Câest un rendez-vous pĂ©riodique oĂč chacune des parties, gouvernement, patrons et syndicats, joue sa partition. Mais les retombĂ©es sociales restent maigres. Ce dernier round fera-t-il exceptionâ?
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Le dernier round du dialogue social sera-t-il diffĂ©rent des prĂ©cĂ©dentsâ? Ou bien assistera-t-on au mĂȘme scĂ©nario, en prĂ©sence des mĂȘmes acteursâ? A priori, on serait tentĂ© de croire que la donne a changĂ© et que le rapport de force est, aujourdâhui, Ă lâavantage des syndicats.
Dâautant que les principales centrales sâappuient sur les ardeurs revendicatrices de la rue, pour faire entendre leurs dolĂ©ances. Ainsi, la relance du dialogue social, en panne depuis plusieurs mois, pourrait contribuer Ă redorer le blason des tĂ©nors du syndicalisme marocain.
Toutefois, il ne faut pas sâattendre Ă des miracles. Au mieux, le gouvernement concĂ©derait une augmentation du SMIG. Pour rappel, la derniĂšre hausse de 10% Ă 2â400 dirhams avait Ă©tĂ© dĂ©crĂ©tĂ©e en janvier 2010 au profit de prĂšs de 50â000 fonctionnaires.
Tensions sociales ou pas, le gouvernement a les mains liĂ©es et satisfaire lâensemble des revendications syndicales reviendrait Ă mettre sur la table la coquette somme de 43 milliards de dirhams, selon les estimations du ministĂšre de lâEconomie et des Finances.
Salaheddine Mezouar a déjà bien du mal à trouver une rallonge de 15 milliards de dirhams pour éviter la flambée des prix des denrées de premiÚre nécessité subventionnées.
Pour dĂ©bloquer une enveloppe supplĂ©mentaire dâun tel montant, lâargentier nâaura pas dâautre choix que de faire voter une loi de Finances rectificative. Cette Ă©ventualitĂ© avait pourtant Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e de maniĂšre catĂ©gorique par Mezouar, il y a Ă peine quelques semainesâŠ
CĂŽtĂ© patronal, certes, Mohamed Horani sâest montrĂ© particuliĂšrement rĂ©ceptif aux revendications syndicales, aux dires des reprĂ©sentants de lâUMT et de lâUGTM. Mais sur ce registre non plus, rien de concret nâest sorti.
Il faut reconnaĂźtre, lĂ aussi, que la marge de manĆuvre du prĂ©sident de la CGEM demeure Ă©troite car la confĂ©dĂ©ration nâa pas pour vocation Ă inciter ses adhĂ©rents Ă respecter les clauses des conventions sociales. Pour plus dâefficacitĂ©, chaque branche dâactivitĂ© devrait, Ă lâimage du secteur bancaire, Ă©laborer sa propre convention collective et la rĂ©viser annuellement en prĂ©sence de ses partenaires sociaux.
«âLe gouvernement nâest pas habilitĂ© Ă traiter de la situation des salariĂ©s du secteur privĂ©. Il peut, tout au plus, jouer le rĂŽle de rĂ©gulateur et veiller au respect du cadre rĂ©glementaireâ», rappelle un fin connaisseur de la question sociale.
Celui-ci ne cache pas son scepticisme quant Ă lâefficacitĂ© de ce modĂšle tripartite bĂąti autour du gouvernement. Ce dernier se retrouve Ă jouer Ă la fois le rĂŽle dâemployeur et de rĂ©gulateur du patronat ââdont la capacitĂ© de mobilisation est faibleââ et des syndicats aux revendications dĂ©mesurĂ©es.
«âEn dĂ©finitive, ces rencontres se rĂ©sument Ă des shows oĂč chacun prononce solennellement son discours, et qui se soldent par la crĂ©ation de commissions tripartites dont les travaux nâaboutissent jamaisâ!â» Pour lâheure, le dernier round du dialogue social nâa pas Ă©chappĂ© Ă la rĂšgle.
Deux commissions ont, dâores et dĂ©jĂ , Ă©tĂ© constituĂ©es, lâune dĂ©diĂ©e au secteur public et lâautre au secteur privĂ©. Toutefois, face Ă lâurgence de la situation, le gouvernement sâest voulu, cette fois, plus pragmatique puisque les deux structures crĂ©Ă©es sĂ©ance tenante sont tenues de formuler leurs recommandations dĂšs le dĂ©but de cette semaine. Reste Ă savoir si celles-ci seront effectivement prises en compte.
«âIl est vrai quâen dĂ©but de sĂ©ance, nous nâavons pas cachĂ© notre dĂ©ception. Lâon sâattendait Ă ce que le gouvernement rĂ©ponde, du moins en partie, Ă nos revendications. En particulier, la revalorisation des salaires et des pensions de retraitĂ©s », dĂ©plore Mohamed Kafi Cherrat, de lâUGTM.
MĂȘme son de cloche auprĂšs de la FDT et de lâUMT qui sâattendaient Ă un Ă©chĂ©ancier prĂ©cis tant au niveau du calendrier que des ressources financiĂšres Ă mobiliser.
Le SMIG Ă 3 400 dirhams ?
Toutefois, le ministre de lâEconomie a rĂ©ussi Ă ne pas rompre le dialogue en suggĂ©rant la crĂ©ation imminente des commissions qui rendraient leur copie dans un dĂ©lai maximum dâune semaine.
«âLa pression sociale est telle que toutes les parties sont acculĂ©es Ă accĂ©lĂ©rer la cadence pour trouver des rĂ©ponses concrĂštes aux attentes des travailleursâ», affirme Cherrat.
Selon divers pronostics, le gouvernement Abbas El Fassi devrait concĂ©der une revalorisation du SMIG. Mais rĂ©pondra-t-il aux attentes des syndicats qui rĂ©clament un salaire minimum de 3â400 dirhamsâ? Rien nâest moins sĂ»r. La revalorisation graviterait probablement autour de 10%, comme cela a Ă©tĂ© le cas par le passĂ©.
Quant au patronat, il serait, lui aussi, prĂȘt Ă faire quelques concessions sur la couverture sociale et le plan salarial. Mais lĂ aussi, on est en droit de se demander jusquâoĂč les entreprises peuvent-elles lĂącher du lest sans compromettre leur compĂ©titivitĂ©.
Pour cet expert en rapports sociaux en entreprise, il nâest pas toujours dans lâintĂ©rĂȘt des travailleurs dâobtenir une augmentation brutale du SMIG. Dans cette situation, les PME sont contraintes de corriger lâexplosion de leurs charges sociales en rĂ©duisant le nombre dâheures dĂ©clarĂ©es.
Autrement dit, une hausse importante du SMIG peut se traduire par une aggravation du nombre de travailleurs au noir. Un flĂ©au que lâEtat a dĂ©jĂ bien du mal Ă Ă©radiquer, au regard du nombre de salariĂ©s du secteur privĂ© dĂ©clarĂ©s Ă la CNSS, qui stagne autour de 500â000⊠depuis plus dâune dĂ©cennie.
Mouna Kably |