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Affaire CIH : D’autres tĂȘtes vont tomber 
actuel n°149, vendredi 6 juillet 2012
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Comme pour les affaires Benallou et Ibrahimi, le procĂšs de Khalid Alioua pourrait rĂ©server bien des surprises. Car au-delĂ  des faits reprochĂ©s, c’est encore une fois le problĂšme de la gouvernance et du partage des responsabilitĂ©s qui est posĂ©. L’affaire Alioua, qui ne fait que dĂ©marrer, risque d’éclabousser d’autres personnes.


On n’a pas fini d’entendre parler de l’affaire CIH (CrĂ©dit Immobilier et HĂŽtelier). Une nouvelle saison de ce feuilleton judiciaire, l’un des plus long que le Maroc ait connus, vient de dĂ©marrer avec l’arrestation, vendredi dernier, de l’ancien prĂ©sident directeur gĂ©nĂ©ral de la banque publique. Trois autres anciens cadres du CIH ont Ă©galement Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s et 12 prĂ©venus sont interrogĂ©s en Ă©tat de libertĂ©. Entendu depuis mars dernier par les Ă©quipes de la Brigade nationale de la Police judiciaire, Khalid Alioua est dĂ©sormais poursuivi en Ă©tat de dĂ©tention prĂ©ventive. Une dĂ©cision qui, semble-t-il, n’a ni surpris ni choquĂ© le mis en cause, encore moins sa dĂ©fense. « Une telle dĂ©cision Ă©tait prĂ©visible. Mais, nous escomptions plutĂŽt une poursuite en Ă©tat de libertĂ©, moyennant une caution », explique Driss Saba, l’avocat de Alioua. Cette dolĂ©ance d’ailleurs a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e au juge d’instruction. Revenant sur l’arrestation de son client, l’avocat qualifie d’illĂ©gale la procĂ©dure dĂ©clenchĂ©e par le procureur gĂ©nĂ©ral Ă  Casablanca. « Il n’est pas normal d’ouvrir un dossier pĂ©nal alors que la mĂȘme affaire est toujours entre les mains de la Cour des comptes », s’indigne Me Saba. Selon lui, les Ă©quipes d’Ahmed El Midaoui n’ont toujours pas clos le dossier qui nĂ©cessite un complĂ©ment d’enquĂȘte. « Tant que ce dossier n’a pas Ă©tĂ© fermĂ© et qu’aucune sanction, ni pĂ©cuniaire ni disciplinaire, n’a Ă©tĂ© prononcĂ©e par les juges de la Cour des comptes, on ne peut pas ouvrir un dossier pĂ©nal », soutient Me Saba. Ce que rĂ©fute en bloc Me Mohamed Tarik SbaĂŻ, prĂ©sident de l’Instance nationale de protection des deniers publics. Selon lui, l’ouverture d’un dossier pĂ©nal et la procĂ©dure judiciaire qui a abouti Ă  la poursuite de Alioua en Ă©tat d’arrestation ne souffrent d’aucun vice de forme : « Quand la Cour des comptes juge que les infractions relevĂ©es par ses magistrats sont d’ordre pĂ©nal, elle saisit le procureur gĂ©nĂ©ral du tribunal concernĂ©, pour approfondir l’enquĂȘte. » Ce qui a Ă©tĂ© le cas pour l’affaire CIH.

 

