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Projet de budget 2013 : Hold-up sur la classe moyenne  
actuel n°166, jeudi 1 novembre 2012
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L’examen du projet de loi de Finances 2013, premier Ă  ĂȘtre rĂ©ellement concoctĂ© par l’équipe Benkirane, vient de dĂ©marrer cette semaine. Une partie mouvementĂ©e.


Un budget sur la corde raide. Pas trĂšs convaincant, sans vision ni cohĂ©rence. A peine prĂ©sentĂ©, le projet de budget 2013 suscite dĂ©jĂ  de vives rĂ©actions qui augurent des dĂ©bats houleux au Parlement. Patronat, associations professionnelles, Ă©conomistes et partis de l’opposition, chacun y va de ses critiques, mettant en lumiĂšre faiblesses et incohĂ©rences. « C’est un budget court-termiste qui vise juste Ă  gĂ©rer la crise. Et pour ce faire, il n’hĂ©site pas Ă  imposer une double peine Ă  l’entreprise », fustige d’emblĂ©e Jamal Belahrach, prĂ©sident de la commission Emploi Ă  la ConfĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale des entreprises du Maroc (CGEM), faisant allusion Ă  la nouvelle taxe sur les hauts revenus. Plus que toutes les dispositions du projet de loi de Finances, c’est cette mesure, jugĂ©e contreproductive, qui provoque l’ire des contribuables. Elle porte sur une taxation supplĂ©mentaire sur les hauts revenus : 5% sur les revenus mensuels nets de plus de 50 000 dirhams et 3% sur les revenus nets mensuels situĂ©s entre 25 000 et 30 000 dirhams.

Toutefois, dans la note de prĂ©sentation du projet de loi de Finances, entreprises et personnes en situation prĂ©caire figurent parmi les principaux « privilĂ©giĂ©s ». A les entendre, les patrons ne contestent pas le principe de la fiscalitĂ© solidaire, mais ils refusent que l’effort soit mis essentiellement sur le dos de l’entreprise. Cette pression fiscale supplĂ©mentaire ne peut qu’accentuer le dĂ©ficit de compĂ©titivitĂ© de l’entreprise puisque les « collaborateurs, eux, nĂ©gocient leur salaire en net ». Aussi, pour Ă©chapper Ă  cette double taxation, « la tentation des entreprises sera-t-elle forte de rĂ©gler une partie des salaires au noir », prĂ©viennent des patrons. Non seulement, il n’est pas sĂ»r que cette surtaxation draine des recettes additionnelles pour l’Etat, mais en plus, elle favoriserait la fraude fiscale, un flĂ©au que l’Etat a dĂ©jĂ  bien du mal Ă  Ă©radiquer.

Pointant du doigt le train de vie de l’Etat, les patrons estiment qu’il aurait fallu rĂ©partir l’effort Ă  part Ă©gale entre Ă©conomie sur les dĂ©penses et hausse des impĂŽts. « Pour combler le dĂ©ficit des finances publiques, le gouvernement fait du braconnage. Il continue de dĂ©penser et demande aux entreprises de payer plus. Ce n’est ni acceptable ni responsable », tonne le prĂ©sident de la commission Emploi de la CGEM. Selon lui, avec une masse salariale de 98 milliards de dirhams prĂ©vue en 2013, le gouvernement devrait s’attaquer d’urgence au dĂ©graissage du mammouth pour allĂ©ger ses dĂ©penses. Selon les premiĂšres estimations, vu le nombre relativement limitĂ© de cadres concernĂ©s par cette taxe de solidaritĂ© – soit moins de 150 000 salariĂ©s –, les recettes additionnelles seraient dĂ©risoires, si la proposition du gouvernement rĂ©siste Ă  l’examen des dĂ©putĂ©s. « De telles mesures prises sans doute Ă  la hĂąte, et sans Ă©tudes approfondies, font perdre au gouvernement Benkirane toute crĂ©dibilité », dĂ©plore Mehdi Kensoussi, dĂ©putĂ© PAM. Pour lui, une taxe sur les hauts salaires est une pure aberration. « C’est une premiĂšre. Nous n’avons jamais vu le lĂ©gislateur faire contribuer les fonctionnaires et les salariĂ©s dans le budget. J’espĂšre qu’une telle mesure ne sera pas prise au sĂ©rieux. » Comme les patrons, le dĂ©putĂ© est aussi hostile Ă  la logique du « tout fiscal » adoptĂ© par le gouvernement qui cherche Ă  « renflouer ses caisses, en optant pour une accentuation de la pression fiscale, au lieu d’élargir l’assiette ».

