La crise Ă©conomique nâa pas altĂ©rĂ© lâappĂ©tit des Marocains pour lâimmobilier. Alors que lâoffre locale de haut standing montre ses limites, une nouvelle gĂ©nĂ©ration privilĂ©gie la rĂ©sidence secondaire sur lâautre rive de la MĂ©diterranĂ©e.
Sans surprise, la pierre reste lâinvestissement privilĂ©giĂ© des Marocains, surtout en temps de crise. Nos aĂŻeuls ont inculquĂ© ce principe plein de sagesse Ă leurs descendants. Et les jeunes gĂ©nĂ©rations lâont appliquĂ© avec tĂ©mĂ©ritĂ©, mĂȘme au-delĂ des frontiĂšres. Aujourdâhui, nombreux sont les Marocains qui rĂȘvent dâacquĂ©rir un bien immobilier Ă lâĂ©tranger. Dâailleurs, le nombre de nos compatriotes propriĂ©taires Ă lâĂ©tranger ne cesse dâaugmenter. Toujours Ă lâaffĂ»t de nouvelles opportunitĂ©s, lĂ oĂč les prix chutent, nos compatriotes sont parmi les premiers Ă investir. A commencer par lâEspagne oĂč la demande de lâimmobilier a considĂ©rablement baissĂ©. «âLe marchĂ© a chutĂ© de 7% uniquement au mois de mai et cette baisse est de lâordre de 9,8% depuis janvier 2012. Depuis le dĂ©but de la crise, le secteur a enregistrĂ© un recul de 40%â», explique SaĂąd Tazi, agent immobilier Ă la Costa del Sol. Les appartements, maisons et villas se vendent de plus en plus difficilement. Les banques des plus exigeantes accordent difficilement des crĂ©dits immobiliers. Du coup, la demande espagnole est aujourdâhui quasiment nulle. Pour augmenter leurs chances de vendre, les professionnels se sont tournĂ©s vers les Ă©trangers. Sur ce registre, nos concitoyens font preuve dâun rĂ©el engouement pour les villes du sud de lâEspagne. Câest sur la Costa del Sol oĂč la demande est la plus Ă©levĂ©e. Entre 20â000 et 25â000 familles y passent leurs vacances. Cette catĂ©gorie peut atteindre jusquâĂ 50â000 familles, durant les annĂ©es Ă©conomiquement plus clĂ©mentes. De ce fait, il est tout Ă fait naturel que prĂšs de 95% des biens immobiliers achetĂ©s par les Marocains soient situĂ©s sur la Costa del Sol. Le reste est rĂ©parti entre Marbella, El Medano, Malaga, Estepona, Madrid et Barcelone. «âDâaprĂšs notre expĂ©rience sur le terrain, 90% des biens sont des appartements avec piscine et jardin, Ă proximitĂ© de la merâ», analyse lâagent immobilier. Seuls 10% de ces logements sont neufs, vendus par un promoteur immobilier. Les Marocains optent volontiers pour la reprise dâune hypothĂšque sur un bien dâoccasion. Cette solution est plus simple que lâobtention dâun crĂ©dit bancaire. De plus, les endroits les plus prisĂ©s sont tous dĂ©jĂ construits et les biens vendus.
Les appartements «â2 chambresâsalonâ» dâune superficie allant de 100 Ă 115 m2 (soit 70 Ă 80 m2 construits auxquels sâajoute une terrasse) sont les plus demandĂ©s. Le prix moyen de ce type de logement sur la Costa del Sol tourne autour de 175â000 euros, contre 280â000 euros avant la crise. Les familles plus nombreuses ou plus aisĂ©es privilĂ©gient davantage le «â3 chambresâsalonâ» dâune superficie variant entre 180 et 220 m2.
Toutefois, il est possible de trouver des logements Ă des prix beaucoup plus intĂ©ressants dans des villes comme Estepona oĂč un appartement (une chambre et un salon) coĂ»te environ 63â000 euros. Mieux, dans certaines villes comme Madrid, on peut facilement trouver des appartements Ă 65â000 euros. «âCes prix sont nettement infĂ©rieurs Ă ceux pratiquĂ©s Ă Marrakech ou Casablanca, dans le Triangle dâor et la cornicheâ», compare Tazi. Mais qui sont ces Marocains qui achĂštent en Espagneâ? DâaprĂšs Tazi, «âils ont en gĂ©nĂ©ral la double nationalitĂ© ou un titre de sĂ©jour qui leur permet dâavoir des comptes bancaires Ă lâĂ©trangerâ». En effet, les rĂšgles fixĂ©es par lâOffice des changes sont strictes sur les conditions dâachat de biens immobiliers au-delĂ des frontiĂšres (cf. encadrĂ©). Les Marocains rĂ©sidant Ă lâĂ©tranger (MRE) constitueraient 20% des nationaux optant pour lâEspagne.
