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MĂ©dicaments : Les pharmaciens dĂ©noncent une baisse arbitraire
actuel n°155, jeudi 16 août 2012
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L’Etat a promis une baisse des prix des mĂ©dicaments. Les pharmaciens s’inquiĂštent et se disent menacĂ©s par la faillite. Les laboratoires exigent un cadre rĂ©glementaire officiel.


La rĂ©union qui s’est tenue la semaine derniĂšre entre la FĂ©dĂ©ration nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc (FNSPM) et le ministĂšre de la SantĂ© avait un double objectif. Officiellement, il s’agissait de faire parvenir les dolĂ©ances des professionnels au ministĂšre d’El Hossein El Ouardi avant l’application de la baisse des prix des mĂ©dicaments, annoncĂ©e il y a dĂ©jĂ  quelques semaines. Alors qu’en rĂ©alitĂ©, selon des observateurs bien informĂ©s, les professionnels se mobilisaient pour empĂȘcher la baisse des prix jugĂ©e dangereuse pour leur profession, ou du moins la limiter au strict minimum. La preuve, le prĂ©sident de la FNSPM, Ouali Amri, considĂšre la constitution d’une commission Ă  la suite de cette fameuse rĂ©union juste comme « un pas dans les nĂ©gociations Ă  venir ».

Pour rappel, fin juillet, le ministre de la SantĂ© avait dĂ©jĂ  annoncĂ© une baisse de 30% Ă  60% des prix des mĂ©dicaments d’ici Ă  fin septembre, et la dĂ©cision avait Ă©tĂ© suivie d’un accord entre l’Etat et les industriels. Ces derniers ont donc jusqu’à fin septembre pour Ă©puiser leurs stocks. Suite Ă  quoi, ils devront rĂ©ajuster leurs tarifs. Mais pas n’importe comment. Seuls 400 mĂ©dicaments sont concernĂ©s, et leur prix ne changera qu’en dĂ©cembre 2012. Les pharmaciens, quant Ă  eux, demandent tout simplement l’annulation immĂ©diate de cet accord et l’ouverture d’un dialogue responsable. Et la fĂ©dĂ©ration n’y est pas allĂ©e par quatre chemins. Elle dĂ©nonce le secret qui a entourĂ© la nĂ©gociation et la signature de cet accord. Pour rappeler Ă  la raison le ministĂšre, des communiquĂ©s signĂ©s conjointement par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP), les conseils rĂ©gionaux des pharmaciens d’officine du Nord et du Sud (CRPON, CNPOS) et la FĂ©dĂ©ration nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc multiplient les menaces de sit-in et de grĂšves. Mais la machine est dĂ©jĂ  lancĂ©e et personne ne peut faire marche arriĂšre.

 

Une baisse de 60% ou plus...

Les princeps, ou mĂ©dicaments classiques, sont la principale prĂ©occupation des pharmaciens. MalgrĂ© l’absence de chiffres officiels, certains professionnels s’obstinent Ă  avancer une rĂ©duction moyenne de 20%. Cependant, sur une bonne partie des mĂ©dicaments concernĂ©s, la baisse sera de 60% ou plus. «RĂ©duire les prix des princeps de 60% voire 80%, c’est baisser les recettes dans les mĂȘmes proportions. Pour leur part, ni les prix de vente ni les quantitĂ©s commercialisĂ©es des gĂ©nĂ©riques ne pourraient compenser les pertes. D’ailleurs, le ministĂšre promet de baisser Ă©galement leur prix dans les semaines qui suivront la baisse des prix des princeps. Cela va conduire les pharmaciens Ă  leur perte», met en garde un professionnel. D’ailleurs, nombre de pharmaciens auraient dĂ©jĂ  mis la clĂ© sous le paillasson. «Ce sont deux sujets diffĂ©rents, nous ne voyons pas comment la baisse des prix des mĂ©dicaments pourrait causer la fermeture d’officines. Certes, le chiffre d’affaires sera impactĂ© Ă  la baisse. Mais c’est tout. Car nous accompagnerons les pharmaciens», promet Zalim Abdelhakim, responsable de la direction de la pharmacie au sein du ministĂšre de la SantĂ©. Comment ? Le ministĂšre aurait commandĂ© une Ă©tude pour mesurer l’impact de la baisse promise des mĂ©dicaments sur le chiffre d’affaires des officines. Et contrairement aux chiffres avancĂ©s dans la presse, les pourcentages de ces baisses n’ont pas encore Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s. « Plusieurs scĂ©narios sont encore Ă  l’étude. Les montants des baisses n’ont jusqu’ici pas encore Ă©tĂ© fixĂ©s. » Tout ce que l’on saura en revanche, c’est que sept pays ont Ă©tĂ© pris comme rĂ©fĂ©rence pour calculer cette baisse (France, Belgique, Espagne, Portugal, Turquie et Arabie saoudite). «Les marchĂ©s de Turquie et d’Arabie saoudite sont parmi les moins chers au monde. C’est pour cela que nous les avons choisis parmi nos rĂ©fĂ©rences», explique Zalim. Et c’est ce que craignent justement les professionnels. «Nos marchĂ©s et ceux des pays choisis n’ont pas la mĂȘme taille et la demande n’est pas la mĂȘme, rĂ©torque un pharmacien, membre de la fĂ©dĂ©ration, sous couvert d’anonymat. Un produit vendu aujourd’hui Ă  200 dirhams pourra l’ĂȘtre Ă  80 dirhams (sur la base d’une baisse de 60%, ndlr). Si on enlĂšve la TVA et le prix d’achat, le gain devient ridicule.» Or, les 12 000 pharmacies existantes dans le Royaume peinent Ă  faire du chiffre. Les conclusions de cette Ă©tude d’impact seront prĂȘtes fin septembre. Elles serviront Ă  la prĂ©paration d’un plan d’accompagnement des pharmacies.

