MalgrĂ© leur discrĂ©tion lĂ©gendaire, les filiales des groupes CrĂ©dit Agricole SA, SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale ou encore BNP Paribas dĂ©cident de sâouvrir sur lâĂ©conomie locale. Un revirement stratĂ©gique.
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Les filiales des banques françaises sont-elles en train dâopĂ©rer, avec la bĂ©nĂ©diction de leurs maisons mĂšres, un revirement stratĂ©gique ? A en croire les prĂ©sidents du directoire de CrĂ©dit du Maroc (CDM), Pierre Louis BoissiĂšre, et de SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale Maroc (SGM), Albert Le Diracâh, les deux banques sâengagent dĂ©sormais plus franchement dans le financement de lâĂ©conomie locale.
Elles entendent Ă©galement drainer davantage de ressources en ciblant le segment, longtemps nĂ©gligĂ©, de la clientĂšle Ă bas revenus. Seul moyen de bĂ©nĂ©ficier de lâeffet volume, tout en assumant un risque calculĂ©. Si ce revirement stratĂ©gique et commercial se confirme dans les tout prochains mois, les analystes de marchĂ© nâauront plus Ă reprocher aux filiales de banques françaises, de se cantonner au rĂŽle de pourvoyeuses de dividendes Ă leur maison mĂšre respective.
MĂȘme BMCI, filiale de BNP Paribas, qui sâest refusĂ©e Ă dĂ©voiler ses ambitions Ă moyen terme, serait - selon les indiscrĂ©tions du marchĂ© - sur le point de vivre une mutation similaire, avec lâaval de sa maison mĂšre. En tĂ©moigne la campagne de recrutement agressive actuellement en cours. BMCI aurait, en effet, pour ambition de recruter prĂšs de 1 400 personnes dans les quatre prochaines annĂ©es, Ă la fois pour compenser les dĂ©parts Ă la retraite et accompagner lâextension de son rĂ©seau.
Si les banques locales, en lâoccurrence Attijariwafa bank, BCP et BMCE Bank, gardent une longueur dâavance, notamment en matiĂšre de taille de rĂ©seau, de pĂ©nĂ©tration de la clientĂšle de masse et de financement de la PME comme des projets dâinfrastructure, les filiales de banques françaises se rendent bien compte que le marchĂ© marocain recĂšle encore un potentiel de croissance suffisamment important pour gĂ©nĂ©rer du business.
Certes, lâextension de leurs rĂ©seaux pourrait ĂȘtre freinĂ©e ou retardĂ©e par des obstacles dâordre foncier, en particulier en zones urbaines. Mais ces difficultĂ©s ne sont pas jugĂ©es insurmontables en optant pour les nouveaux quartiers pĂ©riphĂ©riques et les villes nouvelles. RodĂ©es aux techniques de rationalisation des dĂ©penses et Ă la chasse aux gaspis, les filiales des banques françaises continueront de maĂźtriser leur coefficient dâexploitation comme elles ont rĂ©ussi Ă le faire jusque-lĂ .
Les trois filiales affichent donc aujourdâhui clairement leur volontĂ© dâĂ©largir la base de leur clientĂšle, en multipliant les packages Ă tarifs rĂ©duits et les conventions avec les employeurs en faveur des salariĂ©s. Elles ne comptent pas, pour autant, nĂ©gliger leur clientĂšle de prĂ©dilection, urbaine, haut de gamme, voire mĂȘme fortunĂ©e.
Elles nâhĂ©sitent donc pas Ă investir dans des espaces dĂ©diĂ©s Ă la gestion patrimoniale, dans des quartiers huppĂ©s, et Ă sâappuyer sur lâexpertise de leur maison mĂšre pour proposer une panoplie de prestations sophistiquĂ©es. Reste Ă savoir si ces investissements, lourds, sâavĂšreront rentables dans les prochaines annĂ©es.
Leur intĂ©rĂȘt est Ă©galement palpable pour la PME puisquâelles se dotent dâune organisation souple qui privilĂ©gie la proximitĂ© et la personnalisation de la relation. LĂ aussi il faudra attendre que ces nouvelles mesures donnent leur fruit.
Enfin, pour le financement de projets, la discrétion reste de mise, mais les filiales savent faire jouer les synergies quand le marché est remporté par une entreprise française. Solidarité oblige.
Mouna Kably |