Le secteur des textiliens a le vent en poupe. AmorcĂ©e en septembre dernier, la reprise se confirme. Tour dâhorizon dâun secteur qui sort de deux annĂ©es de marasme.
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Un vent dâoptimisme souffle sur le secteur textile. AprĂšs plusieurs mois de marasme, lâactivitĂ© semble plus que jamais prĂȘte Ă repartir. Les carnets de commandes commencent Ă se garnir. AprĂšs deux annĂ©es difficiles durant lesquelles les commandes se sont rarĂ©fiĂ©es, voire stoppĂ©es, les prĂ©mices dâune reprise sont aujourdâhui palpables.
Câest en tout cas ce quâaffirment plusieurs opĂ©rateurs interrogĂ©s. Ă commencer par le prĂ©sident de lâAmith, Mostafa Sajid qui, catĂ©gorique, confirme une affluence de la demande Ă©manant de grands donneurs dâordres Ă©trangers, notamment britanniques et espagnols. «âDepuis quatre Ă six mois, les entreprises locales sont littĂ©ralement assaillies par les commandes Ă©trangĂšresâ», assure-t-il. MĂȘme constat du cĂŽtĂ© de Tarik Aguizoul, patron de lâentreprise AGZ et prĂ©sident de lâAmith au niveau de la rĂ©gion de Rabat. «âLes grands donneurs dâordres ont commencĂ© Ă repositionner leur sourcing et nombre dâentre eux opĂšrent leur retour en force au Marocâ», se rĂ©jouit lâindustriel.
Au plus fort de la crise, ces derniers sâĂ©taient tournĂ©s, au grand dam des opĂ©rateurs marocains, vers les pays asiatiques pour rĂ©duire leurs prix de revient. «âOr la plupart dâentre eux ont rapidement dĂ©chantĂ© face aux problĂšmes de qualitĂ© et de dĂ©lais, mais aussi de culture et de langueâ», poursuit Aguizoul. Abondant dans le mĂȘme sens, Abdelkhalek ChraĂŻbi, dirigeant de Pantex, entreprise spĂ©cialisĂ©e dans la confection de pantalon, confirme lui aussi lâembellie de lâactivitĂ©. «âLe retour de grands clients anglais, amorcĂ© timidement lâannĂ©e derniĂšre, sâest confirmĂ© de plus belle depuis septembreâ», prĂ©cise ChraĂŻbi. Son usine, qui a dĂ» rĂ©duire sa capacitĂ© de production pendant la crise, tourne dĂ©sormais Ă plein rĂ©gime. «âCâest le cas dans nombre dâunitĂ©s Ă travers le Royaume dont les capacitĂ©s sont pratiquement dĂ©passĂ©es par le flux des commandes actuellesâ», assure lâopĂ©rateur.
Une reprise bien partie pour durer
Mieux encore, plusieurs textiliens ont profitĂ© de cette percĂ©e pour monter en gamme, dĂ©passer le niveau basique de sous-traitance et privilĂ©gier la cotraitance. Câest le cas de Pantex dont le principal donneur dâordres, qui est anglais, a renforcĂ© ses commandes. «âDĂ©sormais, nous intervenons sur lâensemble du processus de fabrication, englobant aussi le choix des accessoires, pour livrer un produit finiâ», confie lâindustriel.
Câest le cas Ă©galement dâautres opĂ©rateurs qui ont su gagner la confiance de leurs donneurs dâordres. Câest ce qui explique, entre autres, quâune enseigne comme Inditex (marque Zara), souvent citĂ©e en exemple, nâait pas interrompu ses commandes, mĂȘme au plus fort de la crise. Aujourdâhui, la marque espagnole aurait mĂȘme renforcĂ© son volume dâaffaires au Maroc en faisant travailler prĂšs de 70â% des entreprises Ă Tanger et quelque 30â% Ă Casablanca.
Sereins, les opĂ©rateurs affirment que la reprise actuelle est partie pour durer. Et mĂȘme la flambĂ©e des cours des matiĂšres premiĂšres, notamment du coton, qui ne manquera pas de peser lourd sur le coĂ»t de production, nâaltĂšre pas leur optimisme. «âNous avons aujourdâhui une visibilitĂ© sur au moins une saison, câest-Ă -dire sur les six Ă douze prochains moisâ», assure Abdelkhalek ChraĂŻbi. Outre les Espagnols et les Britanniques, des donneurs dâordres amĂ©ricains seraient Ă©galement de la partie.
MĂȘme des opĂ©rateurs turcs, attirĂ©s par cette embellie, commencent Ă affluer au Maroc pour tenter dâavoir une part du gĂąteau. «âComme ils ne sont pas liĂ©s par un accord de libre-Ă©change avec les Ă©tats-Unis, les Turcs viennent au Maroc pour essayer de dĂ©crocher des commandes quâils traiteront ensuite Ă partir du Royaumeâ», explique un opĂ©rateur. Autant dire que la machine marocaine est bel et bien enclenchĂ©e.
Formation en alternance
Reste Ă rĂ©soudre la question Ă©pineuse de la pĂ©nurie de main-dâĆuvre. En effet, nombre dâopĂ©rateurs doivent faire face Ă un manque rĂ©current de personnel qualifiĂ©. «âDepuis le coup dâarrĂȘt de la production, la plupart des entreprises ont perdu une bonne partie de leur personnel qualifiĂ©. Et il leur est difficile, aujourdâhui, dâen trouver facilementâ», dĂ©plore le patron de Pantex.
Or, câest sur ce registre, entre autres, que se joue la concurrence Ă lâinternational. Les entreprises sont conscientes que, pour se positionner et se maintenir, elles doivent constamment faire preuve dâinnovation et suivre les tendances du marchĂ© pour rĂ©pondre aux exigences des grands donneurs dâordres.
Dâautant que les destinations Ă©gyptienne et tunisienne, principales concurrentes du Maroc, sont actuellement en perte dâattrait sur le marchĂ© mondial du fait de lâinsĂ©curitĂ© politique. Pour ne pas rater le coche, les textiliens devront se doter dâĂ©quipes performantes et crĂ©atives. De plus, ils ne pourront plus faire lâĂ©conomie de programmes de formation pour la mise Ă niveau de leurs Ă©quipes.
Dâailleurs, pour pallier le manque chronique de personnel qualifiĂ©, un plan de formation sera initiĂ©, dĂ©but mars, avec lâOFPPT. Il devra permettre la qualification de 200â000 ouvriers Ă long terme. Ce programme accĂ©lĂ©rĂ© prĂ©voit des pĂ©riodes de formation en alternance avec des stages en entreprises. Pour entĂ©riner ce plan et prĂ©ciser les engagements des deux parties, lâAmith et lâOFPPT sont sur le point de signer une charte.
Selon Abdelkhalek ChraĂŻbi, une enquĂȘte menĂ©e rĂ©cemment auprĂšs dâunitĂ©s de production a rĂ©vĂ©lĂ© un besoin urgent de quelque 20â000 emplois. Les entreprises qui ont rĂ©ussi Ă dĂ©passer le cap difficile de la crise, et le ralentissement de la demande Ă©trangĂšre de ces deux derniĂšres annĂ©es, sâapprĂȘtent dĂ©sormais Ă lancer leur offensive pour conquĂ©rir de nouveaux marchĂ©s. Les patrons veulent croire que les mauvais jours sont bien derriĂšre eux.
Khadija El Hassani |