Villes sans bidonvilles, villes nouvelles, programmes de logements sociaux... autant de grands chantiers qui se sont soldĂ©s par des retards, des loupĂ©s et mĂȘme des malversations. Alors que les critiques fusent de toutes parts, Badr Kanouni est nommĂ© Ă la tĂȘte dâAl Omrane. Le jeune textilien rĂ©ussira- t-il Ă sauver le navire ?
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DĂ©licateâ! Câest le moins que lâon puisse dire de la mission dont vient dâhĂ©riter le jeune Badr Kanouni, nouveau prĂ©sident du directoire du holding public, Al Omrane. Ancien patron de lâentreprise textile Tavex (dirigĂ©e par le passĂ© par un certain Salaheddine Mezouar), le jeune manager devra redorer lâimage dâun groupe ternie par une succession de loupĂ©s, aggravĂ©e par un dĂ©ficit de gestion que dĂ©noncent de plus en plus de parlementaires.
La plupart des grands chantiers lancĂ©s en grande pompe six ans plus tĂŽt, portant Ă la fois sur la rĂ©sorption de bidonvilles, la lutte contre lâhabitat insalubre et la crĂ©ation de villes nouvelles, piĂ©tinent. Les chiffres rassurants et les bilans encourageants, brandis Ă chaque fin dâexercice, nâauront pas suffi Ă occulter les carences du top management dâAl Omrane qui nâa cessĂ© de claironner que «âle bilan des Villes sans bidonvilles (VSB) Ă©tait positifâ»âŠ
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Echec cuisant
En fait, la rĂ©alitĂ© est tout autre. Ă lâapproche de lâĂ©chĂ©ance 2012, sur les 85 villes ciblĂ©es par le programme Villes sans bidonvilles en 2004, 43 ne sont toujours pas dĂ©barrassĂ©es de ce flĂ©au. Et les grandes villes comme Casablanca, SalĂ©, Marrakech et KĂ©nitra nâarrivent pas Ă rĂ©duire le nombre de leurs bidonvilles. Pis encore, le nombre des mĂ©nages qui y habitent augmente dâannĂ©e en annĂ©e. Une ville comme Casablanca, qui illustre lâĂ©chec cuisant de ce plan, regroupe, Ă elle seule, prĂšs du tiers des bidonvilles du pays. Au total, 163â000 baraques ont Ă©tĂ© dĂ©truites Ă ce jour et 813â000 habitants ont pu ĂȘtre recasĂ©s. Or, lâobjectif initial du plan Ă©tait de recaser 324â000 mĂ©nages, soit 1,5 million dâhabitants. Lors de la prĂ©sentation du budget de son dĂ©partement, le ministre de lâHabitat, Ahmed Taoufiq Hejira, a Ă©tĂ© pris Ă parti par des dĂ©putĂ©s du PJD. Ces derniers lui reprochent notamment les lenteurs du programme VSB et lâinefficacitĂ© de lâapproche adoptĂ©e face Ă la prolifĂ©ration de ce flĂ©au. «âEn 2010, lâon parle de 327â000âbaraques contre 210â000 en 2004, soit 117â000 unitĂ©s de plus en six ansâ!â», sâindigne Abellah Bwano, dĂ©putĂ© Pjdiste. «âMais Ă quel niveau se situent les blocagesâ?â», sâinterroge le parlementaire qui pointe du doigt le bilan mitigĂ© dâAl Omrane. Sur le plan financier, le programme Villes sans bidonvilles bĂ©nĂ©ficie dâun investissement de prĂšs de 25 milliards de dirhams, dont une subvention du Fonds SolidaritĂ© pour lâHabitat de 10âmilliards de dirhams environ. Cette enveloppe a Ă©tĂ© renforcĂ©e rĂ©cemment par un prĂȘt dâun montant de 50 millions dâeuros accordĂ© par lâAFD, dĂ©diĂ© au financement des activitĂ©s du groupe pour les annĂ©es 2010-2012, notamment ses actions pour la rĂ©sorption de bidonvilles. En fait, pour justifier son bilan mitigĂ©, le holding nâa cessĂ© dâinvoquer lâinsuffisance du patrimoine foncier urbanisable et lâaugmentation incontrĂŽlĂ©e du nombre des mĂ©nages occupant les baraques, augmentation favorisĂ©e par les retards de mise en Ćuvre des programmes de recasement. Selon les dĂ©tracteurs dâAl Omrane, ces arguments ne sont pas convaincants.
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Programme qui peine à décoller
Autre programme phare qui piĂ©tine et auquel doit sâattaquer dâurgence le jeune prĂ©sident du directoireâ: le logement social, notamment dans sa partie «âĂ faible valeur immobiliĂšre totaleâ» (VIT) et dont les unitĂ©s sont commercialisĂ©es Ă 140â000âdirhams. En rĂ©alitĂ©, ce programme peine Ă dĂ©coller depuis son lancement. Ă ce jour, une vingtaine de conventions seulement ont Ă©tĂ© signĂ©es avec des promoteurs. Pour justifier leur dĂ©sintĂ©rĂȘt, les promoteurs privĂ©s dĂ©noncent le niveau Ă©levĂ© des prix des terrains viabilisĂ©s par le holding.
Autre tĂąche ardue dĂ©volue Ă Badr Kanouniâ: le programme des villes nouvelles. Indissociable de lâinitiative Villes sans bidonvilles. Ce programme est censĂ© dĂ©sengorger les grandes agglomĂ©rations et devrait se traduire par la crĂ©ation dâune quinzaine de villes dâici 2020. Ă mi-parcours, ce programme accuse de gros retards et provoque de multiples dĂ©ceptions. Lâimage dâAl Omrane est encore entachĂ©e par lâaffaire de Tamesna. Dossier mal gĂ©rĂ© dont les rebondissements nâont pas fini dâĂ©clabousser le holding. De plus, hormis Tamansourt et Tamesna, les autres villes nouvelles se font toujours attendre, la plupart Ă©tant encore Ă lâĂ©tude. Le nouveau patron dâAl Omrane saura-t-il rattraper le retard et rĂ©soudre les blocages qui handicapent lâavancĂ©e des diffĂ©rents programmes pilotĂ©s par lâamĂ©nageur dĂ©veloppeur publicâ? Lourde responsabilitĂ©...
Khadija El Hassani |