Chinois, Indiens, NĂ©palais mais aussi Tunisiens. Lâartisanat marocain nâen finit pas dâinspirer les contreÂfacteurs. AprĂšs le naufrage du tapis et les dĂ©boires de la babouche, quelle sera leur prochaine cible ?
***
Tapis traditionnel, babouche, verre Ă thĂ©, textile, zellige⊠rien nâĂ©chappe aux contreÂfacteurs. Et au rebours des idĂ©es reçues, les responsables ne sont pas exclusivement chinois. Nos voisins tunisiens aussi sont sĂ©duits par la richesse et la vaÂriĂ©tĂ© des produits dâartisanat marocain. RĂ©cemment, lors dâun colloque sur le zelÂlige et le plĂątre organisĂ© Ă FĂšs, les Tunisiens se sont dĂ©placĂ©s en masse pour sâenquĂ©rir de nos techniques ancestrales et surtout, pour recruter, au prix fort, des maĂąlems marocains chargĂ©s de former des artisans tunisiens. Un transfert de savoir-faire qui dĂ©bouchera, fatalement Ă terme, sur de la contrefaçonâŠ
Pour lâheure, câest la filiĂšre du tapis qui est mise Ă mal, malgrĂ© les dĂ©clarations rassurantes des pouvoirs publics. « AuÂjourdâhui, il nâexiste pratiquement plus de tapis marocain ! », nâhĂ©site pas Ă clamer Najib Serghini, patron de Amal Links. Pour arrĂȘter lâhĂ©morragie, les producteurs prĂ©Âconisent lâinstauration rapide de normes obligatoires et le respect de la qualitĂ© de la matiĂšre premiĂšre. « Le phĂ©nomĂšne de la contrefaçon est apparu il y a cinq ans et il a pris de lâampleur depuis deux ans », prĂ©Âcise Azzedine Krafssi, PDG dâArtco. NomÂbreux sont les importateurs europĂ©ens qui Ă©coulent sur le marchĂ© marocain, via les grandes surfaces, des tapis fabriquĂ©s en Chine et en Inde, dâimitation persane ou marocaine, Ă des prix dĂ©fiant toute concurÂrence. « Ces importateurs qui rĂ©alisent des opĂ©rations spots (ponctuelles) dans toutes les grandes villes du Royaume en cassant les prix, nâont ni patente, ni identifiant fisÂcal », dĂ©nonce Krafssi. De plus, leurs proÂduits prĂ©sentĂ©s comme Ă©tant fabriquĂ©s Ă partir de matĂ©riaux nobles, ne font lâobjet dâaucun contrĂŽle aux frontiĂšres. « Câest une immense arnaque pour le consommateur marocain et un coup fatal pour les artisans locaux. » Alors Ă quand un systĂšme de traçaÂbilitĂ© de ces produits qui dĂ©sĂ©quilibrent le marchĂ© intĂ©rieur dĂ©jĂ fragilisĂ© par la crise ?
Ăcart de compĂ©titivitĂ©
Ă lâexport, les opĂ©rateurs reconnaissent que lâoffre marocaine nâest pas compĂ©tiÂtive. « Ă matiĂšre premiĂšre Ă©quivalente, nos concurrents de Chine, dâInde ou du NĂ©pal proposent des prix plus intĂ©ressants, noÂtamment grĂące Ă des coĂ»ts de transport plus bas et Ă des subventions versĂ©es par leurs Ă©tats », avance le patron Artco. En fait, un benchmark international est requis pour identifier les vĂ©ritables raisons de cet Ă©cart de compĂ©titivitĂ©. En attendant, le Maroc a perdu prĂšs de 80 % de parts de marchĂ© en Allemagne, son principal dĂ©bouchĂ© pour le tapis traditionnel. La raison invoquĂ©e par les artisans marocains, la transmission des modĂšles de bureaux d'Ă©tude allemands aux ateliers asiatiques. Dans un marchĂ© en constante mutation, marquĂ© par le reÂpli de la demande, il est difficile de mettre sur pied un plan dâactions Ă moyen terme et de sây tenir. « Et pour cause, quand un arÂticle connaĂźt du succĂšs Ă lâexport, il est sysÂtĂ©matiquement copiĂ© lâannĂ©e suivante et câest alors le prix qui devient dĂ©terminant. » Baisse de pouvoir dâachat oblige.
Mouna Kably
|