Offre maigre, packaging peu attractif, faible présence dans les circuits de distribution⊠Autant de boulets que traßne la filiÚre et qui retardent son décollage.
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Huile dâargan, safran, dattes Majhoul⊠des produits de terroir marocains que lâon ne prĂ©sente plus aux consommateurs occidentaux, que ce soit en France, en Allemagne ou aux Etats-Unis. Sur ces trois marchĂ©s uniquement, la demande potentielle est estimĂ©e Ă dix milliards de dirhams.
Mais, de lâavis mĂȘme dâopĂ©rateurs et de cadres du ministĂšre de lâAgriculture, ce potentiel important tarde Ă se rĂ©aliser. «âDes Ă©tudes consommateurs lancĂ©es dans le cadre de la nouvelle stratĂ©gie marketing des produits du terroir sur les marchĂ©s français, allemands et amĂ©ricains, ont rĂ©vĂ©lĂ© une forte demande latente.
Mais, celle-ci ne se rĂ©alise que partiellementâ», affirme Abir Mseffer, du ministĂšre de lâAgriculture. CâĂ©tait lors des 4e assises de lâAgriculture, tenues Ă MeknĂšs mardi 26 avril, qui Ă©taient consacrĂ©es Ă la thĂ©matique de la commercialisation des produits agricoles. Une problĂ©matique qui souligne nombre dâenjeux stratĂ©giques pour les diffĂ©rentes filiĂšres agricoles.
Ainsi, pour les produits du terroir, outre une offre Maroc peu développée, et en dépit des multiples actions déployées en amont de la filiÚre, ces produits restent peu présents dans les circuits de distribution.
Ce qui explique leur timide percĂ©e sur les marchĂ©s Ă©trangers. En effet, une faible part de la production est aujourdâhui exportĂ©e alors que plus de 75% transitent par des circuits informels.
«âAujourdâhui, ce sont surtout les intermĂ©diaires qui profitent de ce filon des produits du terroirâ», dĂ©plore Abdellah Dindane, prĂ©sident de lâAssociation des Oasis de Tafilalt. Il cite, Ă ce titre, des prix de vente qui passent, en raison de la multitude dâintermĂ©diaires sur la chaĂźne de distribution, du simple au triple voire au quadruple, en allant du producteur vers le consommateur final.
Ainsi, alors que ce dernier paie au final en moyenne 120 dirhams le kilogramme de dattes Majhoul par exemple, le producteur, lui, nâaurait encaissĂ© que 20 Ă 30 dirhams dans le meilleur des cas.
Outre ce grand manque à gagner pour les petits producteurs, ces derniers sont également handicapés par des insuffisances en matiÚre de valorisation et de conditionnement. Celui-ci est encore en grande partie inadapté aux besoins et attentes des consommateurs locaux mais surtout étrangers.
Les premiers producteurs, qui ont dĂ©cidĂ© de sâattaquer au marchĂ© allemand, ont en fait lâexpĂ©rience rĂ©cemment lors du dernier salon de lâagroalimentaire de Berlin. «âLes boĂźtes de 1 kg de dattes Majhoul que nous avions prĂ©vues nâont pas trouvĂ© preneur puisque le consommateur allemand, lui, est plutĂŽt habituĂ© Ă acheter en portion individuelle, souvent par piĂšce de une ou deux dattesâ», indique Abdellah Dindane.
MĂȘme constat Ă©tabli par Hafida Falahi, prĂ©sidente de lâAssociation du troisiĂšme millĂ©naire, qui ajoute que le consommateur Ă©tranger exige aussi plus de dĂ©tails sur lâemballage concernant la composition du produit, ses apports nutritifs, caloriques ainsi que les dates de production et de pĂ©remption.
Pallier les lacunes
Sur le marchĂ© intĂ©rieur, le tableau nâest pas plus reluisant. LĂ aussi, faute de circuit adĂ©quat de distribution, la filiĂšre peine Ă percer. La plupart des consommateurs sâapprovisionnent Ă travers des canaux traditionnels, soit directement auprĂšs des producteurs soit via des intermĂ©diaires.
Ainsi, alors que le potentiel du marchĂ© est estimĂ© Ă 90 millions de dirhams, seuls 2,3 millions de dirhams sont rĂ©alisĂ©s au niveau des grandes et moyennes surfaces (GMS). Pour pallier cette lacune, deux conventions ont Ă©tĂ© signĂ©es, en marge des assises, avec Marjane Holding, dâune part, et LabelâVie, dâautre part.
Lâobjectif Ă©tant de mettre en place, dans les magasins des ces deux chaĂźnes, des rayons dĂ©diĂ©s aux produits du terroir. Une maniĂšre de les rendre plus visibles et plus accessibles. A noter quâavant mĂȘme la signature de ces contrats, des produits ont dâores et dĂ©jĂ rĂ©ussi Ă faire leur entrĂ©e dans les rayons de la grande distribution.
Reste que, comme le souligne Mostafa Rakik, DG de Tradifood spĂ©cialisĂ© dans lâĂ©picerie fine, «âles droits de rĂ©fĂ©rencement restent chers et nâencouragent pas les opĂ©rateurs Ă franchir le pas de la grande distributionâ».
Constat confirmĂ© par Zouheir Bennani, prĂ©sident de LabelâVie, qui estime que seule une aide de lâEtat, sous forme de subventions aux distributeurs permettrait de rĂ©duire le ticket dâentrĂ©e. Mais, pour lui, le principal frein rĂ©side plutĂŽt dans lâĂ©troitesse de lâoffre qui rĂ©duit les choix et pourrait exposer le distributeur Ă des risques de rupture de stocks.
Autant de problĂšmes auxquels entend sâattaquer Aziz Akhannouch dĂšs les prochains mois. Selon lui, lâamĂ©lioration de la commercialisation de ces produits passe aussi par la rĂ©duction des coĂ»ts de commercialisation (infrastructures et transport), des coĂ»ts de transaction (systĂšme dâinformation) et lâamĂ©lioration des techniques de transformation post-rĂ©colte.
Le dĂ©veloppement de nouvelles niches de marchĂ©, dĂ©pend, quant Ă lui, de la mise en valeur des qualitĂ©s des produits commercialisĂ©s notamment par la labellisation, sâaccordent Ă dire Alain FretelliĂšre, directeur de Reflets de France et des relations avec les PME Groupe Carrefour et Ebe Maschialli de lâOnudi.
A ce titre, il est Ă signaler que la liste des produits labellisĂ©s vient de sâĂ©toffer en passant de 7 Ă 11 actuellement. Une chose est sĂ»re, cette fois-ci, Aziz Akhannouch met le paquet sur lâaval de la filiĂšre pour en libĂ©rer le potentiel. Des entitĂ©s dĂ©diĂ©es Ă lâaccompagnement seront ainsi mises en place et une communication institutionnelle visant Ă appuyer tous les aspects de la filiĂšre est prĂ©vue.
Sans oublier lâimplantation de plateformes logistiques Ă MeknĂšs et Agadir. Il faut dire quâavec un marchĂ© potentiel Ă lâexport de 10 milliards de dirhams et de 900 millions en interne, lâenjeu est de taille. Les Ă©quipes de Aziz Akhannouch doivent mettre les bouchĂ©es doubles pour mettre en branle la machine.
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