FiliĂšre bio, produits du terroir, rapprochement avec lâAlgĂ©rie, prĂ©sence française⊠Le 6e SIAM a permis aux visiteurs de faire un vĂ©ritable tour dâhorizon du secteur agricole.
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DĂ©laissĂ©e depuis de longues annĂ©es, lâagriculture algĂ©rienne fait depuis peu lâobjet de toute lâattention de lâEtat. Et, pour la premiĂšre fois, les AlgĂ©riens Ă©taient prĂ©sents au Salon international de lâagriculture (SIAM) qui sâest tenu du 27 avril au 2 mai.
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Un vaste stand aux couleurs du voisin oriental hĂ©bergeait une dĂ©lĂ©gation dâentreprises et dâinstitutions venues prĂ©senter le savoir-faire algĂ©rien et les ambitions de lâagriculture nationale.
Le ministre algĂ©rien de lâAgriculture Rachid BenaĂŻssa a tenu Ă le prĂ©ciser en rappelant que son pays sâĂ©tait lui aussi dotĂ© dâun plan aux objectifs identiques Ă ceux du plan Maroc Vertâ!
Signe de ce rĂ©chauffement des relations par lâĂ©conomie, les deux ministres algĂ©rien et marocain se sont entendus sur un mĂ©morandum signĂ© la veille de lâouverture du salon visant Ă renforcer la sĂ©curitĂ© alimentaire des deux pays.
La similitude de vues sâillustre aussi sur le terrain. A lâimage de ce qui se fait en Europe ou au Maroc, les AlgĂ©riens veulent faire reconnaĂźtre et mieux vendre leur production agricole.
Pour cela, ils ont crĂ©Ă© une structure dĂ©diĂ©e, la SociĂ©tĂ© de valorisation des produits du terroir, qui a participĂ© Ă la mise en place de lâIG (indication gĂ©ographique) «âdatte de Tolgaâ».
Boulenouar Sekouane, son PDG, indique travailler en ce moment sur dâautres labellisations telles que «âla figue de Beni Maouchâ», «âlâolive sigoise de Mascaraâ» ou encore «âles ovins dâOuled Djellalâ».
En termes de quantitĂ©s, lâAlgĂ©rie a montrĂ© aussi ses ambitions avec lâhuile dâolive. Le pays rĂ©coltera 600â000 tonnes dâolives en 2010-2011 et compte atteindre 800â000 tonnes en 2014. Pour faire face Ă lâafflux de matiĂšre premiĂšre, lâAlgĂ©rie entend se doter de 300 huileries supplĂ©mentaires dâici trois ans.
Khodja et Compagnie, lâun des principaux producteurs nationaux (75 millions de DA de CA en 2010), compte bien se dĂ©velopper en AlgĂ©rie «âen profitant du dĂ©veloppement de la consommation qui doit passer dâun litre par an et par personne aujourdâhui Ă 5 litres dans les 5 prochaines annĂ©esâ», explique Bachir Khodja, le gĂ©rant. Mais celui-ci veut aussi dĂ©velopper ses exportations (20% du volume aujourdâhui) en visant la communautĂ© algĂ©rienne Ă lâĂ©tranger.
Nourrir 9 milliards dâhabitants
AprĂšs lâAllemagne en 2010, câĂ©tait au tour de la France. Pour lâoccasion, toute une dĂ©lĂ©gation dâacteurs du terrain impliquĂ©s dans les relations franco-marocaines avait fait le dĂ©placement dont Xavier Beulin, prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration nationale des syndicats dâexploitants agricoles (FNSEA).
Ce dernier, qui sâest exprimĂ© en prĂ©sence de Aziz Akhannouch, a soulignĂ© le caractĂšre urgent des solutions Ă trouver pour nourrir les neuf milliards dâhabitants que la terre comptera bientĂŽt, qualifiant de «âcritique le dĂ©sĂ©quilibre actuel entre la disponibilitĂ© des cĂ©rĂ©ales, lâaccĂšs Ă lâeau et le nombre de consommateursâ».
Soulignant que lâagriculteur ne peut lutter seul contre le marchĂ©, il a plaidĂ© pour plus de rĂ©gulation sur le marchĂ© mondial des matiĂšres premiĂšres agricoles afin de mettre Ă lâabri les consommateurs et les producteurs des variations brutales des cours.
A ce propos, il sâest rĂ©joui que le sujet soit inscrit au menu des discussions du prochain G20 dont la France est prĂ©sidente. Concernant lâaccord agricole Maroc-UE, il a assurĂ© que la FNSEA le soutient et va plaider pour son aboutissement en expliquant son intĂ©rĂȘt aux producteurs de la rive nord de la MĂ©diterranĂ©e.
