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Notaires,  une loi pour Ă©viter les arnaques
actuel n°43, samedi 17 avril 2010
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Souvent montrĂ©s du doigts dans des transactions douteuses, les notaires peuvent, aussi, ĂȘtre des victimes. La profession souhaite qu’une nouvelle loi, mieux adaptĂ©e Ă  son Ă©poque, puisse voir le jour rapidement.


***

La liste des notaires vĂ©reux ne cesse de s’allonger, au grand dam de la profession. Aux cĂ©lĂšbres affaires d’escroquerie des maĂźtres Hilal, AĂŻcha Dinia et Redouane Bennani, viennent s’ajouter celles de deux autres notaires ayant pignon sur rue Ă  Rabat et Ă  SalĂ©, et dont l’instruction est actuellement en cours.

Il est vrai qu’avec le ralentissement de l’activitĂ© Ă©conomique et la crise de l’immobilier qui sĂ©vit depuis plusieurs mois, le volume des transactions a fortement chutĂ©, aux dires des professionnels. La course au chiffre d’affaires inciterait ainsi certains notaires Ă  moins de diligence. Dans tous les cas, les affaires de dĂ©tournements qui dĂ©fraient la chronique ces derniers temps ternissent l’image d’une profession pourtant placĂ©e au cƓur de l’économie moderne. « Le notaire est normalement garant de la sĂ©curitĂ© des deux parties, que ce soit l’acheteur ou le vendeur, mais aussi du bailleur de fonds et des investisseurs Ă©trangers », rappelle un notaire de la place. Selon lui, ces cas de « fautes professionnelles » restent isolĂ©s et relĂšvent souvent de la nĂ©gligence, parfois de la manipulation de certains clients, mais rarement du notaire. « Il arrive que celui-ci soit victime de la mauvaise foi de son client et se fasse escroquer quand il est dans l’incapacitĂ© de vĂ©rifier, par exemple, l’authenticitĂ© d’une piĂšce d’identitĂ© ou tout autre document du dossier », se dĂ©fend un confrĂšre. Pour lui, le seul indice susceptible de susciter le doute sur la nature de la transaction reste le prix du bien immobilier ou du terrain, si celui-ci s’avĂšre ĂȘtre anormalement bas par rapport au cours du marchĂ©.

Pour autant, l’opinion publique ne retiendra, ces derniĂšres annĂ©es, que les affaires de dĂ©tournement de fonds confiĂ©es par des clients Ă  des notaires indĂ©licats. « Au dĂ©part, il se peut que ce dernier ne soit pas animĂ© par la mauvaise foi », explique Noureddine Skouked, prĂ©sident du dĂ©partement juridique de la Chambre nationale des notaires. Pour commencer, il sera tentĂ© de faire fructifier, Ă  l’insu de ses clients, le capital dormant qui lui est temporairement confiĂ©. Il suffit que ses placements ne gĂ©nĂšrent pas les plus-values escomptĂ©es pour que le notaire gourmand s’inscrive dans une fuite en avant. Ă  l’échĂ©ance, le notaire se trouve contraint de rĂ©gler les clients par chĂšque sans provision dĂ©clenchant ainsi l’engrenage infernal. Alors comment sĂ©curiser cette relation notaire-client ? Le projet de loi soumis au Parlement prĂ©voit plusieurs dispositions Ă  cet effet.

Double signature

Ainsi, une des grandes nouveautĂ©s du texte actuellement Ă  l’étude a trait aux honoraires. DĂšs l’entrĂ©e en application de la loi, ils seront fixĂ©s par voie de dĂ©cret. Ce qui, on s’en doute, permettra de mettre de l’ordre en harmonisant les montants des appointements Ă  verser au notaire. Une telle disposition permettra Ă©galement de rehausser le degrĂ© de transparence et la qualitĂ© du service rendu. MĂȘme si elle paraĂźt anodine, cette dĂ©cision rĂ©pond Ă  la fois aux dolĂ©ances des professionnels et des citoyens. Ces derniers ne seront plus tentĂ©s de choisir le notaire le moins-disant avec le risque de pĂątir, ensuite, des consĂ©quences de services bradĂ©s. « Le dumping observĂ© actuellement est prĂ©judiciable tant pour le citoyen que pour la profession car certains notaires baissent anormalement leurs tarifs pour faire du volume, au dĂ©triment de la qualitĂ© de la prestation rendue et de la vigilance requise », dĂ©nonce Amin Fayçal Benjelloun, notaire Ă  Casablanca.

Par ailleurs, pour garantir la sĂ©curitĂ© juridique du citoyen, le projet de loi a maintenu le fonds de garantie prĂ©vu par le texte de 1925 et prĂ©voit, en plus, l’instauration d’une assurance ResponsabilitĂ© civile obligatoire. « Ceci constitue une nouveautĂ© apprĂ©ciable puisque, depuis trois ans, des notaires ont la possibilitĂ© de souscrire librement Ă  une assurance ResponsabilitĂ© civile. Malheureusement, dans les faits, moins de la moitiĂ© des membres de la profession s’y plient », fait remarquer Benjelloun.

Ces dispositions semblent pour le moins insuffisantes aux yeux de certains juristes car elles ne sont nullement dissuasives Ă  l’endroit des notaires malhonnĂȘtes. Ils suggĂšrent la mise en place d’un dispositif similaire Ă  celui qui gĂšre la relation entre les avocats et leurs clients. Ce dernier prĂ©voit que le bĂątonnier centralise tous les fonds confiĂ©s, et chaque mouvement sur le compte professionnel de l’avocat requiert une double signature, celles du bĂątonnier et de l’avocat. En vigueur depuis novembre 2009, ce nouveau dispositif a l’avantage de sĂ©curiser les fonds confiĂ©s par les clients, mĂȘme si les dĂ©lais sont dĂ©sormais plus longs et les procĂ©dures plus complexes. Mais c’est le prix Ă  payer pour rĂ©habiliter la confiance d’un public Ă©chaudĂ© par la succession de scandales.

Mouna Kably & Khadija El Hassani

Un métier attractif

Il y a quinze ans, le Maroc comptait moins de 80 notaires. Ils sont aujourd’hui prĂšs de 900 confrĂšres. Selon Noureddine Skouked, prĂ©sident du dĂ©partement juridique de la Chambre marocaine des notaires, la profession s’est beaucoup rajeunie aujourd’hui. Il estime Ă  prĂšs de 80 % la part des notaires fraĂźchement diplĂŽmĂ©s et installĂ©s. Si les notaires estiment qu’ils sont trop nombreux au regard de la taille du marchĂ© et de l’évolution du nombre de transactions, c’est que, selon eux, les clients prĂ©fĂšrent en majoritĂ© recourir aux services des adouls. Pourtant ces derniers sont rĂ©cemment montĂ©s au crĂ©neau aprĂšs avoir Ă©tĂ© privĂ©s de sceller les transactions immobiliĂšres.


Bienvenue dans la chambre noire

Officiellement, les notaires ne cautionnent pas les dessous de table, le cĂ©lĂšbre « noir » versĂ© par l’acheteur au vendeur lors d’une transaction immobiliĂšre. L’opĂ©ration se dĂ©roule souvent au cafĂ© en bas de l’étude par un Ă©change de sac en plastique noir. Mais certains notaires soucieux du confort de leurs clients ont Ă©tĂ© jusqu’à amĂ©nager « une chambre noire » pour faciliter l’opĂ©ration en toute discrĂ©tion
 mais sans la cautionner !

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