En dĂ©pit des blocages politiques, la construction de lâUPM avance avec le lancement de deux fonds dâinvestisÂsements dĂ©diĂ©s aux grands projets et Ă la microfinance.
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Enfin du concret ! Deux ans aprĂšs son lancement, lâUnion pour la MĂ©diterranĂ©e (UPM) semble amorcer un nouveau dĂ©part. Câest en tout cas ce que promettent les initiaÂteurs du projet avec le lanÂcement dâun premier instrument de fiÂnancement. BaptisĂ© InfraMed et dotĂ© de 385 millions dâeuros, ce fonds redonne un nouveau souffle au projet de lâUPM en levant lâun des principaux freins Ă lâiniÂtiative. InfraMed est en effet le premier instrument de financement de lâUPM et le plus important fonds dâinfrastructure de la rĂ©gion MĂ©diterranĂ©e. DĂ©sormais opĂ©rationnel, ce fonds est dĂ©diĂ© essenÂtiellement aux pays des rives sud et est (PSEM) de la MĂ©diterranĂ©e. Lâannonce en a Ă©tĂ© faite lors du ForâUm organisĂ© par la coprĂ©sidence franco-Ă©gyptienne de lâUPM au Palais de la Bourse de Marseille. LâĂ©vĂ©nement a attirĂ© quelque 600 parÂticipants, notamment des politiques, hommes dâaffaires, bailleurs de fonds et reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© civile.
Axes stratégiques identifiés
En mettant lâaccent sur les aspects Ă©coÂnomiques et financiers, les initiateurs du processus semblent avoir trouvĂ© la paÂrade pour contourner les nombreux bloÂcages politiques qui « prenaient en otage lâUPM depuis son lancement ». Câest le cas avec le report Ă novembre prochain du Sommet de lâUPM, en raison du conflit palestino-israĂ©lien. ConcrĂštement, le fonds Inframed prendra des participations dans des projets dâinfrastructures urbaines, Ă©nergĂ©tiques et de transport. Ce qui lui permettra de participer activeÂment Ă leur gestion. Il soutiendra essenÂtiellement des projets d'investissement Ă long terme. « Les premiers projets deÂvraient ĂȘtre examinĂ©s dâici la fin de lâanÂnĂ©e », explique Laurent Vigier, directeur des affaires europĂ©ennes et internatioÂnales de la CDC. Ce fonds dâinvestisseÂment repose sur un partenariat entre les institutions financiĂšres des deux rives de la MĂ©diterranĂ©e. Il est financĂ© par la Caisse française des dĂ©pĂŽts et consignaÂtions (CDC), et par ses homologues itaÂlienne (CDP) et marocaine (CDG). Ainsi, la CDC apporte 150 millions dâeuros Ă InÂframed, autant que lâItalienne Cassa deÂpositi e prestiti (CDP). Le Maroc, via son bras financier, la Caisse de dĂ©pĂŽt et de gestion, contribue Ă hauteur de 20 milÂlions dâeuros. Pour sa part, lâEFG-Hermes (Ăgypte) verse 15 millions dâeuros. Enfin, la Banque europĂ©enne dâinvestissement (BEI) apporte un financement Ă hauteur de 50 millions dâeuros. Les initiateurs de ce fonds comptent faire passer cette enÂveloppe de 385 millions Ă 1 milliard dâeuÂros dâici Ă 18 mois. Un pari qui semble rĂ©alisable : « Des fonds des pays du Golfe, d'Asie ou d'AmĂ©rique du Nord nous ont dĂ©jĂ approchĂ©s », assure-t-on du cĂŽtĂ© de la CDC. Ce qui augure du succĂšs de ce premier instrument de financement.
ParallĂšlement, le ForâUm de Marseille a vu le lancement dâune autre initiative : le Faro (fonds d'amorçage de rĂ©alisation et d'orientation). DotĂ© d'un million d'euros, ce nouvel outil pilote a pour vocation de dĂ©velopper la microfinance en crĂ©ant un rĂ©seau de fonds en soutien aux porteurs de petits projets des pays des deux rives de la MĂ©diterranĂ©e.