Pour leur part, des salariĂ©s estiment cette taxe injuste puisqu’elle ne prend pas en compte les diffĂ©rents services dont la santĂ©, l’éducation et le logement par exemple pour lesquels ils payent le prix fort, faute d’offres publiques valables sur les plans qualitatif et quantitatif.

Autre critique : la rĂ©duction Ă  10% de l’IS sur les PME qui dĂ©clarent un bĂ©nĂ©fice infĂ©rieur Ă  200 000 dirhams. Par cette mesure, le gouvernement entend renforcer la compĂ©titivitĂ© de l’entreprise et amĂ©liorer le niveau de croissance de l’économie nationale. Elle permet Ă  la fois d’allĂ©ger la pression fiscale sur les entreprises, et de faire reculer la fraude fiscale. Or, selon les premiĂšres rĂ©actions, le risque de voir des entreprises maquiller leurs comptes pour profiter de cette baisse est bien rĂ©el. De l’avis mĂȘme de certains patrons, escompter plus de transparence et une rĂ©duction de la fraude fiscale via de telles mesures paraĂźt plutĂŽt utopique.

Les critiques fusent aussi du cĂŽtĂ© de l’opposition oĂč de fortes attentes sont exprimĂ©es en faveur d’un allĂ©gement de la fiscalitĂ© directe sur les entreprises et indirecte sur les produits de grande consommation. Le cas des mĂ©dicaments est citĂ© en exemple. En attendant la gĂ©nĂ©ralisation des gĂ©nĂ©riques, une rĂ©duction de la TVA aurait Ă©tĂ© salutaire vu la faiblesse du pouvoir d’achat d’une large frange de la population et le manque de couverture sociale. Mais a priori, l’équipe Benkirane hĂ©site Ă  affronter les lobbies de l’industrie pharmaceutique. En revanche, elle n’a pas hĂ©sitĂ© Ă  croiser le fer avec les lobbies de la construction et de la promotion immobiliĂšre en instaurant une contribution (60  dirhams/m2) relative Ă  la livraison Ă  soi-mĂȘme d’un habitat. Auparavant, les superficies de 300 m2 bĂ©nĂ©ficiaient de l’exonĂ©ration.

Le patronat fait aussi de la rĂ©forme de la TVA son cheval de bataille, l’objectif Ă©tant de ramener la grille Ă  deux taux pour plus de cohĂ©rence et d’efficacitĂ©. « Il aurait Ă©tĂ© souhaitable que le gouvernement Ă©bauche la rĂ©forme de la TVA dans ce projet pour la parachever en 2014. Mais aucun signal n’a Ă©tĂ© donnĂ© dans ce sens », dĂ©plore Abdelkader Boukhriss, prĂ©sident de la commission fiscalitĂ© de la CGEM. L’une des raisons invoquĂ©e est le coĂ»t Ă©levĂ© de cette rĂ©forme, estimĂ© entre 6 et 8 milliards de dirhams.

Avis partagĂ© par l’économiste Najib Akesbi qui s’insurge contre le systĂšme actuel dont la victime finale est le consommateur. « En matiĂšre de fiscalitĂ©, la tendance mondiale est, depuis plus d’une vingtaine d’annĂ©e, aux systĂšmes synthĂ©tiques avec des taxes plus ramassĂ©es et plus cohĂ©rentes. Le Maroc avait suivi la mĂȘme orientation lors de la rĂ©forme fiscale des annĂ©es 80. Aujourd’hui, la logique semble ĂȘtre tout autre », dĂ©plore Akesbi. Tout porte Ă  croire que ce projet ne passera pas comme une lettre Ă  la poste. Le gouvernement Benkirane sera-t-il suffisamment perspicace pour faire passer la pilule aussi amĂšre soit-elle ?

