Il y a 64 ans, Rahal Essoulami, venu de son Marrakech natal, lançait, Ă partir dâune modeste pĂątisserie dans lâancienne mĂ©dina de Casablanca, les bases du mĂ©tier de traiteur. Depuis, ses fils ont repris le flambeau.
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OĂč sâarrĂȘtera le groupe Rahalâ? Lâenseigne quâon ne prĂ©sente plus ratisse largeâ: de la restauration collective Ă la pĂątisserie fine, en passant par les industries touristique et cinĂ©matographique, sans oublier le business des call centers. La petite affaire de feu Rahal Essoulami, fondĂ©e en 1946, a grandi et fait des petits. Aujourdâhui sa rĂ©putation dĂ©passe nos frontiĂšres. Sous lâĆil averti du fils aĂźnĂ©, Abdelkarim, lâentreprise lĂ©guĂ©e par le pĂšre revĂȘt dĂ©sormais un nouveau visage. Le traiteur des rois, comme on le surnomme, est aujourdâhui lâun des grands employeurs du pays. Il est surtout le groupe le plus sollicitĂ© de sa branche, et pas seulement au Maroc. Ses clientsâ? Une belle brochette de chefs dâEtats, des princes, des stars et autres hommes dâaffaires. Les mailles de ce rĂ©seau ont Ă©tĂ© tissĂ©es du temps du fondateur, Rahal pĂšre, qui, en vĂ©ritable pionnier, a posĂ© les jalons du mĂ©tier au Maroc. Car, jusque-lĂ , seules les «âtabbakhatesâ» rĂ©gnaient en maĂźtresses absolues sur la cuisine des rĂ©ceptions.
Travailleur infatigable
Parti quasiment de rien, comme aiment Ă le rĂ©pĂ©ter ses fils, le traiteur a tracĂ© son chemin progressivement, Ă force de volontĂ© et de tĂ©nacitĂ©. Travailleur infatigable, Rahal Ă©tait sur tous les frontsâ: gĂ©rer sa petite pĂątisserie dans lâancienne mĂ©dina de Casablanca, chercher de nouvelles recettes et de nouveaux clients... mais aussi de nouveaux crĂ©neaux porteurs. En effet, lâactivitĂ© de la pĂątisserie Ă©tait saisonniĂšre et ne suffisait pas Ă nourrir une famille de sept enfants. A lâaffĂ»t des bonnes affaires, il nâa pas hĂ©sitĂ© Ă se lancer dans de nouvelles aventures qui sâavĂ©reront porteuses. Câest ainsi quâen Ă©tĂ©, il se faisait livrer des camions de melons et de pastĂšques pour les revendre. Il collectait aussi des noyaux dâabricot quâil cĂšdait aux usines de colle Ă Casablanca. Pendant la fĂȘte du sacrifice (AĂŻd Al Adha), il nâhĂ©sitait pas Ă se convertir en revendeur de foin pour moutons⊠Autant de modestes «âfilonsâ» qui lui ont permis de constituer un capital rĂ©investi dans son activitĂ© de prĂ©dilectionâ: la restauration. Câest ainsi, quâil ouvre, en 1970, une salle des fĂȘtes, la premiĂšre de lâĂ©poque, et avec elle naĂźt la marque phare du groupe, Manzeh Diafa. Câest cette enseigne qui va illustrer le label Rahal, aujourdâhui porte-drapeau de la gastronomie marocaine. Elle se dĂ©veloppera petit Ă petit et finira par marquer les esprits. Câest le point de dĂ©part de la mutation du mĂ©tier de traiteur dans le Royaume. «âA lâĂ©poque, personne ne disposait dâun grand espace dĂ©diĂ© aux rĂ©ceptions de plusieurs centaines de convives. MĂȘme les hĂŽtels nâĂ©taient pas Ă©quipĂ©s pour organiser de grands Ă©vĂ©nementsâ», se souvient le management du groupe. Une insuffisance que le traiteur comblera sans tarder et qui fera de lui le maĂźtre traiteur le plus sollicitĂ© Ă la fois par les grandes familles et par les partis politiques.
Coup de pouce providentiel
PrĂ©sent dans tous les Ă©vĂ©nements nationaux dâimportance, il doit son vĂ©ritable essor Ă un coup de pouce providentiel du Palais royal, lorsque Hassan II fait appel Ă ses services. CâĂ©tait un jour de novembre 1978, qui restera Ă jamais gravĂ© dans la mĂ©moire de la famille. Il marque, en effet, le dĂ©but de la success story. Sâensuit alors une restructuration de ce qui Ă©tait une petite affaire familiale pour aboutir Ă la crĂ©ation de la sociĂ©tĂ© Manzeh Diafa, qui deviendra, quelques annĂ©es plus tard, le noyau dur du groupe et servira de tremplin vers la conquĂȘte de nouveaux marchĂ©s. Cependant, le groupe Rahal ne voit le jour comme entitĂ© juridique quâĂ la fin des annĂ©es 90. Son dĂ©veloppement se fera, petit Ă petit, autour du fleuron Manzeh Diafa qui rĂ©alise une bonne partie de son chiffre dâaffaires Ă lâĂ©tranger.
Aujourdâhui, Karim Rahal est Ă la tĂȘte du groupe, secondĂ© par ses frĂšres et sa sĆur. Tout en Ă©largissant le champ dâactivitĂ©s, il veille Ă ne pas sâĂ©loigner du cĆur de mĂ©tier du groupe. Ainsi, depuis 2000, Rahal mĂšne une stratĂ©gie de diversification tous azimuts avec la crĂ©ation dâune douzaine dâentreprises et lâĂ©mergence de nouvelles activitĂ©s sectorielles. La famille Rahal a su exploiter tous les atouts pour donner Ă son entreprise lâĂ©lan nĂ©cessaire. «âLe partage des tĂąches sâest fait de maniĂšre naturelle puisque les frĂšres Rahal sont professionnellement complĂ©mentairesâ», souligne le prĂ©sident du groupe. Chacun, selon son parcours, sa formation, ses domaines de compĂ©tence, sâest orientĂ© dans une branche. Il nâĂ©tait pas question pour les fils Rahal de vivre comme des rentiers. «âCela nâa jamais traversĂ© lâesprit dâaucun dâentre nousâ», rĂ©pĂštent invariablement les dignes hĂ©ritiers. TrĂšs jeunes, ils comprennent quâils devront, Ă leur tour, apporter leur contribution Ă lâĂ©difice. Dans la famille Rahal, la culture entrepreneuriale se transmet dâune gĂ©nĂ©ration Ă lâautre. La saga nâest, Ă lâĂ©vidence, pas terminĂ©e...
Khadija El Hassani |