Le Maroc, avec la dĂ©gradation de sa balance commerciale et de son taux de croissance, sâapprĂȘte Ă sortir sur le marchĂ© international des capitaux pour lever 1âmilliard de dollars entre fin octobre et dĂ©but novembre.
Plusieurs interrogations restent cependant posĂ©es. Quel sera lâimpact de cette Ă©mission sur lâendettement du Royaumeâ? Pourquoi une Ă©mission en dollarsâ? Quel en sera le coĂ»tâ? Pour Ă©clairer ses lecteurs, actuel a recueilli le point de vue de Patrick Raleigh, managing director et regional manager chargĂ© de lâAfrique subsaharienne pour Standard & Poorâs.
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«âLâoption dâune Ă©mission obligataire se pose avec acuitĂ©â»
actuelâ: Comment est perçu actuellement le risque Maroc sur le marchĂ© internationalâ?
Patrick Raleighâ: Sur le marchĂ© des CDS (Credit Default Swap), le Maroc jouit de la mĂȘme apprĂ©ciation que les pays ayant la mĂȘme notation ââĂ savoir BBBââ selon lâĂ©chelle de Standard & Poorâs. Mais les donnĂ©es vĂ©hiculĂ©es sur le marchĂ© des CDS doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es avec prĂ©caution car, dâune part, elles sont plus volatiles que les notations de crĂ©dit, et dâautre part, elles ne reflĂštent pas seulement le degrĂ© de solvabilitĂ©, mais aussi les stratĂ©gies des investisseurs et leur perception du risque. Câest dire que leur position peut changer rapidement. Et ceci est vrai pour tout pays, pas uniquement pour le Maroc. Pour autant, il faut tenir compte de lâapprĂ©ciation positive de la politique Ă©conomique du Royaume par le FMI. Ce qui est de nature Ă rassurer les investisseurs. A rappeler que les emprunts antĂ©rieurs, celui de 2010 (1 milliard dâeuros) et de 2007 (500 millions dâeuros), Ă©taient bien perçus par les marchĂ©s puisquâils ont Ă©tĂ© sursouscrits par les investisseurs.
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En tenant compte des deux emprunts antĂ©rieurs, de 2007 et de 2010, et de cette prochaine levĂ©e de capitaux, le Maroc ne risque-t-il pas un surendettementâ?
GĂ©nĂ©ralement, une sortie sur le marchĂ© international rĂ©pond Ă plusieurs impĂ©ratifs. Elle permet, par exemple, de diversifier ses sources de financement, tout en empruntant Ă un meilleur taux que celui du marchĂ© local. Câest le cas, par exemple, pour le Maroc qui a lancĂ© en 2010 lâemprunt obligataire au taux de remboursement de 4,5 % par an seulement. Une sortie sur les marchĂ©s internationaux permet aussi de rĂ©duire la pression sur le marchĂ© local du crĂ©dit, exercĂ©e par le secteur bancaire local en particulier. Une levĂ©e de fonds Ă lâinternational permet Ă©galement de faire face Ă des problĂšmes de financement du dĂ©ficit quand les conditions sur le marchĂ© local deviennent difficiles pour les diffĂ©rents emprunteurs, et notamment pour lâEtat. Toutefois, il faut rester vigilant car des emprunts Ă rĂ©pĂ©tition peuvent aggraver davantage la dette extĂ©rieure publique et impacter le coĂ»t de lâemprunt. Au Maroc, la part de la dette publique extĂ©rieure est dĂ©jĂ estimĂ©e Ă plus de 50% du PIB.
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Le Maroc opte pour le marchĂ© dollar afin dâĂ©chapper Ă la crise de la zone euro et de sâouvrir aux capitaux arabes. Que pensez-vous de ce choixâ?
Emprunter en euros ou en dollars expose le gouvernement au risque du taux de change puisque ses recettes sont principalement perçues en monnaie locale alors que sa dette doit ĂȘtre remboursĂ©e en devises Ă©trangĂšres, euro ou dollar. Donc, si le dirham sâaffaiblit par rapport Ă lâune de ces devises, le coĂ»t de la dette grimpe automatiquement. Cependant, ce risque est rĂ©duit en cas dâemprunt en euros. En effet, la valeur du dirham ne fluctue pas librement, mais suit sensiblement un panier de devises dans lequel le poids de lâeuro prĂ©domine, reprĂ©sentant environ 80%.
