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Comptes spĂ©ciaux du TrĂ©sor 
actuel n°172, jeudi 13 décembre 2012
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Victoire en demi-teinte pour les amis de Benkirane. Leurs revendications pour intégrer les comptes du Trésor, gérés par le ministÚre des Finances et ses directions, ont été entendues. Mais la majorité freine les ardeurs.


 

La polĂ©mique autour des primes de l’ancien ministre des Finances, Salaheddine Mezouar, continue de faire rage dans l’enceinte du Parlement. En attendant que toute la lumiĂšre soit faite sur cette affaire et que la justice se prononce dans le procĂšs relatif Ă  la divulgation de documents liĂ©s aux primes perçues par l’ancien ministre des Finances et le TrĂ©sorier gĂ©nĂ©ral du Royaume, le dĂ©bat parmi les Ă©lus bat son plein. Profitant des discussions du projet de loi de Finances, des dĂ©putĂ©s de la majoritĂ© ont remis sur le tapis la question des recettes et dĂ©penses extrabudgĂ©taires de certaines administrations, qui Ă©chappent Ă  tout contrĂŽle et sont Ă  l’origine du versement des fameuses primes. Plus prĂ©cis, le groupe parlementaire du parti de la lampe, conduit par Abdellah Bwano, pointe du doigt les trois directions du ministĂšre des Finances, Ă  savoir la Direction gĂ©nĂ©rale des impĂŽts (DGI), la TrĂ©sorerie gĂ©nĂ©rale du Royaume (TGR) et l’Administration des douanes et des impĂŽts indirects (ADII). « Ces administrations disposent de ressources extrabudgĂ©taires leur permettant, entre autres, de financer les primes de leur personnel. Une injustice par rapport aux fonctionnaires, estime le dĂ©putĂ©. Par ailleurs, poursuit-il, ces ressources et dĂ©penses, dont les montants sont considĂ©rables, Ă©chappent complĂštement Ă  l’autorisation et au contrĂŽle du Parlement. » Elles constituent en cela une entorse majeure aux principes budgĂ©taires d’unitĂ© et d’universalitĂ© consacrĂ©s par les articles 1 et 9 de la loi organique des Finances.

 

IntĂ©gration de l’ensemble
des recettes et dépenses

D’oĂč l’amendement proposĂ©, mais non retenu, par le parti de Abdelilah Benkirane qui rĂ©clame l’intĂ©gration, dĂšs 2014, de l’ensemble des recettes et dĂ©penses extrabudgĂ©taires, gĂ©rĂ©es par les trois administrations des Finances, sans exception, dans le budget gĂ©nĂ©ral de l’Etat. Les dĂ©putĂ©s du PJD s’inspirent ainsi de l’article 110 de la loi de Finances française de 1996. En effet, rappelle Abdellah Bwano, jusqu’au milieu des annĂ©es 90, les fonds dĂ©budgĂ©tisĂ©s existaient aussi en France et suscitaient les mĂȘmes dĂ©bats au Parlement. L’article 110 a permis Ă  la France de rĂ©intĂ©grer au budget de l’Etat toutes les recettes et dĂ©penses qui en Ă©taient soustraites pour une raison ou une autre. Les pjdistes veulent atteindre, Ă  travers leur amendement, le mĂȘme objectif en ciblant les seules directions du ministĂšre de l’Economie et des Finances. ConcrĂštement, les dĂ©putĂ©s pjdistes lorgnent les fonds de l’ADII : fonds commun des saisies ; remise sur crĂ©dit d’enlĂšvement ; masse des brigades ; travail rĂ©munĂ©rĂ© par les opĂ©rateurs. Ces ressources Ă©manent des amendes transactionnelles, des ventes des saisies douaniĂšres et des majorations sur les obligations cautionnĂ©es. Ou encore des intĂ©rĂȘts adossĂ©s aux crĂ©dits d’enlĂšvements consentis par l’ADII, des retenues de loyers sur les salaires des douaniers logĂ©s par leur administration, les indemnitĂ©s du personnel de la douane mobilisĂ© en dehors des horaires de service.

 

Activité bancaire

Pour la TGR, les comptes ciblĂ©s sont les « fonds particuliers » et le compte 22-04 « frais de recouvrement des crĂ©ances publiques TGR ». Ils sont Ă©galement alimentĂ©s par des ressources extrabudgĂ©taires provenant des intĂ©rĂȘts revenant Ă  la TGR au titre des fonds dĂ©posĂ©s auprĂšs d’elle dans le cadre de son activitĂ© bancaire, et par les frais de recouvrement des crĂ©ances publiques perçus par la TGR. Quant Ă  la DGI, les pjdistes pointent du doigt des comptes comme celui relatif aux frais de recouvrement des crĂ©ances publiques par la DGI.