Khadija El Hassani

TPE. Comment booster leur contribution


EstimĂ©es Ă  quelque 3 millions d’unitĂ©s, les TPE ne contribuent que trĂšs modestement aux recettes fiscales : soit 2 milliards de dirhams pour des recettes fiscales globales de 163 milliards de dirhams en 2011. L’essentiel de la contribution Ă©mane d’une centaine de milliers de PME et grandes entreprises. Pourtant, de l’avis du prĂ©sident de l’Union gĂ©nĂ©rale de l’entreprise et des professions (UGEP), proche du parti Istiqlal, Moncef Kettani, ces TPE pourraient constituer une vĂ©ritable manne et contribuer Ă  renflouer les caisses de l’Etat. Comment ? En assouplissant et en simplifiant le dispositif fiscal. L’UGEP propose un alignement sur le systĂšme français, par exemple, qui adopte une fiscalitĂ© adaptĂ©e et simplifiĂ©e pour les TPE afin de leur permettre d’intĂ©grer l’économie formelle. Plus prĂ©cisĂ©ment, il s’agit de prĂ©voir des tranches dĂ©gressives en fonction du chiffre d’affaires : par exemple, 15% sur le bĂ©nĂ©fice dĂ©clarĂ© pour les entreprises dont le chiffre d’affaires (CA) est infĂ©rieur Ă  3 millions de dirhams, 10% pour celles dont le CA est infĂ©rieur Ă  2 millions, et 5% sur le bĂ©nĂ©fice dĂ©clarĂ© pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est infĂ©rieur Ă  1 million de dirhams. Et une simple attestation sur l’honneur suffirait pour certifier le bĂ©nĂ©fice dĂ©clarĂ©.


Avis d’expert

Abdelkader Boukhriss,

président de la commission fiscalité de la CGEM

« L’absence de toute rĂ©forme fiscale structurante est pĂ©nalisante »

 

Parmi les remarques phares qu’ins-pire le projet de loi de Finances 2013 (PLF) :

- MĂȘme si certaines mesures du PLF 2013 font partie des propositions de la CGEM, elles ne sont pas suffisantes pour relancer la compĂ©titivitĂ© de nos entreprises et demeurent en deçà des exigences des enjeux Ă©conomiques qui nous guettent ;

- L’absence de toute rĂ©forme fiscale structurante est pĂ©nalisante, et notamment la rĂ©forme de la TVA qui aurait donnĂ© un signal fort aux opĂ©rateurs Ă©conomiques ;

- La reconduction de la contribution de solidaritĂ© sur les bĂ©nĂ©fices pour trois ans hypothĂšque les chances de voir aboutir une rĂ©forme de l’IS. L’introduction du taux rĂ©duit d’IS de 10% pour les PME rĂ©alisant un bĂ©nĂ©fice maximum de 200 000 dirhams laisse un peu d’espoir. Mais cette mesure ne peut, Ă  elle seule, contribuer Ă  l’amĂ©lioration de la compĂ©titivitĂ© de nos entreprises, ni Ă  l’attractivitĂ© du secteur informel. On ne peut faire l’économie d’une refonte totale du calcul de l’IS basĂ©e sur des seuils de bĂ©nĂ©fice en phase avec la rĂ©alitĂ© de notre tissu Ă©conomique ;

- Toutefois, le PLF prĂ©voit la prorogation de quatre mesures incitatives pour favoriser le dĂ©veloppement du marchĂ© financier, Ă  savoir : l’augmentation de capital, l’introduction en Bourse, la transformation des entitĂ©s gĂ©rĂ©es par des personnes physiques en personnes morales, et la neutralitĂ© fiscale relative aux opĂ©ration de fusion et de scissions.   M.K.

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