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Quid du timing choisi pour cette sortieâ?
Le choix de ce timing peut sâexpliquer de deux maniĂšres. Dâune part, les investisseurs internationaux qui, au vu de la conjoncture difficile dans les pays dĂ©veloppĂ©s, notamment en Europe et aux Etats-Unis, montrent de plus en plus dâintĂ©rĂȘt pour des placements diversifiĂ©s dans des marchĂ©s Ă©mergents. La plupart de ces pays affichent, en effet, des taux de croissance impressionnants et des encours de dettes relativement bas par rapport Ă leur PIB, et surtout par rapport Ă la situation des marchĂ©s dĂ©veloppĂ©s. Câest le cas pour le Maroc dont le taux de croissance de lâĂ©conomie oscillait autour de 5% en 2011, un des taux les plus Ă©levĂ©s de la rĂ©gion du Moyen-Orient et dâAfrique du Nord. Tous ces facteurs constituent un rĂ©el atout pour le Maroc dans cette conjoncture et font de cette sortie, Ă ce moment prĂ©cis, un choix judicieux. A titre dâexemple, la Zambie, qui a profitĂ© de la combinaison de facteurs similaires, a vu derniĂšrement son Ă©mission obligataire largement sursouscrite avec un rendement semblable Ă celui de lâEspagne. Peu de personnes auraient pariĂ©, six ans plus tĂŽt, sur une telle performanceâ! Pour le Maroc, le choix de ce moment tient aussi au fait que lâĂ©conomie locale a Ă©tĂ© touchĂ©e par les incidences de la crise dans la zone euro, et particuliĂšrement en France et en Espagne, ses deux principaux partenaires. Dâautre part, les finances publiques ont Ă©tĂ© largement impactĂ©es, en 2011, par le poids de la facture Ă©nergĂ©tique sous lâeffet de la hausse du prix du pĂ©trole. A cela sâajoute lâessoufflement de la croissance qui sera manifestement plus faible en 2012. En gĂ©nĂ©ral, dĂšs que deux indicateurs clĂ©s aux yeux des investisseurs sont affaiblis, lâoption dâune Ă©mission obligataire se pose avec acuitĂ©.
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Depuis que le FMI a accordĂ© une ligne de crĂ©dit dite de prĂ©caution, lâidĂ©e dâun ajustement structurel est remise sur le tapisâŠ
Le temps des ajustements structurels, qui a marquĂ© les annĂ©es 80 et les dĂ©buts des annĂ©es 90, est rĂ©volu. Au sein mĂȘme du FMI et de la Banque mondiale, le consensus qui a prĂ©cĂ©demment prĂ©valu autour de lâajustement structurel est rompu. Beaucoup dâhypothĂšses en faveur des politiques dâadaptation structurelles ont Ă©tĂ© abandonnĂ©es en raison des rĂ©sultats dĂ©cevants rĂ©alisĂ©s en Afrique et ailleurs. Cependant, plusieurs gouvernements dans le monde entier, et particuliĂšrement en Europe, adoptent des mesures dâaustĂ©ritĂ© pour contrecarrer les effets de la crise financiĂšre mondiale et ceux de la crise de la dette souveraine en Europe. Le degrĂ© de sĂ©vĂ©ritĂ© de ces politiques varie dâun pays Ă lâautre et dĂ©pend de la situation Ă©conomique et fiscale de chacun dâentre eux. Quoi quâil en soit, les dĂ©cideurs politiques doivent non seulement surveiller Ă©troitement les diffĂ©rents indicateurs liĂ©s par exemple Ă lâinflation, Ă la dette ou aux finances publiques, mais aussi rester vigilants au comportement de lâensemble de la dynamique Ă©conomique pour dĂ©tecter des signaux dâalarme qui pourraient justifier un recours Ă©ventuel Ă une politique dâaustĂ©ritĂ©.
Propos recueillis par Khadija El Hassani |