Quoi qu’il en soit, quelques jours seulement auront suffi pour rappeler aux Marocains la dure rĂ©alité : les prix des mĂ©dicaments ne baisseront pas suffisamment. L’idĂ©e de l’Etat d’élargir l’assiette des populations ayant accĂšs aux mĂ©dicaments en se basant uniquement sur une baisse des prix n’est pas solide. Elle pose le problĂšme de l’équilibre des recettes des pharmaciens. Celui-ci pourrait ĂȘtre rĂ©solu en leur permettant d’ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ©s pour leurs conseils sans pour autant se substituer aux mĂ©decins. Ainsi, ils pourraient assurer davantage de missions de prĂ©vention, de dĂ©pistage ou d’accompagnement des patients. Un projet semblable est en cours en France. Plus grave, cette baisse ne rĂ©sout pas le problĂšme dans le fond. Car les plus dĂ©munis, qui constituent plus de 34% de la population, n’auront accĂšs qu’aux mĂ©dicaments gĂ©nĂ©riques, moins onĂ©reux. Quelques mĂ©decins et pharmaciens contactĂ©s par actuel remettent en question l’efficacitĂ© de ce type de mĂ©dicaments. « A mĂȘme dosage de principe actif, un gĂ©nĂ©rique a des chances de ne pas avoir l’effet escomptĂ©. Les gĂ©nĂ©riques doivent donc rester un choix et non devenir la seule alternative », affirme l’un d’entre eux. Or, aujourd’hui, pour s’assurer des rĂ©sultats, des mĂ©decins prescrivent de fortes doses de gĂ©nĂ©riques Ă  des patients dĂ©munis, qui n’ont pas les moyens de s’offrir des petites doses de princeps. Au risque, selon des professionnels, de voir leur santĂ© se dĂ©grader.

Abdelhafid Marzak

Des laboratoires contre la baisse

 

Les pharmaciens ne sont pas les seuls Ă  monter au crĂ©neau. Les laboratoires pharmaceutiques, filiales de multinationales de renom, se sont dressĂ©s, Ă  travers Maroc Innovation et SantĂ© (MIS), l’association qui les reprĂ©sente, contre cette baisse. AprĂšs en avoir acceptĂ© le principe mĂȘme, en signant le protocole d’accord, les professionnels reviennent aujourd’hui Ă  la charge en exigeant un cadre lĂ©gal. Une dĂ©marche plus pragmatique car elle donnerait davantage de temps aux professionnels pour Ă©couler leurs stocks. Et si les pharmaciens menacent de faire grĂšve, les laboratoires agitent l’épouvantail de la rupture de stock. Car, selon eux, vendre Ă  coĂ»t rĂ©duit nĂ©cessite de produire Ă  prix et quantitĂ©s rĂ©duits.

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