Mais Rachid Talbi Alami, dĂ©putĂ© RNI, rĂ©fute toutes ces accusations : « Ces fonds n’échappent pas Ă  tout contrĂŽle. Tous les fonds du TrĂ©sor, quelle que soit leur nature, sont soumis au principe de la comptabilitĂ© gĂ©nĂ©rale et par la Cour des comptes. Cela dit, poursuit le dĂ©putĂ© rniste, nous envisagions de prĂ©senter un amendement pour supprimer l’ensemble de ces fonds pour respecter le principe d’unicitĂ© de caisse. En clair, toutes les recettes doivent ĂȘtre versĂ©es dans une mĂȘme caisse avant d’ĂȘtre rĂ©parties. Mais il ne faut pas se prĂ©cipiter. »

 

Multitude d’exceptions

En attendant, le gouvernement a fini par introduire un amendement sur le mĂȘme sujet mais en termes plus Ă©dulcorĂ©s. Ainsi, outre l’échĂ©ance qui est repoussĂ©e d’une annĂ©e, Ă  2015, une multitude d’exceptions sont intĂ©grĂ©es dans cet amendement qui suscite une vive polĂ©mique chez les conseillers. Ainsi, l’article 18 bis stipule que « seront intĂ©grĂ©es dans le budget gĂ©nĂ©ral de l’Etat, les recettes et dĂ©penses rĂ©sultant des opĂ©rations liĂ©es aux comptes du TrĂ©sor, qui sont gĂ©rĂ©es par les administrations du ministĂšre des Finances, mais qui ne sont ni rĂ©gies par l’application d’un texte particulier, ni des engagements contractuels ou conventions internationales, ni par des crĂ©dits Ă  court et moyen terme ou par la gestion de bons Ă©mis au profit de l’Etat, ni encore des recettes ou dĂ©penses temporaires en attendant leur affectation finale ». Une maniĂšre d’écarter bon nombre de comptes, estime un dĂ©putĂ© de la majoritĂ©. Mais, selon SaĂŻd Khairoune, prĂ©sident de la commission des Finances et du dĂ©veloppement Ă©conomique, l’idĂ©e est plutĂŽt de permettre Ă  l’administration d’apurer ses comptes et de lui laisser du temps pour le faire dans les rĂšgles de l’art. En tout cas, les pjdistes n’en sont pas convaincus et sont dĂ©cidĂ©s Ă  poursuivre leur lutte.

Khadija El Hassani

Avis d’expert  Najib Akesbi, Ă©conomiste

Mini-rĂ©volution ou coup d’épĂ©e dans l’eau ?

Un amendement pour intĂ©grer les comptes spĂ©ciaux du TrĂ©sor (CST) dans le budget gĂ©nĂ©ral de l’Etat est important et il pourrait avoir de l’effet. Tout dĂ©pendra de la capacitĂ© des dĂ©putĂ©s Ă  se saisir de ce nouveau « droit » pour examiner ce que l’administration voudra bien leur livrer. C’est donc la pratique qui montrera si nous sommes face Ă  une « petite rĂ©volution » ou si c’est juste un coup d’épĂ©e dans l’eau, comme tant d’autres... En tout cas, la crĂ©ation de CST Ă©tait, Ă  l’origine, justifiĂ©e par une exception au principe d’universalitĂ© du budget de l’Etat. Ces comptes permettent de programmer des recettes et de prĂ©voir Ă  l’avance leur affectation. C’est le cas, par exemple, du produit des taxes d’exploitation forestiĂšre affectĂ© au financement d’actions de reboisement sur les mĂȘmes espaces forestiers. Cela semble relever d’un certain bon sens tout Ă  fait comprĂ©hensible, voire souhaitable.

 

Attention au déficit de transparence...

Les comptes dits « d’affectation spĂ©ciale » se justifient. Mais le danger rĂ©side dans la tentation de les multiplier en avançant ou non les mĂȘmes justifications. Outre leur souplesse et la possibilitĂ© de reporter leur solde d’une annĂ©e sur l’autre, « l’avantage » des CST dans leur globalitĂ© rĂ©side sans doute, pour le pouvoir exĂ©cutif, dans la faible capacitĂ© des parlementaires d’exercer un contrĂŽle sur leur contenu et leurs conditions d’exĂ©cution. Or, les montants en jeu sont devenus tels que le dĂ©ficit de contrĂŽle pose un rĂ©el problĂšme de gouvernance des finances publiques. Des comptes tels que « MatĂ©riels des forces armĂ©es royales » ou la « Part des collectivitĂ©s locales dans les recettes de la TVA » sont particuliĂšrement concernĂ©s par ce manque de transparence et de contrĂŽle...

Propos recueillis par Khadija El Hassani


CNSS

Un procĂšs hors-norme

QualifiĂ© d’affaire du siĂšcle, le procĂšs CNSS semble perdre de son attrait. Ses derniĂšres audiences se poursuivent dans la plus grande indiffĂ©rence. Reportage.