Avec ces deux nouveaux instruments, les initiateurs de lâUPM entendent attĂ©nuer le scepticisme ambiant face Ă lâinertie de lâinitiative. En effet, la mise en place dâinstruments financiers permet Ă lâinstiÂtution de ne pas sombrer dans la paralyÂsie. « MalgrĂ© tous les Ă©cueils, lâUPM avance tout en suscitant de nombreuses attentes », affirme Henri Guaino, conseiller spĂ©cial du prĂ©sident français et chef de la misÂsion interministĂ©rielle UPM. Dâailleurs, fait-il remarquer, « malgrĂ© la crise, aucun pays nâa demandĂ© son retrait de lâUnion ».Ce qui constitue Ă ses yeux, une preuve de la confiance dont jouit lâinitiative de part et dâautre de la MĂ©diterranĂ©e. En dĂ©Âfinitive, les initiateurs du projet estiment que le bilan des deux annĂ©es est plutĂŽt « satisfaisant » mĂȘme si la ministre de
lâĂconomie française, Christine Lagarde, prĂ©fĂšre ne pas parler de bilan mais pluÂtĂŽt « des axes stratĂ©giques identifiĂ©s ». « MĂȘme en lâabsence de rĂ©unions stables et frĂ©quentes au plan politique, des proÂjets sont dĂ©jĂ sur pied, dâautres en cours, et dâautres encore bien identifiĂ©s », constate-t-elle. Lâon parle de quelque 270 projets dĂ©jĂ en oeuvre dans des domaines comme le transport, les infrastructures portuaires, Ă©nergĂ©tiques⊠Ces projets, dont prĂšs des deux tiers sont rĂ©alisĂ©s dans les pays du Sud, reprĂ©sentent plus de 20 milliards d'euros de promesses de financements. Preuve que malgrĂ© tout, lâUPM avance et mĂȘme les plus sceptiques conviennent que le bilan des deux premiĂšres annĂ©es nâest pas aussi maigre quâil y paraĂźt.
De notre envoyée spéciale à Marseille, Khadija El Hassani |
Une banque méditerranéenne en gestation
L'ancien prĂ©sident du groupe Caisse d'Ăpargne, Charles Milhaud, plaide pour la crĂ©ation dâun « instrument financier de codĂ©veloppement euro-mĂ©diterranĂ©en » dĂ©diĂ© au soutien au secteur privĂ©. Quelques jours avant de remettre son rapport Ă Nicolas Sarkozy (prĂ©vu avant le 15 juin), Milhaud a prĂ©sentĂ© au ForâUm de Marseille, les contours de ce nouvel « instrument financier euromĂ©diterranĂ©en ». Cet outil permettrait, selon lui, de lever une partie des obstacles qui entravent le dĂ©veloppement des pays du sud et de lâest de la MĂ©diterranĂ©e (PSEM). Milhaud cite, entre autres, lâinsuffisance des instruments financiers existants, les difficultĂ©s dâaccĂšs au financement pour les PME, le dĂ©veloppement embryonnaire des marchĂ©s financiers. Devant ce constat, les experts de la mission Milhaud prĂ©conisent la crĂ©ation dâun outil financier dĂ©diĂ© au soutien du secteur privĂ©. Ce nouvel instrument jouerait Ă©galement un rĂŽle dâassistance technique et dâingĂ©nierie financiĂšre vis-Ă -vis du systĂšme bancaire. Mission : faciliter la crĂ©ation de fonds dâinvestissements pour lâinnovation, le soutien des marchĂ©s financiers et la prise en compte des besoins des TPE et PME. Sur un plan plus technique, les experts de la mission Milhaud estiment que cet outil devrait disposer dâun capital supĂ©rieur Ă 10 milliards dâeuros. Ils suggĂšrent que la Banque europĂ©enne dâinvestissement (BEI) en soit l'actionnaire majoritaire Ă hauteur de 30 %, avec lâexigence dâouverture du capital aux pays du Sud. Cette exigence vise Ă permettre une meilleure implication de cette zone. « La prĂ©sence dans le capital d'institutions des diffĂ©rents pays lui permettrait de bĂ©nĂ©ficier d'une notation AAA lui assurant des conditions de rĂ©fĂ©rencement aux meilleurs taux du marchĂ© », explique Charles Milhaud. Dans son rapport, Milhaud retient trois scĂ©narios possibles. Le premier consisterait en la crĂ©ation ex nihilo dâune banque Ă lâinstar de ce qui a Ă©tĂ© fait pour la BERD. Option dont le coĂ»t serait Ă©levĂ©. La seconde piste proposĂ©e vise Ă fonder un nouvel Ă©tablissement avec, comme actionnaire de rĂ©fĂ©rence, la Banque europĂ©enne dâinvestissement (BEI). La troisiĂšme solution consisterait Ă lancer une Caisse publique mĂ©diterranĂ©enne qui sâappuierait sur des structures publiques existantes dans les pays partenaires. La deuxiĂšme piste recueille, pour lâinstant, lâadhĂ©sion de la plupart des parties prenantes. |
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