Souvent montrĂ©s du doigts dans des transactions douteuses, les notaires peuvent, aussi, ĂȘtre des victimes. La profession souhaite quâune nouvelle loi, mieux adaptĂ©e Ă son Ă©poque, puisse voir le jour rapidement.
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La liste des notaires vĂ©reux ne cesse de sâallonger, au grand dam de la profession. Aux cĂ©lĂšbres affaires dâescroquerie des maĂźtres Hilal, AĂŻcha Dinia et Redouane Bennani, viennent sâajouter celles de deux autres notaires ayant pignon sur rue Ă Rabat et Ă SalĂ©, et dont lâinstruction est actuellement en cours.
Il est vrai quâavec le ralentissement de lâactivitĂ© Ă©conomique et la crise de lâimmobilier qui sĂ©vit depuis plusieurs mois, le volume des transactions a fortement chutĂ©, aux dires des professionnels. La course au chiffre dâaffaires inciterait ainsi certains notaires Ă moins de diligence. Dans tous les cas, les affaires de dĂ©tournements qui dĂ©fraient la chronique ces derniers temps ternissent lâimage dâune profession pourtant placĂ©e au cĆur de lâĂ©conomie moderne. «âLe notaire est normalement garant de la sĂ©curitĂ© des deux parties, que ce soit lâacheteur ou le vendeur, mais aussi du bailleur de fonds et des investisseurs Ă©trangersâ», rappelle un notaire de la place. Selon lui, ces cas de «âfautes professionnellesâ» restent isolĂ©s et relĂšvent souvent de la nĂ©gligence, parfois de la manipulation de certains clients, mais rarement du notaire. «âIl arrive que celui-ci soit victime de la mauvaise foi de son client et se fasse escroquer quand il est dans lâincapacitĂ© de vĂ©rifier, par exemple, lâauthenticitĂ© dâune piĂšce dâidentitĂ© ou tout autre document du dossierâ», se dĂ©fend un confrĂšre. Pour lui, le seul indice susceptible de susciter le doute sur la nature de la transaction reste le prix du bien immobilier ou du terrain, si celui-ci sâavĂšre ĂȘtre anormalement bas par rapport au cours du marchĂ©.
Pour autant, lâopinion publique ne retiendra, ces derniĂšres annĂ©es, que les affaires de dĂ©tournement de fonds confiĂ©es par des clients Ă des notaires indĂ©licats. «âAu dĂ©part, il se peut que ce dernier ne soit pas animĂ© par la mauvaise foiâ», explique Noureddine Skouked, prĂ©sident du dĂ©partement juridique de la Chambre nationale des notaires. Pour commencer, il sera tentĂ© de faire fructifier, Ă lâinsu de ses clients, le capital dormant qui lui est temporairement confiĂ©. Il suffit que ses placements ne gĂ©nĂšrent pas les plus-values escomptĂ©es pour que le notaire gourmand sâinscrive dans une fuite en avant. Ă lâĂ©chĂ©ance, le notaire se trouve contraint de rĂ©gler les clients par chĂšque sans provision dĂ©clenchant ainsi lâengrenage infernal. Alors comment sĂ©curiser cette relation notaire-clientâ? Le projet de loi soumis au Parlement prĂ©voit plusieurs dispositions Ă cet effet.
Double signature
Ainsi, une des grandes nouveautĂ©s du texte actuellement Ă lâĂ©tude a trait aux honoraires. DĂšs lâentrĂ©e en application de la loi, ils seront fixĂ©s par voie de dĂ©cret. Ce qui, on sâen doute, permettra de mettre de lâordre en harmonisant les montants des appointements Ă verser au notaire. Une telle disposition permettra Ă©galement de rehausser le degrĂ© de transparence et la qualitĂ© du service rendu. MĂȘme si elle paraĂźt anodine, cette dĂ©cision rĂ©pond Ă la fois aux dolĂ©ances des professionnels et des citoyens. Ces derniers ne seront plus tentĂ©s de choisir le notaire le moins-disant avec le risque de pĂątir, ensuite, des consĂ©quences de services bradĂ©s. «âLe dumping observĂ© actuellement est prĂ©judiciable tant pour le citoyen que pour la profession car certains notaires baissent anormalement leurs tarifs pour faire du volume, au dĂ©triment de la qualitĂ© de la prestation rendue et de la vigilance requiseâ», dĂ©nonce Amin Fayçal Benjelloun, notaire Ă Casablanca.
Par ailleurs, pour garantir la sĂ©curitĂ© juridique du citoyen, le projet de loi a maintenu le fonds de garantie prĂ©vu par le texte de 1925 et prĂ©voit, en plus, lâinstauration dâune assurance ResponsabilitĂ© civile obligatoire. « Ceci constitue une nouveautĂ© apprĂ©ciable puisque, depuis trois ans, des notaires ont la possibilitĂ© de souscrire librement Ă une assurance ResponsabilitĂ© civile. Malheureusement, dans les faits, moins de la moitiĂ© des membres de la profession sây plient », fait remarquer Benjelloun.
Ces dispositions semblent pour le moins insuffisantes aux yeux de certains juristes car elles ne sont nullement dissuasives Ă lâendroit des notaires malhonnĂȘtes. Ils suggĂšrent la mise en place dâun dispositif similaire Ă celui qui gĂšre la relation entre les avocats et leurs clients. Ce dernier prĂ©voit que le bĂątonnier centralise tous les fonds confiĂ©s, et chaque mouvement sur le compte professionnel de lâavocat requiert une double signature, celles du bĂątonnier et de lâavocat. En vigueur depuis novembre 2009, ce nouveau dispositif a lâavantage de sĂ©curiser les fonds confiĂ©s par les clients, mĂȘme si les dĂ©lais sont dĂ©sormais plus longs et les procĂ©dures plus complexes. Mais câest le prix Ă payer pour rĂ©habiliter la confiance dâun public Ă©chaudĂ© par la succession de scandales.
Mouna Kably & Khadija El Hassani |