La machine Ă©conomique tourne au ralenti, les dĂ©lais de paiement sâallongent et les banques manquent de liquiditĂ©s. La marge de manĆuvre du gouvernement paraĂźt Ă©troite. Analyse.
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La rentrĂ©e gouvernementale sâannonce chaude. La conjoncture Ă©conomique nâest pas au beau fixe alors que la marge de manĆuvre des dĂ©cideurs politiques se rĂ©duit comme peau de chagrinâ: baisse des recettes fiscales et envolĂ©e des dĂ©penses de la Caisse de compensation face Ă la dĂ©gradation alarmante des dĂ©ficits de la balance commerciale et de la balance des paiements⊠Les rumeurs de remaniement ministĂ©riel se font persistantes ces derniĂšres semaines, avec en ligne de mire des portefeuilles clĂ©s comme lâHabitat, les Finances ou encore le Commerce extĂ©rieur.
A deux ans des Ă©lections lĂ©gislatives, lâĂ©quipe gouvernementale est prise en tenaille entre la nĂ©cessitĂ© dâavancer sur les chantiers de rĂ©formes structurelles, et celle dâapporter des rĂ©ponses concrĂštes et immĂ©diates aux problĂšmes conjoncturels, comme lâexplosion de la dette intĂ©rieure et lâassĂšchement des liquiditĂ©s bancaires. La premiĂšre est liĂ©e au report par le TrĂ©sor de sa sortie sur le marchĂ© international des capitaux et Ă la nĂ©cessitĂ© de lever des fonds sur le marchĂ© domestique pour faire face aux dĂ©penses ordinaires, comme le rĂšglement des salaires des fonctionnaires et des dĂ©penses de la Caisse de compensation. Celles-ci caracolent dĂ©jĂ Ă 12âmilliards de dirhams contre 14âmilliards prĂ©vus pour lâannĂ©e par la loi de Finances 2010. La seconde est due Ă lâexplosion des crĂ©dits distribuĂ©s par les banques ces derniĂšres annĂ©es, de maniĂšre plus ou moins prudente. «âCette carence en liquiditĂ©s bancaires sâexplique Ă©galement par le ralentissement de lâactivitĂ© observĂ© depuis quelques mois dans divers secteurs, en particulier lâimmobilier dont le cycle des ventes et les dĂ©lais de rĂ©cupĂ©ration des recettes sâest nettement allongĂ©â», souligne Rachid Smidi de lâassociation des Centraliens. Dâailleurs, lâune des sources majeures de prĂ©occupation des opĂ©rateurs pour cette rentrĂ©e a trait Ă lâallongement excessif des dĂ©lais de paiement, Ă la fois dans les secteurs public et privĂ©. Autant dire que lâinstauration des intĂ©rĂȘts moratoires pour sanctionner les retards de paiements de lâadministration nâa pas produit lâeffet dissuasif escomptĂ©.
Asphyxie financiĂšre
En fait, le goulot dâĂ©tranglement se situe davantage au niveau de la rĂ©ception des prestations que de celui du rĂšglement. Aussi, pour fluidifier le circuit et amĂ©liorer les dĂ©lais, le gouvernement devra-t-il clarifier les rĂšgles. Quant au secteur privĂ©, il continue Ă se livrer allĂšgrement au «âsport nationalâ», portant les dĂ©lais de paiement bien au-delĂ de 90 jours. DâoĂč le nombre croissant dâentreprises prestataires au bord de lâasphyxie financiĂšre et la mise en pĂ©ril de filiĂšres entiĂšres. Pour tenter dâenrayer cette dĂ©rive, un projet de loi vient dâĂȘtre Ă©laborĂ© pour imposer un dĂ©lai maximum de 60 jours et instaurer des pĂ©nalitĂ©s de retard. Le gouvernement devra activer son adoption au risque de rĂ©duire Ă nĂ©ant les efforts engagĂ©s ces derniers mois pour relancer la machine Ă©conomique.
Mais ce texte a, avant tout, pour objectif de sensibiliser les opĂ©rateurs sur lâurgence de la situation. En revanche, il convient de privilĂ©gier la mĂ©diation car lâentreprise a tout intĂ©rĂȘt Ă recouvrer ses crĂ©ances et Ă entretenir son portefeuille clients, plutĂŽt quâĂ recourir Ă la justice. «âQuoi quâil en soit, la reprise ne peut Ă©maner, du moins Ă court terme, du secteur privĂ©, compte tenu de sa fragilitĂ© et du ralentissement de lâactivitĂ© qui perdureâ», reconnaĂźt Mehdi Lahlou, Ă©conomiste et enseignant-chercheur.
Câest donc au secteur public de continuer Ă jouer le rĂŽle moteur quâil a assumĂ© jusque-lĂ avec plus ou moins de succĂšs. Et pour amĂ©liorer lâefficacitĂ© de son action, le gouvernement doit se pencher sur le processus de passation de la commande publique pour en rĂ©former et en fluidifier le circuit. «âDĂ©sormais, il faut veiller Ă ce que la commande publique ne profite plus quasi exclusivement aux soumissionnaires Ă©trangers comme ce fut le cas jusquâĂ prĂ©sentâ», soulĂšve Smidi qui cite le projet de tramway de Rabatâ: un marchĂ© de 150âmillions de dirhams en Ă©tudes dâingĂ©nierie dont 80â% attribuĂ©s aux bureaux Ă©trangers. Idem pour le projet de tramway de Casablanca qui totalise un marchĂ© de 280âmillions de dirhams dont 90â% remportĂ©s par les bureaux Ă©trangers. Le gouvernement aura-t-il le courage politique de mettre en place des garde-fous qui permettraient Ă lâingĂ©nierie locale de sâĂ©manciper en profitant dâune partie de cette manneâ? En cette rentrĂ©e, ce dĂ©bat est plus que jamais dâactualitĂ© du fait du lancement de plusieurs projets structurants et de la raretĂ© des ressources budgĂ©taires. Reste Ă espĂ©rer que ce dĂ©bat dĂ©bouche sur des mesures concrĂštes, contrairement Ă celui qui oppose les cabinets de conseil locaux et Ă©trangers sur le marchĂ© juteux des Ă©tudes stratĂ©giques.
M.K. |