Pour satisfaire les besoins en liquidités des banques, Bank Al-Maghrib privilégie les avances à 7 jours. Mais la titrisation des créances bancaires constitue aussi une alternative à condition d’être vigilant dans la gestion du risque. Entretien.

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L’assèchement des liquidités bancaires n’inquiète pas outre mesure le gouverneur de Bank Al-Maghrib. Même si le marché s’attendait à une nouvelle baisse du taux de réserve obligatoire pour donner une bouffée d’oxygène aux banques, celui-ci reste inchangé à 3,25 %. Imperturbable, Abdellatif Jouahri rappelle qu’il dispose d’autres instruments de régulation de la liquidité tout aussi efficaces, comme les avances hebdomadaires à 7 jours. Mais ce n’est pas tout. Lors de la réunion du Conseil de Bank Al-Maghrib, le 21 septembre dernier, ont été explorées de nouvelles voies de mobilisation de l’épargne longue comme de la petite épargne. D’ailleurs, des mesures concrètes, incitations fiscales et révision des plafonds en l’occurrence, pourraient voir le jour avant la fin de cette année. Pour l’heure, toutes les formules sont à l’étude et, si les tractations avec le grand argentier du Royaume aboutissent, la prochaine loi de Finances 2011 comportera quelques bonnes surprises. Bonne nouvelle en ces temps difficiles.

Face au manque structurel de liquidité, peut-on envisager une nouvelle réduction du taux de réserve monétaire dans les mois à venir, sachant que ce taux est à son plus bas niveau historique (6 %) ?

ABDELLATIF JOUAHRI : Le conseil de la Banque examine trimestriellement la situation économique et financière ainsi que les derniers développements du marché monétaire. En fonction de son appréciation des dernières évolutions, sont mis en œuvre les instruments appropriés aux niveaux adéquats pour réguler les liquidités bancaires. La réserve monétaire n’est qu’un des éléments du dispositif opérationnel de Bank Al-Maghrib, qui peut être utilisé pour faire face à un excédent ou déficit structurel de liquidité. En outre, la Banque centrale est constamment présente pour mettre à la disposition des banques les liquidités nécessaires afin de stériliser l’effet des facteurs autonomes de la liquidité bancaire, assurant ainsi l’équilibre sur le marché monétaire à travers les avances hebdomadaires à sept jours.

Les avances hebdomadaires constituent le principal instrument monétaire utilisé par la Banque centrale pour satisfaire les besoins de liquidité des banques. Ne pensez-vous pas que la satisfaction par cet organisme des besoins croissants du secteur pourrait accroître les risques pris par les banques, au niveau de la distribution du crédit à la promotion immobilière notamment ?

Les avances à 7 jours constituent, en effet, le principal instrument utilisé par Bank Al-Maghrib pour apporter au système bancaire les ressources nécessaires afin d’assurer l’équilibre du marché. Mais il ne faut pas oublier que ces avances constituent un financement marginal pour les banques et représentent moins de 3,5 % des concours à l’économie. Par ailleurs, les établissements qui sollicitent la Banque centrale pour le refinancement mettent en pension des bons du Trésor. Il s’agit donc d’une transformation d’actifs en liquidités pour faire face à un besoin de trésorerie temporaire. Le recours à Bank Al-Maghrib est donc limité par les avoirs éligibles au refinancement.

Les crédits réalisent une croissance à deux chiffres, les dépôts à la clientèle connaissent une faible évolution, ce qui porte le coefficient d’emploi à des niveaux très élevés. Les banques ont le choix entre limiter la distribution de crédit, voire le rationner, et collecter plus de ressources rémunérées qui réduiront leur marge. Que préconisez-vous ?

Après des phases de croissance relativement élevées durant les sept premières années de la décennie actuelle, les dépôts ont connu un renversement de tendance, avec un ralentissement enclenché depuis 2008, qui s’est accentué au cours de 2010. Pour leur part, les crédits ont continué, au cours de cette période, à croître à des rythmes soutenus mais inférieurs à avant 2008.

Ces évolutions se sont traduites par un accroissement sensible du coefficient d’emploi, rapportant les crédits aux dépôts. Bien que ce coefficient soit supérieur à celui de plusieurs pays de la région Mena, il reste inférieur à celui de nombreux pays émergents appartenant à d’autres zones économiques. Pour faire face à leurs besoins, les banques diversifient leurs ressources et recourent de plus en plus au marché des capitaux. De plus, Bank Al-Maghrib veille à l’équilibre du marché monétaire en alimentant les banques en liquidités suffisantes. Dans ce contexte, la marge d’intermédiation bancaire reste globalement stable et les résultats provisoires du premier semestre s’inscrivent dans la même tendance observée en 2009.

Cela étant, plusieurs mesures sont engagées pour développer l’épargne bancaire. La bancarisation s’est accélérée et plusieurs directives ont été édictées par Bank Al-Maghrib pour favoriser l’accès aux services bancaires et assurer un équilibre dans la relation banque-client. D’autres mesures sont à l’étude pour mobiliser l’épargne financière.

La titrisation des créances peut-elle contribuer à alléger le besoin structurel de liquidités des banques ? Dans ce cas, quelle stratégie adopter pour encourager le recours à cet instrument ?

Effectivement, la titrisation permet aux banques, à travers la cession d’une partie de leurs créances, d’alléger leurs bilans et de consentir davantage de crédits, d’autant que les créances éligibles par la loi ont été élargies, en plus des crédits hypothécaires, aux autres catégories de crédit.

Toutefois, l’utilisation de cette technique doit s’effectuer dans le cadre d’un dispositif de gestion du risque de crédit conforme aux exigences réglementaires et dans les conditions de transparence nécessaires pour éviter les dérives révélées par la crise financière internationale.

Le ratio de solvabilité devrait passer à 12 % à partir de cette année. Pensez-vous que les principales banques de la place sont prêtes à s’y conformer ?

La décision d’augmenter le ratio minimum de solvabilité a été prise, fin 2007, à un moment où la croissance du crédit était excessive. En parallèle, nous avons dit que ce ratio pourrait être augmenté en fonction du profil de risque de chaque banque et de l’évolution de la conjoncture économique. Il s’agit donc d’un traitement au cas par cas. Aujourd’hui, nous devons inscrire notre politique prudentielle dans le cadre de la réforme de la régulation financière qui se dessine au niveau international, suite à la crise financière.

Propos recueillis par Mouna Kably