusement le dĂ©veloppement de lâactivitĂ©. Bachlouch ne manque pas, au passage, de dĂ©plorer que Abdelhanine Benallou, lâex-PDG de lâONDA, nâait jamais donnĂ© suite Ă sa demande dâouverture dâun bureau de remboursement Ă lâaĂ©roport de Casablanca. «âActuellement, nous avons ouvert un bureau Ă lâaĂ©roport de Casablanca et Ă Marrakech, et prochainement Ă Rabat. Ce qui nous permet dâanticiper une reprise de lâactivitĂ©. Reste Ă rĂ©duire le seuil de remboursementâ», insiste Bachlouch.
Quant au patron de Premier Tax Free, SaĂąd Sefrioui, il prĂ©fĂšre garder le moral et table sur une reprise de lâactivitĂ© en 2011. Selon lui, le Morocco Mall pourrait donner un vĂ©ritable coup de pouce Ă la dĂ©taxe.
«âNous avons dâailleurs prĂ©vu un bureau de remboursement pour la dĂ©taxe immĂ©diate au niveau du mall. GrĂące Ă cette exclusivitĂ© avec les groupes Nesk et Aksal, nous anticipons une vĂ©ritable croissance de lâactivitĂ©â», assure Sefrioui. Lâhomme se veut confiant dans la rĂ©ussite de son projet. Il compte dâailleurs lancer prochainement la dĂ©taxe en Tunisie.
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