Contrairement aux idĂ©es reçues, «âles rĂ©sidences secondaires de Marocains ââhors MREââ ne reprĂ©sentent pas plus que 5% des biens achetĂ©s par les nationauxâ», affirme notre agent immobilier. Le reste est composĂ© essentiellement dâanciens MRE revenus dĂ©finitivement au pays et de responsables et hauts cadres liĂ©s Ă des entreprises qui ont des activitĂ©s ou leur siĂšge en Espagne. A cela, il faut ajouter 10% de rĂ©sidents Ă©trangers au Maroc, dĂ©tenteurs de titres de sĂ©jour marocains. Depuis 2008, la demande marocaine de lâimmobilier espagnol a explosĂ©. Cependant, les demandes dâinformation sont plus importantes que les transactions ces derniers mois. «âSeuls 2% Ă 5% des demandes dâinformation dĂ©bouchent sur des achats fermes. Le nombre de Marocains qui peuvent se permettre lâachat dâun appartement ou dâune rĂ©sidence ne dĂ©passerait pas 500 par anâ», affirme SaĂąd Tazi. Au total, ils seraient quelque 2â500 Marocains Ă avoir franchi le pas. Nos compatriotes arrivent derriĂšre les Scandinaves, les Anglais, les Allemands et les Italiens. Toutefois, les clients marocains ne sont pas assez nombreux pour figurer dans le top 10 des Ă©trangers friands de rĂ©sidences secondaires dans la PĂ©ninsule ibĂ©rique. Principale raison Ă©voquĂ©eâ: alors que les autres Ă©trangers achĂštent cash, les Marocains doivent contourner la rĂ©glementation qui leur interdit de sortir des devises. «âSelon nos simulations, chaque annĂ©e, plus de 2â500 Marocains achĂšteraient un logement en Espagne, si cette loi Ă©tait abrogĂ©eâ», confie Tazi. Lâoffre le permet car, aujourdâhui, le stock dâinvendus est estimĂ© Ă plus dâun million dâunitĂ©s rien que dans lâimmobilier neuf.
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Pays francophones plus attractifs
Si en Espagne le nombre de logements dĂ©tenus par des Marocains reste assez insignifiant, il est beaucoup plus important en France. Les nationaux seraient, en 2011, la cinquiĂšme nationalitĂ© Ă©trangĂšre la plus reprĂ©sentĂ©e dans lâHexagone. Lâinformation vient de lâInstitut notarial de lâimmobilier en France. Nos compatriotes constitueraient, en 2011, 6% des Ă©trangers propriĂ©taires de logements en France. Ils sont au nombre de 21â600. Le Maroc arrive derriĂšre la Grande-âBretagne (17%), lâItalie et la Belgique (10%) ainsi que le Portugal (9%). Les Marocains sont talonnĂ©s par les AlgĂ©riens (5%). Cela dit, leur nombre a chutĂ© ces cinq derniĂšres annĂ©es, en raison de la baisse progressive de lâattractivitĂ© de lâHexagone, surtout en matiĂšre de fiscalitĂ©. En effet, pour compenser lâallĂšgement de lâimpĂŽt sur la fortune programmĂ© par la France, les rĂ©sidences secondaires des Ă©trangers seront taxĂ©es, dans le cadre de la nouvelle rĂ©forme fiscale. Au total, ce sont 360â000 rĂ©sidences qui seraient concernĂ©es. ConcrĂštement, les propriĂ©taires Ă©trangers devront, Ă compter de 2013, sâacquitter dâune taxe Ă hauteur de 20% de la valeur cadastrale de leur bien. Les notaires de France prĂ©voient, nĂ©anmoins, une baisse des prix de lâimmobilier jusquâen 2013â; ce qui devrait augmenter sensiblement le volume des ventes aux Ă©trangers.
La Belgique revient Ă©galement souvent comme destination pour un logement secondaire. RĂ©putĂ© pour ses formalitĂ©s moins complexes que chez le voisin français pour lâobtention de la nationalitĂ© (comme offrir la nationalitĂ© aux personnes nĂ©es sur son territoire), ce pays est trĂšs vite devenu un endroit privilĂ©giĂ© pour les rĂ©sidences secondaires. Dâailleurs, le nombre de MRE rĂ©sidant en Belgique a dĂ©passĂ© aujourdâhui les 81â000 personnes, avec une trĂšs forte densitĂ© de Marocains dans des rĂ©gions comme la commune de Molenbeek. Cependant, aucune statistique officielle belge ne permet, aujourdâhui, de dĂ©terminer avec prĂ©cision le nombre de Marocains propriĂ©taires de logements. «âNous nâavons pas dâinformations sur le profil des Marocains qui acquiĂšrent des biens immobiliers en Belgique pour la simple raison que les nationalitĂ©s dâorigine des acheteurs ne leur sont pas demandĂ©es lors de lâachatâ», rĂ©vĂšle Stephan Moens, responsable Communication, presse et coordination internationale au sein de la Direction gĂ©nĂ©rale de la statistique en Belgique. Les seules donnĂ©es qui existent sont celles du recensement de la pĂ©riode 1991-2001 effectuĂ© sur le logement en Belgique. Une seule information disponible sur les Marocainsâ: 53% dâentre eux habitent dans des logements construits avant 1970, alors que 16% ont un logement datant dâaprĂšs 1970. Explication possibleâ: les anciennes constructions coĂ»tent moins cher que les nouvelles, car elles nĂ©cessitent plus dâentretien. Un autre recensement, de 2011, est en cours, mais il nâa pas encore Ă©tĂ© «âdĂ©cidĂ© si de telles Ă©tudes seront menĂ©es Ă partir des donnĂ©es du recensement de 2011â». MalgrĂ© les restrictions imposĂ©es par la loi (cf. encadrĂ©), les Marocains propriĂ©taires de biens immobiliers Ă lâĂ©tranger continuent de voir leur nombre augmenter. Lâenvie de disposer dâune rĂ©sidence secondaire dans un autre pays semble lĂ©gitime. De plus, en rĂ©glementant ce droit, via lâinstauration de taxes spĂ©ciales, lâEtat aurait la possibilitĂ© de diversifier et dâaugmenter ses recettes fiscales.
Abdelhafid Marzak |