Les temps sont durs pour nos compatriotes rĂ©sidant Ă lâĂ©tranger. Face aux difficultĂ©s du marchĂ© de lâemploi, certains envisagent un retour Ă leur pays dâorigine.
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AprĂšs des annĂ©es dâeuphorie, nos « Marocains du monde » (MDM), ex-MRE, dĂ©chantent. En tĂ©moignent leurs transferts qui, aprĂšs huit ans de hausse soutenue, ont reculĂ© au cours des deux derniĂšres annĂ©es. Mais le pire est Ă craindre. Crise oblige, la demande sâest effondrĂ©e dans plusieurs secteurs dont notamment le bĂątiment, lâhĂŽtellerie et la restauration ou encore lâagriculture. Des secteurs fortement employeurs de travailleurs migrants. DĂ©jĂ , dans ses prĂ©visions pour 2009, lâOIT parlait de la destruction de quelque 52 millions dâemplois dans le monde. Bien entendu, les premiers touchĂ©s sont les migrants puisquâil est Ă©tabli que « durant les crises et les rĂ©cessions, les immigrĂ©s sont les premiers Ă ĂȘtre concernĂ©s par les pertes dâemplois ». RĂ©sultat : « Le taux de chĂŽmage augmente et, dans plusieurs pays, il est deux fois plus Ă©levĂ© chez les migrants quâau sein de la population autochtone », rappelle Abdeslam El Ftouh, directeur du pĂŽle Promotion Ă©conomique de la Fondation Hassan II des MRE. Certaines estimations parlent ainsi de 26 % contre 15 % en Espagne, 18 % contre 9 % en France ou encore 17 % contre 8 % au Portugal. Mais, attention, avertit Abdeslam El Ftouh, il faut se mĂ©fier de ces statistiques car « ces chiffres pourraient soit sous-estimer la rĂ©alitĂ©, soit au contraire lâamplifier ».
Le spectre de la précarité
Pour lâheure, il est difficile de se faire une idĂ©e exacte de la situation de lâemploi des MRE dans leur pays dâaccueil. Cela dit, il est indĂ©niable que le spectre de la prĂ©caritĂ© guette nombre de Marocains du monde, du moins ceux dont la situation nâest pas rĂ©gularisĂ©e ou ceux dont lâemploi Ă©tait instable, et qui se trouvent alors exposĂ©s aux effets des restructurations des entreprises et de la contraction du marchĂ© de lâemploi. Ainsi, des femmes habituĂ©es Ă travailler, de maniĂšre saisonniĂšre, dans les champs de fraises en Espagne, ont vu la demande diminuer. « Normal, elles sont concurrencĂ©es par les Espagnols qui, par le passĂ©, rechignaient Ă travailler dans lâagriculture », indique Abdeslam El Ftouh. Avec lâaggravation de la conjoncture dans les pays dâacÂŹcueil europĂ©ens, cette tendance risque de sâaccentuer. Ce qui exercerait une forte tension sur le marchĂ© de lâemploi et rĂ©duirait les chances des travailleurs migrants. Serait-ce la fin de lâeldorado europĂ©en pour nos Marocains du monde ? Certains dâentre eux le redoutent. Par anticipation, ils commencent Ă envisager sĂ©rieusement leur retour au Maroc. Câest le cas de H. B., ancien travailleur en Italie, qui vit depuis peu entre son pays dâaccueil et le Maroc. Avec deux autres associĂ©s, il sâapprĂȘte Ă lancer une petite entreprise de restauration collective. « Depuis plus de trois ans, jâalternais de longues pĂ©riodes de chĂŽmage avec des petits boulots, sans espoir de dĂ©crocher un emploi fixe. Une situation intenable pour un pĂšre de famille », dit-il. Son cas, nâest pas isolĂ©. « Des travailleurs en sont arrivĂ©s Ă rapatrier leurs enfants au Maroc pour profiter dâun niveau de vie plus avantageux », cite en exemple Abdeslam El Ftouh.
Assisterons-nous au dĂ©but dâun renversement de tendance et Ă lâamorce dâun mouvement de retour ? Une tendance soulignĂ©e, du reste, par des experts mondiaux et dont les prĂ©mices sont observĂ©es dans plusieurs pays dont lâEspagne, lâItalie, les Ămirats arabes unis et les Ătats-Unis. Le responsable de la Fondation Hassan II des MRE est catĂ©gorique : dans les faits, on nâen est pas encore lĂ . « Si beaucoup de MRE affichent leur intention de rentrer dĂ©finitivement au pays, peu franchissent le pas », constate-t-il. La peur de manquer la sortie de crise et la reprise Ă©ventuelle dans les pays dâaccueil, conjuguĂ©e Ă des incertitudes sur les opportunitĂ©s dans leur pays dâorigine, freine leurs initiatives.
Khadija El Hassani |