Selon lui, lâidĂ©e Ă terme est de parvenir Ă une zone euro-maghrĂ©bine cohĂ©rente en matiĂšre agricole afin dâĂ©viter la monopolisation de la production agricole par un groupe restreint de pays Ă©loignĂ©s des bassins de consommation.
Enfin, Xavier Beulin a insistĂ© sur «âlâintĂ©rĂȘt du plan Maroc Vert oĂč lâon retrouve les Ă©lĂ©ments dâune ambition saine, utile et Ă©quilibrĂ©eâ», assurant quâau-delĂ de lâalimentation, «âles grands pays agricoles sont aussi ceux qui comptent sur la scĂšne internationaleâ».
Une cinquantaine de PME avaient fait le dĂ©placement sous le pavillon français ââfournisseurs de matĂ©riel, horticulteurs, Ă©leveurs, fabricants dâintrantsâŠââ mais aussi lâentreprise SofiprotĂ©ol, leader de la filiĂšre française des olĂ©agineux (5,5 milliards dâeuros de CA en 2009).
Une prĂ©sence qui Ă©tait loin dâĂȘtre fortuite puisque le groupe possĂšde Lesieur. Ce dernier compte accĂ©lĂ©rer son internationalisation afin de se renforcer au Maghreb oĂč il dĂ©tient une participation minoritaire dans Cristal Tunisie.
Au Maroc, il ne cache plus son intĂ©rĂȘt pour prendre le contrĂŽle de Lesieur Cristal dont la SNI possĂšde les trois quarts du capital. Philippe Tillous-Borde, le DG de SofiprotĂ©ol, a soulignĂ© Ă ce sujet que son offre «âsâinscrit dans la vision du plan Maroc Vert avec le dĂ©veloppement dâune filiĂšre de production dâolĂ©agineux dans le pays.â»
Labels et certifications
Forte affluence Ă la confĂ©rence sur la filiĂšre bio tenue lors de la «âjournĂ©e françaiseâ» jeudi 28 avrilâ: on sây pressait, quitte Ă rester deboutâ! Visiblement, le bio suscite lâintĂ©rĂȘt du grand public mais aussi des professionnels.
Des producteurs sây mettent de façon autonome, dâautres de maniĂšre organisĂ©e en visant une certification. Chez Ecocert Maroc (80% de parts de marchĂ© de la certification bio au Maroc), on souligne que 150 producteurs ont dĂ©jĂ obtenu le label, dont prĂšs de la moitiĂ© sont des producteurs dâhuile dâolive, dâargan ou de safran.
Signe du dynamisme de la filiĂšreâ: «âEcocert Maroc augmente son chiffre dâaffaires de 20% chaque annĂ©e depuis 3 ansâ», souligne Mounya El Aouni, la directrice gĂ©nĂ©rale. Du cĂŽtĂ© institutionnel, une association sâest constituĂ©e en 2010, lâAmabio (Association marocaine des agriculteurs biologiques) afin de servir entre autres dâinterface entre professionnels et pouvoirs publics.
Au ministĂšre de lâAgriculture, on planche actuellement sur une loi qui permettra de rĂ©glementer le terme «âbioâ» au Maroc. CĂŽtĂ© dĂ©bouchĂ©s, lâessentiel de la production part Ă lâexport mais un embryon de distribution organisĂ©e voit le jour.
La Vie Claire, une chaĂźne de commerces de produits biologiques (209 magasins en France) vient dâouvrir un point de vente Ă Casablanca. Zineb Laghzaoui, qui dĂ©tient la master franchise pour le Maroc, compte ouvrir deux magasins supplĂ©mentaires dâici 2012 et recherche des producteurs biologiques en mesure de garnir ses Ă©tals.
Des petits producteurs prĂ©fĂšrent, quant Ă eux, Ă©couler leur production en nouant des partenariats directement avec les consommateurs, portant sur un panier hebdomadaire de fruits et lĂ©gumes tout au long de lâannĂ©e.
Ils sâinspirent du modĂšle français des Amap dont lâun des objectifs est dâassurer un revenu stable Ă de petits agriculteurs. Les projets dâagriculture bio seraient au nombre de 120, en cours de dĂ©veloppement dans le pays, selon Lahcen Kenny, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâAmabio.
Signe de lâengouement, des «âgrandsâ» du secteur commencent Ă sây mettre, Ă lâimage des Domaines depuis deux ans et demi, avec des tomates rondes, des melons charentais, des courgettes et des poivrons certifiĂ©s Ecocert.
Prochaine Ă©tapeâ: la production dâolives, dâagrumes et de fruits. Les interrogations subsistent toutefois quant Ă lâĂ©mergence rapide dâun marchĂ© intĂ©rieur pour des productions bio accessibles⊠à toutes les boursesâ!
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