INTERVIEW
Thierry de Margerie, PDG dâAlstom Maroc «âNotre groupe privilĂ©gie les partenariats avec les entreprises localesâ»
Les centrales de Jorf Lasfar, dâAĂŻn Beni Mathar et dâAfourer⊠Thierry de Margerie nâest pas Ă son premier coup dâessai. Dans le transport, Alstom a tissĂ© un partenariat historique avec lâONCF et a remportĂ© les marchĂ©s des tramways. Le PDG dâAlstom Maroc fait le point sur les projets que le groupe espĂšre dĂ©crocher.
En 2009/2010, Alstom Maroc a rĂ©ceptionnĂ© les commandes du parc Ă©olien dâAfinigh pour 100 millions dâeuros et du tramway de Casablanca pour 140 millions dâeuros auxquels sâajoutent 15 millions dâeuros au titre de ses prestations. En 2011, la filiale marocaine dĂ©crochera-t-elle le jackpot avec la centrale de Safi et le TGV ?
Vous venez de remporter votre premier contrat dans lâĂ©olien au Maroc. Quels sont les projets dĂ©jĂ rĂ©alisĂ©s par Alstom dans le domaine Ă©nergĂ©tique ?
THIERRY DE MARGERIE. LâĂ©olien nâest quâun des aspects de la participation dâAlstom Ă lâĂ©nergie propre au Maroc. PrĂšs de la moitiĂ© de lâĂ©nergie hydroĂ©lectrique y est rĂ©alisĂ©e avec des Ă©quipements Alstom. Ainsi, la centrale hydroĂ©lectrique dâAfourer, la plus puissante et la plus prestigieuse du Royaume, est entrĂ©e en service en 2006, mais sa rĂ©ception dĂ©finitive a Ă©tĂ© effectuĂ©e en 2009. Son schĂ©ma de transfert dâĂ©nergie par pompage est unique au monde car basĂ© sur deux centrales en sĂ©rie, sans bassin intermĂ©diaire. Ce qui permet Ă lâONE de moduler la production dâĂ©nergie Ă©lectrique selon la demande et dâoptimiser le coĂ»t de revient du KWh. La centrale dâAfourer est donc un outil dâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique qui permet Ă lâONE de faire face aux fluctuations, Ă la fois de la demande et de lâalimentation, via les Ă©oliennes.
Par ailleurs, nous assurons la partie «âclassiqueâ» de la centrale de Beni Mathar qui sera livrĂ©e en Ă©tĂ© 2010. Les turbines gaz sont dĂ©jĂ opĂ©rationnelles. Reste la partie solaire qui sera livrĂ©e plus tard. Quant Ă lâassemblage de la centrale, il est rĂ©alisĂ© par lâEspagnol Abener. ParallĂšlement, Alstom prend en charge la maintenance des centrales existantes comme celles de Jorf Lasfar et la rĂ©habilitation dâune tranche de la centrale de Mohammedia. Tout comme nous prĂ©voyons de proposer nos services Ă la centrale dâAĂŻn Mathar.
Alstom est également présent dans le domaine géothermique. Quelles sont vos ambitions ?
En 2000, Alstom a construit lâimportante centrale de Jorf Lasfar, un ouvrage trĂšs fiable qui reprĂ©sente entre 20â% et 25â% de la capacitĂ© Ă©lectrique nationale, parfois mĂȘme 30â%. Nous avons soumissionnĂ© Ă lâappel dâoffres pour son projet dâextension. Nous sommes en concurrence avec des opĂ©rateurs corĂ©ens et japonais. A lâissue de lâexamen des offres actuellement en cours, le choix sera connu dâici lâĂ©tĂ© prochain. Si Alstom est retenu, nous en ferons bĂ©nĂ©ficier un maximum dâentreprises locales, dans le domaine du gĂ©nie civil notamment.
Par ailleurs, la centrale de Safi programmĂ©e par lâONE, dâune capacitĂ© de 1 350âMW, requiert un investissement de 2 milliards de dollars. Alstom a prĂ©sentĂ© son offre pour une livraison clĂ© en main, dans le cadre dâun concours lancĂ© par le maĂźtre dâouvrage. Deux groupements ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©sâ: dâun cĂŽtĂ©, Nareva, International Power et Alstom, de lâautre, EDF aux cĂŽtĂ©s de Datang et de fournisseurs chinois. A travers notre groupement, nous confirmons la soliditĂ© de notre partenariat avec Nareva. De plus, au regard de la taille du projet et des capitaux mis en jeu, il est nĂ©cessaire dâaller au-delĂ du critĂšre de prix pour tenir compte de la fiabilitĂ© et du respect des dĂ©lais de livraison, sans oublier la sĂ©curitĂ© Ă©nergĂ©tique et environnementale.
