Lâheure des comptes a sonnĂ©. 14 milliards de dettes bancaires et pas un dirham de fonds injectĂ© ! Le groupe Corral doit, dâurgence, renflouer le capital de la Samir pour bĂ©nĂ©ficier dâun rĂ©Ă©chelonnement de ses dettes. Pour lâheure, la raffinerie est au bord de lâasphyxie.
Comment en sommes-nous arrivĂ©s lĂ â? Lâunique raffinerie du Royaume est au bord de lâasphyxie. Et la derniĂšre sortie mĂ©diatique, dĂ©but juillet, de Sheikh Mohammed Hussein Al Amoudi, prĂ©sident de Corral et du conseil dâadministration de la Samir, en prĂ©sence du ministre des Finances et du top management des deux banques crĂ©anciĂšres, nâa pas suffi Ă rassurer les milieux financiers. Aucune dĂ©cision concrĂšte nâa Ă©tĂ© prise Ă ce jour. Les deux banques, Attijariwafa bank et BCP, ont dĂ©cidĂ© de fermer les robinets tant que lâactionnaire nâaura pas renflouĂ© le capital de la raffinerie. «âLe prĂ©sident de Corral a rĂ©affirmĂ© son attachement Ă ses investissements au Maroc et son intention de les dĂ©velopper et les Ă©tendre Ă dâautres secteursâ», indique le communiquĂ© de la Samir au lendemain de la tenue de la rĂ©union. Ce message nâa pas pour autant rassurĂ© le marchĂ©, bien au contraire. Il trahit mĂȘme, en langage des banquiers dâaffaires, la volontĂ© de lâactionnaire de se dĂ©sengager⊠HypothĂšse prise au sĂ©rieux tant que lâaugmentation de capital de la raffinerie de 1,7 milliard de dirhams, entĂ©rinĂ©e le 3 mai par le conseil dâadministration, nâaura pas Ă©tĂ© concrĂ©tisĂ©e. Dâailleurs, selon les milieux financiers Ă©trangers, Corral Ă©tait prĂȘt Ă vendre la Samir pour 400 Ă 500 millions de dirhams, sans trouver preneur.
Â
14 MMDH de dette en 2011
Face Ă lâatonie de Corral, les banques crĂ©anciĂšres sont donc montĂ©es au front en juillet. Pas question dâenvisager une nouvelle restructuration de la dette bancaire tant que les fonds propres nâauront pas Ă©tĂ© renflouĂ©s.
Depuis le rachat de la Samir en 1997, le groupe a recouru au crĂ©dit pour financer un projet de modernisation ambitieux, grĂące aux banques locales dâhabitude si prudentes. EstimĂ© au dĂ©part Ă 4âmilliards de dirhams, le projet sera rĂ©Ă©valuĂ© dâabord Ă 7 milliards de dirhams, sous lâeffet de la flambĂ©e des matiĂšres premiĂšres. Au final, lâinvestissement explosera Ă 13âmilliards de dirhams. Si aujourdâhui la Samir est confrontĂ©e Ă un dĂ©sĂ©quilibre financier dâune telle gravitĂ©, câest parce que lâactionnaire nâa pas injectĂ© un dirham en fonds propres pour financer cette raffinerie ultramoderne, stratĂ©gique pour le pays. Il a puisĂ© allĂšgrement dans les crĂ©dits jusquâĂ dĂ©passer les ratios prudentiels fixĂ©s par la rĂ©glementation bancaire.
«âCorral a toujours privilĂ©giĂ© la dette bancaire Ă lâautofinancement pour rĂ©aliser le projet de modernisation de la Samirâ», rappelle un analyste. Au point que lâendettement du groupe a explosĂ© entre 2008 et 2011 de 9 milliards Ă 14 milliards de dirhams. «âCe qui dĂ©note Ă la fois le manque dâimplication de Corral et lâengagement excessif des banques localesâ!â»
Sur la pĂ©riode 2008-2011, le financement du projet de la Samir est constituĂ© Ă 75% par des dettes bancaires et 25% de capitaux propres. «âOr, ce mode de financement nâest pas adaptĂ© Ă la nature mĂȘme de son activitĂ©.â» Face Ă une activitĂ© volatile dont les niveaux de marge et les rĂ©sultats futurs sont peu prĂ©visibles, le financement devrait privilĂ©gier les capitaux propres et limiter lâendettement. Dâautant que le top management se refuse Ă recourir aux instruments de couverture, les swaps, pour limiter lâimpact des fluctuations des cours sur les marges. Des marges qui sâeffritent sous lâeffet de la concurrence des produits importĂ©s. La force de frappe des importateurs, comme Akwa Group, a mis un terme au monopole de la Samir, grĂące Ă une capacitĂ© de stockage importante. Au point que les produits importĂ©s contrĂŽlent aujourdâhui 40% du marchĂ©. Au regard de ces mutations, ne faudrait- il pas revoir Ă la baisse la capacitĂ© de remboursement de la Samirâ?
Plus grave encore, lâĂ©quilibre bilanciel de la Samir nâest pas respectĂ© puisque les dettes Ă court terme financent les investissements Ă long terme, au lieu de couvrir les besoins en fonds de roulement. «âLa Samir a atteint les limites au niveau de lâendettement Ă long terme qui caracolait en 2010 Ă 4,5 milliards de dirhams, alors que les capitaux propres ne dĂ©passaient guĂšre 5 milliards de dirhamsâ», est-il prĂ©cisĂ©. DâoĂč le recours massif aux dĂ©couverts bancaires nĂ©gociables chaque annĂ©e, pour financer des investissements pour un montant de 10 milliards de dirhams. Aujourdâhui, la Samir ne dispose plus dâaucune marge de manĆuvre, que ce soit au niveau des emprunts Ă long terme ou des crĂ©dits Ă court terme que les banques tentent aujourdâhui de contenir. Or, la raffinerie affiche des dĂ©lais clients longs quâelle est tenue de financer, les distributeurs Ă©tant eux-mĂȘmes tributaires des rythmes de rĂšglement de la Caisse de compensation. «âElle a constamment besoin de crĂ©dits de trĂ©sorerie supplĂ©mentaires. Ce qui aggrave sa vulnĂ©rabilitĂ© et sa forte dĂ©pendance face au financement bancaireâ».
Quoi quâil en soit, la situation financiĂšre de la Samir nâest pas due au hasard. Elle est le fruit du mode de gestion de lâactionnaire depuis sa privatisation. Aujourdâhui, le niveau dâendettement (14 milliards de dirhams) reprĂ©sente 3 fois ses capitaux propres (5 milliards de dirhams). Cela en dit long sur le degrĂ© de confiance de Corral dans lâavenir de lâentreprise.
Finira-t-il par renflouer le capital de la Samir pour Ă©viter le pireâ? A moins que lâinertie de lâactionnaire saoudien ne soit annonciatrice dâun bras de fer avec le gouvernement Benkirane.
Mouna Kably & Khadija El Hassani |