Attention, danger. A dĂ©faut dâadopter une stratĂ©gie maritime complĂšte, le secteur disparaĂźtra. LâAssociation marocaine de droit maritime et aĂ©rien, tout en tirant la sonnette dâalarme, vient de proposer une sĂ©rie de mesures pour garantir lâindĂ©pendance du pays en la matiĂšre.
Que faut-il faire pour sauver le secteur de la marine marchande au Marocâ? La question est lĂ©gitime sachant quâune seule compagnie maritime est toujours en activitĂ©. En effet, la libĂ©ralisation du secteur maritime a Ă©tĂ© improvisĂ©e, ou du moins pas suffisamment prĂ©parĂ©e. DâoĂč les consĂ©quences dĂ©sastreuses sur le secteur. LâOpen Sea, accord calquĂ© sur le fameux Open Sky, a Ă©tĂ© lancĂ© au Maroc sur la base dâune simple circulaire. Sans mĂȘme une analyse dâimpact sur la balance des paiements. RĂ©sultatâ: la flotte marocaine a perdu 80% de ses navires. Ceux qui sont encore sous pavillon marocain sont ĂągĂ©s, trop coĂ»teux en termes de rĂ©paration ou tout simplement inaptes Ă la navigation. Ainsi, douze navires tout au plus sont opĂ©rationnels Ă ce jour. Aussi le secteur est-il menacĂ© dâextinction. Quâon le veuille ou non, le Maroc a perdu son indĂ©pendance maritime. Or, plus de 70% des Ă©changes entre le Maroc et lâĂ©tranger sont effectuĂ©s par voie maritime. En 2011, le volume des Ă©changes sâĂ©levait Ă 70 millions de tonnes contre 50 millions de tonnes en 2005. Le Maroc perd donc 2,2 milliards de dollars par an, soit 2% de son PIB. A lâopposĂ©, lâEgypte par exemple, Ă travers le canal de Suez, draine chaque annĂ©e 2,5 milliards de dollars de droits de passage. «âNous travaillons pour le compte des opĂ©rateurs internationauxâ», lance un professionnel sous couvert dâanonymat. La libĂ©ralisation du secteur maritime est donc une prioritĂ© mais elle doit donner naissance Ă des compagnies marocaines fortes et compĂ©titives. Alors, comment procĂ©derâ?
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Equilibrer et réparer les inégalités
Les incitations fiscales sont, du point de vue de lâAssociation marocaine de droit maritime et aĂ©rien (AMDMA), un moyen efficace pour attirer les investisseurs et leur garantir une santĂ© financiĂšre acceptable. Sur ce registre, lâAssociation propose lâinstauration dâune taxe de tonnage, qui remplacerait lâimpĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s (IS), Ă lâimage de ce quâil se passe dans les autres pays. Cette mesure rĂ©duirait la pression fiscale sur les armateurs et garantirait une taxation Ă©quitable en fonction du volume transportĂ©. Des subventions pourront alors ĂȘtre accordĂ©es aux armateurs pour Ă©quilibrer et rĂ©parer les inĂ©galitĂ©s dâexploitation des navires. De plus, il serait intĂ©ressant dâinstaurer une taxe sur les nuisances gĂ©nĂ©rĂ©es chaque jour par les 300 navires de passage dans les eaux marocaines. Il sâagit aussi de mettre en place un systĂšme de protection environnementale Ă lâencontre des armateurs imprudents, Ă lâimage de la France oĂč les rejets dâhydrocarbures en mer sont passibles dâune amende de 15âmillions dâeuros. Au Maroc, cette amende atteint au maximum la somme ridicule de 1 million de dirhams.
Par ailleurs et pour sâinstaller au Maroc, les nouveaux armateurs devront en compensation recruter une partie de la main-dâĆuvre qualifiĂ©e locale, au chĂŽmage du fait de la faillite de certaines compagnies marocaines. A ce sujet, un code du travail spĂ©cifique au secteur devrait ĂȘtre adoptĂ©. Dâautre part, le processus de disparition des compagnies vieillissantes doit ĂȘtre activĂ©. «âIl faut accĂ©lĂ©rer leur liquidation, Ă lâinstar de la France oĂč une importante compagnie française a Ă©tĂ© vendue Ă un franc symbolique Ă CMA-CGM. On aurait pu procĂ©der de mĂȘme pour sauver Comaritâ», rappelle Hassania Cherkaoui, prĂ©sident de lâAMDMA.
Autre recommandationâ: avant de libĂ©raliser le secteur maritime, il serait judicieux de commencer par lâassurance maritime. «âIl faut autoriser les armateurs Ă assurer leurs navires Ă lâĂ©tranger. Cela leur coĂ»terait moins cherâ», lance notre professionnel. Dâautant plus que les assureurs marocains offrent une couverture partielle et rĂ©assurent Ă 95% leurs portefeuilles.
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Nouveau dispositif
Egalement, lâAMDMA prĂ©conise la mise en place de chantiers navals au port de Tanger-Med qui permettraient dâeffectuer des rĂ©parations moins chĂšres pour les navires de grande taille, tel le Marco Polo, le plus gros navire au monde et propriĂ©tĂ© de CMA-CGM. De tels chantiers pourraient aussi ĂȘtre utilisĂ©s pour la rĂ©paration des navires de la marine royale, et limiter les sorties de devises.
Enfin, pour que ce nouveau dispositif fonctionne, il faut un organisme de contrĂŽle. Un conseil supĂ©rieur de la marine marchande pourrait voir le jour pour accompagner la mise en Ćuvre des stratĂ©gies gouvernementales. Ce conseil opĂ©rerait en amont pour lâĂ©laboration des dĂ©crets et lois et, en aval, pour aider Ă la prise de dĂ©cisions gouvernementales.
Abdelhafid Marzak |