Les offres ont Ă©tĂ© remises en mars et la dĂ©signation de lâadjudicataire par lâONE est prĂ©vue durant le dernier trimestre de cette annĂ©e.
Dans quelle mesure avez-vous contribué au transfert de savoir-faire ?
Alstom est engagĂ© dans de grands projets avec une dimension Energie propre et privilĂ©gie le partenariat avec des entreprises locales et la formation de techniciens sur place. Au total, nous avons formĂ© une centaine de techniciens qualifiĂ©s pour assurer la maintenance de la centrale de Jorf Lasfar. Une quinzaine est en mesure dâintervenir partout dans le monde depuis le Maroc. Nous comptons Ă©galement sur une Ă©quipe permanente de 30 personnes pour assurer les prestations de services dans les diffĂ©rentes centrales.
OĂč en ĂȘtes-vous aujourdâhui dans le domaine du transport ferroviaire urbain et interurbain ?
Alstom est fournisseur et prestataire de lâONCF depuis de nombreuses annĂ©es. Parmi nos derniĂšres rĂ©alisations, les travaux relatifs Ă lâamĂ©lioration de la sĂ©curitĂ© du trafic et lâaugmentation de sa densitĂ© pour accompagner la forte croissance du trafic Voyageurs observĂ©e ces derniĂšres annĂ©es. Les contrats conclus en 2007 ont portĂ© sur 20 locomotives de derniĂšre gĂ©nĂ©ration, pour un montant de 75 millions de dirhams. Leur livraison est prĂ©vue cette annĂ©e, aprĂšs la phase dâessai. AdaptĂ©es Ă lâinfrastructure existante, ces locomotives, Ă la fois souples et puissantes, se prĂȘtent au transport Voyageurs et Fret. En attendant le lancement du TGV, elles pourront ĂȘtre utilisĂ©es sur la ligne de Tanger pour le transport Voyageurs, avant de basculer vers le transport Fret.
Le projet TGV avance-t-il ? OĂč en est le montage financier ?
Le schĂ©ma de financement nâest pas encore bouclĂ© car toujours en attente de la confirmation de la quote-part de la BEI. Sinon, celles des Etats français et marocain sont confirmĂ©es. Pour rappel, lâHexagone accompagne lâoffre dâAlstom en accordant un financement concessionnel en termes de taux et de dĂ©lais de grĂące.
Par ailleurs, les Ă©tudes techniques rĂ©alisĂ©es avec lâappui de la SNCF sont longues et complexes car il faut veiller Ă rĂ©server les sols sans que cela ne suscite de la spĂ©culation et fixer un modĂšle dâexploitation du train qui soit viable. Le protocole dâaccord bilatĂ©ral prĂ©voit que le matĂ©riel roulant soit fourni par Alstom. Mais pour lâheure aucune commande ferme nâest encore passĂ©e. Il faut que le financement soit bouclĂ©, sans doute vers lâĂ©tĂ© prochain.
Alstom est Ă©galement bien avancĂ© sur les tramways de Rabat et Casablanca. Quel est lâĂ©chĂ©ancier de ces deux programmes ?
Pour Rabat, Alstom a livrĂ© les rames en mars dernier et les derniĂšres livraisons sont prĂ©vues dâici janvier 2011. DotĂ© dâun design original, ce tramway est un modĂšle de codĂ©veloppement avec lâAgence de lâamĂ©nagement du Bouregreg qui reflĂšte les spĂ©cificitĂ©s de la capitale. Il a portĂ© sur une commande formulĂ©e en 2007 pour un montant de 90 millions dâeuros.
Celui de Casablanca requiert un investissement initial de 120 millions dâeuros et Ă terme, de 180 millions dâeuros, compte tenu du coĂ»t de la maintenance. Il sâagit lĂ de la commande la plus importante dans le monde qui soit passĂ©e en une seule fois. Sa mise en service est prĂ©vue pour 2012.
Propos recueillis par Mouna Kably |