Du 28 octobre au 11 novembre Ă New York, lâopĂ©ration «âA taste of Moroccoâ» a placĂ© les produits marocains au cĆur dâune des plus grandes chaĂźnes de distribution USA.
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Jeudi 4 novembre, au sein de ce vĂ©ritable monument historique quâest le Bridgemarket, un des nombreux centres commerciaux que compte le Food Emporium Ă NewâYork. La chaĂźne de grande distribution est connue pour ĂȘtre lâune des plus prestigieuses de la cĂŽte Est amĂ©ricaine. Mais entre le 28 octobre et le 11 novembre, une ambiance particuliĂšre y rĂšgne. A lâentrĂ©e comme Ă travers tous ses rayons, les produits marocains sont Ă lâhonneur. Nous sommes au cĆur de «âA taste of Moroccoâ», une opĂ©ration de promotion organisĂ©e par Maroc Export dans les 16 magasins du Food Emporium Ă Manhattan, le centre nĂ©vralgique de la ville qui ne dort jamais. En tout, 170 produits marocains y sont exposĂ©sâ: couscous, huile dâargan, agrumes, citrons confits, pĂątes alimentaires, confitures mais aussi produits dâartisanat et de dĂ©coration. Produits stars, les huiles dâolives, les cĂąpres, les sardines et les Ă©pices en tous genres, entre autres.
Avec une soirĂ©e de lancement haute en couleurs, des ateliers de cuisine, des animations pour enfants, lâopĂ©ration a frappĂ© plutĂŽt fort. Le tout, en prĂ©sence de Sam Talbot, le chef vedette de la tĂ©lĂ©vision amĂ©ricaine et Abdellah Ksiyer, la rĂ©fĂ©rence absolue en cuisine marocaine Ă NewâYork (4ârestaurants et un service de traiteur qui a pignon sur rue). De quoi drainer un public nombreux et susciter lâintĂ©rĂȘt de bien des consommateurs.
Un coup réussi
A la grande joie de Manny Brito, le plus mĂ©diterranĂ©en des dirigeants de la chaĂźne (groupe A&P). Ses origines portugaises y sont pour beaucoup.«âNous avons dĂ©jĂ organisĂ© des Ă©vĂ©nements de cette envergure pour mettre en valeur des pays comme lâAngleterre, la France, le Chili ou lâAfrique du Sud. Mais câest de loin notre coup le plus rĂ©ussiâ», nous dit-il, chiffres Ă lâappui. Une semaine Ă peine aprĂšs le dĂ©marrage de lâopĂ©ration, 60â% des produits exposĂ©s ont Ă©tĂ© Ă©coulĂ©s. Un succĂšs qui nâa dâĂ©gal que la marge trĂšs confortable que sâassure Food Emporium sur les produits vendus (40â% Ă 50â%). Les raisons dâun tel dâintĂ©rĂȘtâ? Les produits marocains figurent parmi les plus convoitĂ©s du moment.«âNew York a cette particularitĂ© dâĂȘtre une ville internationale avec une population en quĂȘte dâexotisme culinaire. A taste of Morocco ne pouvait pas mieux tomberâ», nous explique Brito. Mieux encore, Ă qualitĂ© Ă©gale ou supĂ©rieure vis-Ă -vis de ses concurrents les plus directs ââlâItalie, la GrĂšce et le Portugalââ les prix «âMarocâ» sont deux Ă trois fois moins Ă©levĂ©s.
Un risque assumé
«âIl ne faut pas oublier que derriĂšre la commercialisation, il y a tout un travail de sampling, dâĂ©tudes de marchĂ© et de promotion. Il y a Ă©videmment une part de risque que nous prenons parce que les produits que nous exposons sont des produits que nous avons achetĂ©s (2,8âmillions de dollars, ndlr). Mais câest un risque assumĂ©â», ajoute Michael Corsello, directeur commercial au Food Emporium et cheville ouvriĂšre ââcĂŽtĂ© amĂ©ricainââ de lâopĂ©ration. Le succĂšs de cette derniĂšre cache cependant mal la faible notoriĂ©tĂ© des produits marocains sur le marchĂ© amĂ©ricain. Un marchĂ© que les opĂ©rateurs marocains ont dĂ©couvert Ă la faveur des accords de libre Ă©change Maroc-US mais vis-Ă -vis duquel ils restent frileux. Leur absence lors de cette opĂ©ration a dâailleurs Ă©tĂ© remarquable.
«âLe constat est certes valable, mais quand jâai commencĂ© dans ce business il y a 40âans, des pays rĂ©putĂ©s aujourdâhui, comme lâItalie, Ă©taient totalement mĂ©connus. Installer un label pays est affaire dâaudace, de temps et de persĂ©vĂ©rance. Il nây a mĂȘme pas dix ans, trĂšs peu dâAmĂ©ricains savaient ce que le mot couscous voulait dire. Aujourdâhui, le marchĂ© en est inondĂ©, explique Manny Brito. Et une chose est sĂ»re, le succĂšs de notre opĂ©ration nous pousse Ă envisager de lâĂ©largir Ă dâautres rĂ©gions et Ă dâautres chaĂźnes du groupe partout aux Etats-Unisâ», ajoute-t-il.
Des groupes dâinfluence
Une extension qui passe par les enseignes, mais aussi par les groupes dâinfluence. Nous sommes aux Etats-Unis, pays oĂč lâon ne jure que par le lobbying comme un des principaux outils de pĂ©nĂ©tration du marchĂ©. Et ce nâest pas dans les antichambres des marques amĂ©ricaines mais plutĂŽt dans les salons cosy dâassociations comme la National Association For The Specialty Food Trade (NASFT) que les dĂ©cisions les plus stratĂ©giques sont adoptĂ©es (voir encadrĂ©). Pour le Maroc, les grandes lignes sont dĂ©jĂ tracĂ©es. Selon Ken Seiter, directeur marketing de la NASFT,«âle positionnement des produits marocains sur un marchĂ© aussi vaste que les Etats-Unis ne peut ĂȘtre que rĂ©gionalâ». DâoĂč des opĂ©rations ciblĂ©es comme celle de NewâYork. Pour vendre, il ne faudra pas se contenter dâun bon produit, mais aller jusquâĂ raconter son histoire.«âDes producteurs aux distributeurs, des restaurateurs aux simples consommateurs amateurs de cuisine, nous sommes devant une communautĂ© trĂšs curieuse. Et tous les produits marocains ont cette particularitĂ© quâils ont une culture. Câest cela qui fera leur succĂšsâ», nous explique-t-il. Autre ligne directive, jouer sur toutes les catĂ©gories de revendeurs en nâomettant pas les indĂ©pendants et les petites structures, plus rĂ©actives et plus flexibles.«âContrairement aux grandes enseignes, celles-ci ont la particularitĂ© de dĂ©cider rapidement dâacheter. Pour installer la marque Maroc, cette facilitĂ© est incontournableâ», note Seiter.
Ce sera aussi une maniĂšre de rĂ©pondre Ă une limite de taille pour les exportateurs marocains. Car rares sont ceux ayant la capacitĂ© de suivre des commandes de volume consĂ©quent. Et encore plus rares, ceux qui tablent sur un marchĂ© de 300 millions de«âgrandsâ» consommateurs.
Tarik Qattab, envoyé spécial à New York |