Autrefois greniers et lieux de vie communautaires, les oasis de la région sont à l’agonie. Sécheresse, ensablement et salinisation menacent leur existence. Les services publics et les pays étrangers se mobilisent.

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Une variété de paysages aussi surprenante qu’inattendue. Après des kilomètres et des kilomètres d’étendues désertiques monotones, surgissent, ça et là, de petits monticules rocheux aux formes divertissantes. Des dunes rocailleuses d’un brun foncé succèdent aux terrains gris et caillouteux, parsemés de vieux arbustes. En arrière-plan, s’étendent les reliefs fortement accidentés de l’Anti- Atlas, dans une symphonie de couleurs et de formes ondulées.

Partis d’Agadir à onze heures, il faudra un peu plus de cinq heures pour atteindre Tata. Cinq heures de route que l’on ne sentira pas passer. Une déception pourtant pour celui qui parcourt ainsi quelque 300 kilomètres : aucune palmeraie à l’horizon ! Hormis quelques vestiges épars de vieux palmiers desséchés ou quelques troncs dégarnis, aucune oasis n’égaie les paysages plutôt austères qui mènent vers Tata, pourtant réputée pour son patrimoine oasien. Pour cela, il faudra s’enfoncer davantage dans la région.

Addis. À sept kilomètres de Tata, en allant vers Akka, cette bourgade abrite quelques-unes des plus importantes oasis de la région, mais aussi parmi les plus dégradées. À peine quelques dizaines de milliers de palmiers autour desquels vivent ou plutôt survivent, plusieurs douars. L’un d’entre eux, Tigane, abrite plus de deux cents familles dont la principale ressource reste la culture de dattiers. Une ressource qui, depuis quelques années, commence à se faire rare, sous l’effet d’une désertification rampante. Conjuguée à la sécheresse récurrente et aux ravages du « bayoud » (champignon qui s’attaque aux palmiers), la désertification grignote, d’année en année, la superficie des palmeraies et le nombre des pieds productifs. À cela s’ajoute la parcellisation des terres, suite au partage des héritages. Ce qui engendre des problèmes de gestion des terres et met en péril tout l’écosystème.

Rareté chronique de l'eau

Résultat : les immenses oasis d’antan, prospères et variées, font place, désormais, à de petites palmeraies gravement desséchées. « Ces oasis, explique Ahmed Khannoufi, du ministère de l’Agriculture, ne présentent plus, comme c’était le cas ja¬dis, toutes les strates spécifiques d’une oasis, à savoir un premier niveau haut avec des palmiers dattiers, un deuxième composé d’arbres fruitiers et enfin, un troisième niveau, bas, composé de maraîchage, de céréaliculture et de fourrage. » Aujourd’hui, la plupart de ces oasis n’ont plus que deux niveaux, voire parfois, un seul, signe d’une dégradation poussée. « Souvent, de vieux palmiers rongés par le “bayoud” abritent, en dessous, des cultures vivrières, du maïs ou du fourrage. »

Autres communes rurales, autres oasis. Mais toujours le même constat désolant. On est bien loin de l’image des paysages verdoyants d’autrefois. Ici, les palmes asséchées sont blanches et tombantes, les troncs assoiffés et dégarnis. Arrivée à Oum El Guerdane et Tigzmert. Même constat. La rareté chronique de l’eau affecte sérieusement les plantations. Plusieurs sources d’eau, dont l’ancien système d’irrigation constitué par les « khouttarates » devenues inopérantes, sont abandonnées. L’absence d’alternative conduit à la dégradation puis à l’abandon progressif des palmeraies.

La vie oasienne se déroule dans des conditions extrêmes d’aridité et de précarité. Coupées du monde, des familles entières évoluent dans des contrées enclavées, dans un milieu austère et désertique. Nombreux sont les jeunes qui fuient en émigrant, soit dans les grandes villes, soit à l’étranger.

Stopper l'hémorragie

Face à l’urgence de la situation, un projet de réhabilitation a été lancé dans la province de Tata. Une expérience menée par les pouvoirs publics (ministère de l’Agriculture, via la direction régionale de Guelmim et Smara, la direction provinciale de Tata et l’Agence du Sud), en partenariat avec la coopération belge. Le programme concerne trois communes, Addis, Tigzmert et Oum El Gardane et devrait mobiliser un budget de 35 millions de dirhams, sur 4 ans. La contribution belge serait de 20 millions de dirhams. « Nous voulons contribuer à la sauvegarde et la valorisation des potentialités économiques et écologiques des oasis. Notre objectif est aussi de relever le niveau de vie du monde rural en recréant une activité économique là où elle n'existe plus », assure l’ambassadeur de Belgique, Jean-Luc Bodson, en visite dans la région à l’occasion du lancement dudit projet. L’enjeu est de concilier la conservation des ressources naturelles et les impératifs du développement local. Pour cela, les concepteurs du projet axent leur démarche sur la proximité, en s’appuyant sur les associations existantes ou à créer. « Nous favorisons l’approche participative et pluridisciplinaire qui intègre les populations dans la mise en oeuvre effective du programme », explique Mano Demeure, représentant résident de l’Agence belge de développement (CTB).

Dans ce schéma, l’implication de la femme demeure un facteur clé de réussite avec à l'appui des projets générateurs de revenus : ateliers de broderie ou de tissage, coopératives de production et commercialisation de produits de terroir.

Toutes ces activités ont pour finalité de concilier les besoins de la population, la conservation de la biodiversité et les impératifs de développement socio-économique. Autant de pistes pour tenter de stopper l’hémorragie des palmeraies.

De nos envoyés spéciaux Khadija El Hassani et Brahim Taougar (photos).