 

Salle 8, tribunal d’appel de Casablanca. Les rares personnes qui assistaient, ce mardi 11 dĂ©cembre, au procĂšs de la CNSS, doivent s’accommoder, comme Ă  l’accoutumĂ©e, des bruits lancinants des travaux d’extension du tribunal. ConjuguĂ© Ă  la mauvaise acoustique de la salle, le tintamarre du chantier rendait l’écoute difficile voire impossible. Aussi bien les questions du juge que les rĂ©ponses inaudibles de l’accusĂ© entendu ce jour-lĂ , l’ex-directeur financier Mustapha Jabbour. « Au premier rang, on n’entend absolument rien. Et c’est dans ces conditions que se sont dĂ©roulĂ©es les audiences depuis leur dĂ©marrage », dĂ©plore un habituĂ© du procĂšs. Mais, ce n’est pas le plus dur Ă  supporter. Les vingt-cinq inculpĂ©s, accusĂ©s d’ĂȘtre coauteurs de dilapidation de deniers publics (secrĂ©taire et directeurs gĂ©nĂ©raux, directeurs, contrĂŽleurs financiers), assistĂ©s de leurs avocats, doivent se rĂ©signer Ă  la lenteur de la machine judiciaire. L’instruction judiciaire, enclenchĂ©e Ă  la suite du fameux rapport de la commission d’enquĂȘte parlementaire publiĂ© en 2002, se poursuivra pendant au moins une dĂ©cennie. Dix ans pour boucler une enquĂȘte judiciaire dont les conclusions n’ont cessĂ© d’ĂȘtre contestĂ©es par les vingt-cinq accusĂ©s (trois autres sont en fuite) et leur dĂ©fense. D’autant que l’instruction, dĂ©plore-t-on, n’a impliquĂ© ni experts en la matiĂšre, ni les hauts responsables de la Caisse de l’époque pour confrontation et vĂ©rification des Ă©lĂ©ments en leur possession. Sans parler des montants faramineux dont parle le rapport – 115 milliards de dirhams de dĂ©ficit et 47,7 milliards de dĂ©tournements et de dilapidation de deniers publics –, qui n’ont pas Ă©tĂ© confirmĂ©s par le rapport de l’IGF publiĂ© en 2004.

Ce mardi, Mustapha Jabouri, l’ex-directeur financier, qui en est Ă  sa deuxiĂšme sĂ©ance d’audience, devait donc se prĂȘter au jeu des questions-rĂ©ponses de la cour. Une pile de dossiers couvrant des contrats, des marchĂ©s publics, des factures diverses
 sont passĂ©s au peigne fin par le prĂ©sident de la sĂ©ance, l’un aprĂšs l’autre.

 

Plusieurs griefs

Pour chaque marchĂ© ou contrat signĂ©, il a fallu dĂ©cortiquer le document, revenir sur le contexte, les sommes en jeu, les signataires, les bĂ©nĂ©ficiaires
 Sauf que, parfois, les questions du prĂ©sident de la sĂ©ance ont excĂ©dĂ© la pĂ©riode oĂč l’ex-directeur financier assumait ses fonctions Ă  la Caisse, soit entre juillet 1984 et dĂ©cembre 1992. Jabouri a dĂ» rĂ©pondre parfois sur des aspects ne relevant pas du pĂ©rimĂštre de ses responsabilitĂ©s de l’époque. Un reproche qui, d’ailleurs, revient souvent dans la bouche des inculpĂ©s dans ce procĂšs. Mais pas seulement. Parmi les autres griefs : les accusĂ©s, dont certains sans vĂ©ritables responsabilitĂ©s Ă  l’époque,  devaient aussi rĂ©pondre de dĂ©cisions relevant du conseil d’administration. Organe de contrĂŽle, prĂ©sidĂ© par le ministre de l’Emploi, il est censĂ© tracer les grandes lignes de la politique de la Caisse. Il compte vingt-quatre membres rĂ©partis Ă  parts Ă©gales entre reprĂ©sentants du gouvernement, du patronat et des syndicats (principalement l’UMT Ă  l’époque des faits jugĂ©s). Mais, comme le constatent des habituĂ©s de ce procĂšs, les reprĂ©sentants de cette instance ont brillĂ© par leur absence. Aucun d’entre eux n’a daignĂ©, au cours des longues annĂ©es de ce procĂšs-fleuve, apporter un quelconque soutien aux vingt-cinq inculpĂ©s. Aujourd’hui, le procĂšs tire Ă  sa fin. AprĂšs Jabbouri, seuls trois autres accusĂ©s attendent encore leur tour pour s’expliquer devant la cour. Il s’agit de Mohamed Gourja, Rafiq El Haddaoui et l’ex-secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Abdelmoughit Slimani. Mais, au vu du rythme des audiences, le procĂšs promet encore des prolongations et probablement aussi des surprises.

Khadija El Hassani

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