Dans une conjoncture difficile marquĂ©e par une croissance au ralenti, des secteurs continuent de recruter. Tour dâhorizon des niches Ă investir.
Les chiffres du chĂŽmage, communiquĂ©s par la Banque mondiale en septembre, donnent froid dans le dos. Il frappe 30% de la population en Ăąge de travailler (15-29 ans). Et la tendance ne cesse de sâaggraver. «âDe plus, ce chiffre masque un problĂšme encore plus profond puisquâun nombre important de ces jeunes a dĂ©sertĂ© le marchĂ© du travail par fatalisme et nâest plus en recherche active dâemploiâ», sâalarme Inger Andersen, vice-prĂ©sidente de la Banque mondiale (BM) pour la rĂ©gion Mena, lors de sa visite dans le Royaume. Si rien nâest fait, cette tendance pourrait sâaccentuer avec le ralentissement de la croissance, attendu en 2012 et en 2013. Les Ă©conomistes de la BM tablent sur 3% dâici la fin de lâannĂ©e. Moins alarmiste, le haut-commissariat au Plan (HCP) annonce une baisse de 66â000 demandeurs dâemplois. En effet, Ă fin juin, le taux de chĂŽmage aurait connu un recul de 6,5% pour sâĂ©tablir Ă un peu plus de 8% (contre 8,7% en juin 2011). Cette performance est attribuĂ©e Ă trois secteurs crĂ©ateurs dâemplois, Ă savoir les services, le BTP et lâagriculture ââforĂȘts et pĂȘche. Mais elle cache toutefois une rĂ©alitĂ© inquiĂ©tanteâ: quatre chĂŽmeurs sur cinq sont des citadins et 25% de ces chĂŽmeurs sont des diplĂŽmĂ©s de lâenseignement supĂ©rieur. Cette explosion du chĂŽmage en ville sâexplique en partie (25,6% des cas) par la fermeture dâentreprises et le licenciement des salariĂ©s. Sâensuit une aggravation de la prĂ©caritĂ© puisque plus dâun million dâindividus, soit 10% des jeunes actifs, sont sous-employĂ©s (emplois prĂ©caires ou instables).
Alors que la tendance ne cesse de sâaggraver, le gouvernement Benkirane nâa toujours pas mis en place un plan dâattaque contre ce flĂ©au, neuf mois aprĂšs son arrivĂ©e aux affaires. Pourtant, le PJD avait fait de la lutte contre le chĂŽmage son cheval de bataille durant la campagne Ă©lectorale.
MalgrĂ© les incertitudes qui planent sur lâenvironnement des affaires, des entreprises continuent de recruter, exprimant des besoins prĂ©cis pour les mois Ă venir. DâaprĂšs le tĂ©moignage de divers cabinets de recrutement, lâessentiel des offres dâemplois, en cette rentrĂ©e, Ă©mane de secteurs aussi variĂ©s que lâindustrie, avec en tĂȘte le BTP, et les services comme le conseil ou lâoffshoring. Quant aux profils les plus prisĂ©s par les entreprises, ils requiĂšrent une formation pointue. Exemplesâ: conseil juridique, organisation et fiscalitĂ©, logistique, direction de projets pour le BTP et les infrastructures.
Normal, si lâon tient compte de la panoplie dâouvrages lancĂ©s dans les quatre coins du Royaume, et en particulier dans les rĂ©gions Nord et Oriental. «âHormis, les travaux dâinfrastructures, routes, autoroutes, ports et aĂ©roports, la demande Ă©mane aussi des Ă©quipementiers rĂ©cemment implantĂ©s dans le sillage de Renault-Tangerâ», prĂ©cise Souad Zandi, Manpower Cadres. Point de vue partagĂ© par Assia Aiouch, du cabinet Optimum Conseil, qui, en tant que conseillĂšre de Renault-Tanger, confirme une forte tension sur des profils particuliers dans ce secteur. Egalement bien orientĂ©, le secteur aĂ©ronautique, qui voit lâarrivĂ©e rĂ©cente du leader canadien Bombardier.
Sans surprise, la demande de directeurs en charge de lâexport vers lâAfrique anglophone est en nette croissance, vu les ambitions affichĂ©es notamment par les banques, les entreprises de services et les infrastructures. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la tendance est Ă lâinternationalisation des expertises. «âQue ce soient les financiers, les fiscalistes ou les directeurs Ă lâexport et mĂȘme les juristes, les offres dâemploi insistent sur la maĂźtrise des normes et rĂ©glementation internationalesâ», indique Ali Serhani, du Cabinet Gesper Services. Qui dit internationalisation des connaissances, dit maĂźtrise de lâanglais comme pour les juristes seniors qui doivent ĂȘtre au fait des contrats internationaux rĂ©digĂ©s dans la langue de Shakespeare.
Autre tendance du marchĂ© de lâemploi, le besoin urgent pour les employeurs dâassurer la relĂšve par de jeunes profils jouissant de suffisamment dâexpĂ©rience pour encadrer des Ă©quipes (middle management). De nouveaux rĂ©flexes commencent Ă sâinstaller au sein des entreprises les plus structurĂ©es. Au lieu de recruter dans lâurgence, et au prix fort, des candidats expĂ©rimentĂ©s Ă des postes de responsabilitĂ©, elles optent pour la crĂ©ation de pĂ©piniĂšres de cadres juniors polyvalents qui seront encadrĂ©s par les plus anciens avant de passer le relais. Ce qui explique lâattitude prudente des entreprises en matiĂšre de salaires. «âMalgrĂ© les tensions sur certains profils, la surenchĂšre salariale nâest plus Ă lâordre du jour car les employeurs refusent dâalimenter la spirale inflationnisteâ», analyse Assia Aiouch. Fini les annĂ©es fastes oĂč les salaires avaient atteint des niveaux mirobolants comme par exemple dans le BTP avec lâarrivĂ©e en masse de groupes du Moyen-Orient (Sama DubaĂŻ, Emaar, âŠ) qui dĂ©bauchaient Ă tour de bras. «âLeur dĂ©part brutal et rapide, au bout de deux ans pour certains, a permis de rĂ©guler le marchĂ© et les salairesâ», rappelle Souad Zandi, consultante de Manpower Professional. Cependant, quelques niches porteuses dans lâindustrie du BTP, la logistique ou encore lâenvironnement et le green business par exemple, font figure dâexception et attirent des profils particuliĂšrement pointus.
Khadija El Hassani & Mouna Kably |