Alioua, un cavalier solitaire

Pour rappel, en 2010, la Cour des comptes avait consacrĂ© une cinquantaine de pages de son rapport 2009 aux dysfonctionnements et fautes de gestion survenus entre 2003 et 2009, couvrant donc le mandat Khalid Alioua (2004-2009). Les magistrats de la Cour des comptes ont relevĂ© plusieurs dĂ©faillances de gestion, dĂ©noncĂ© la dilapidation des deniers publics et mis en lumiĂšre plusieurs opĂ©rations douteuses dont certaines au profit du top management et de ses proches. Parmi les griefs les plus rĂ©currents, le rapport cite l’octroi de crĂ©dits ou de facilitĂ©s accordĂ©es Ă  des opĂ©rateurs, sans respect du rĂšglement intĂ©rieur du directoire. De mĂȘme, la cession du patrimoine, hors exploitation de la banque, Ă  soi-mĂȘme ou Ă  des proches, Ă  des prix nettement infĂ©rieurs Ă  ceux du marchĂ©. Ou encore la mise Ă  disposition du prĂ©sident et de ses proches de produits, Ă©quipements et ressources du CIH. Les magistrats de la Cour des comptes ont Ă©galement pointĂ© du doigt la propension de l’ancien prĂ©sident de la banque Ă  faire cavalier seul, rĂ©duisant au maximum l’implication du conseil d’administration. Ce dernier Ă©tait souvent amenĂ© Ă  prendre acte des dĂ©cisions de Alioua. Ce dysfonctionnement a d’ailleurs perdurĂ© mĂȘme aprĂšs le changement en 2007 du mode de gouvernance du CIH, en sociĂ©tĂ© anonyme Ă  directoire et conseil de surveillance. Ainsi, pour le recouvrement des affaires grands comptes, le conseil a Ă©tĂ© informĂ© des dĂ©cisions prises au lieu d’ĂȘtre consultĂ© au prĂ©alable, note le rapport de la Cour des comptes. Cette mĂȘme anomalie a Ă©tĂ© relevĂ©e dans le fonctionnement des diffĂ©rents instruments de gouvernance, directoire, comitĂ© de direction, comitĂ© de recouvrement
 Alors que ces entitĂ©s sont censĂ©es garantir une meilleure gouvernance en favorisant des prises de dĂ©cision collĂ©giales, avec un maximum de transparence, les cas du CIH et de l’ONDA confirment que la rĂ©alitĂ© est tout autre. Dans les faits, ces structures sont, en l’absence d’une rĂ©elle volontĂ© de moralisation de la vie publique, rĂ©duites Ă  des coquilles vides. A titre d’exemple, le CIH est dotĂ© d’un conseil de surveillance et d’un directoire crĂ©Ă© en 2007 et prĂ©sidĂ© par Alioua. Ce dernier prenait des dĂ©cisions sans consulter les autres membres du directoire – à savoir les reprĂ©sentants de la CDG et du groupe français Caisses d’épargne – ni mĂȘme les informer. « Ce qui provoquait des situations de blocage et des conflits », relĂšve les magistrats de la Cour des comptes. Mais, fait curieux, face Ă  de tels agissements qui semblaient ĂȘtre bien ancrĂ©s, pourquoi les autres administrateurs n’ont-elles jamais donnĂ© l’alerte ? Comment expliquer ce silence assourdissant ? Quelle est leur part de responsabilitĂ© dans le dossier CIH ? Autant de questions qui demeurent sans rĂ©ponse. Mais la dĂ©fense de Alioua s’accroche Ă  cet argument et entend l’exploiter au maximum. Selon l’avocat de Alioua, plusieurs personnes pourraient ĂȘtre Ă©claboussĂ©es dans cette affaire. C’est le cas, assure-t-il, de l’ancien directeur gĂ©nĂ©ral de la CDG, Mustapha Bakkoury, ainsi que d’autres administrateurs qui avaient validĂ© certaines dĂ©cisions, reprochĂ©es par la suite Ă  Alioua. DĂ©cidĂ©ment, l’affaire CIH n’a pas encore livrĂ© tous ses secrets.

Khadija El Hassani

OĂč sont passĂ©s les emprunteurs ?

 

Outre le partage des responsabilitĂ©s et le rĂŽle des administrateurs et de l’autoritĂ© de tutelle, Ă  savoir le ministĂšre des Finances et Bank Al-Maghrib, une question revient avec insistance : pourquoi aucun des bĂ©nĂ©ficiaires des largesses de la banque n’a Ă©tĂ© inquiĂ©té ? Alors que la Cour des comptes a relevĂ© des dettes colossales non honorĂ©es, les emprunteurs en question (et pas uniquement du temps de Alioua) n’ont Ă©tĂ© ni entendus ni poursuivis. Autant d’interrogations qui remettent sur le tapis la sempiternelle question de l’indĂ©pendance de l’appareil judiciaire. Et dans toutes ces affaires, actuellement en cours d’instruction, la justice sera-t-elle en mesure d’aller jusqu’au bout ? MalgrĂ© les assurances verbales de Abdelilah Benkirane, la question reste posĂ©e.


Un parcours brillant

 

Khalid Alioua, membre du comitĂ© central de l’USFP, est diplĂŽmĂ© des Ă©tudes comptables supĂ©rieures et d’une maĂźtrise de gestion.

‱ De 1992 Ă  1997 : il est prĂ©sident du conseil prĂ©fectoral de Rabat et conseiller municipal Ă  Rabat-Agdal.

‱ Le 14 mars 1998 : Alioua est nommĂ© ministre du DĂ©veloppement social, de la SolidaritĂ©, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, et porte-parole du gouvernement de l’alternance.

‱ Le 7 novembre 2002 : il est nommĂ© ministre de l’Enseignement supĂ©rieur et de la Recherche scientifique dans le gouvernement Driss Jettou.

‱ Entre avril 2004 et avril 2009 : il dirige le CrĂ©dit Immobilier et HĂŽtelier (CIH) avant d’ĂȘtre violemment dĂ©barquĂ© par Mustapha Bakoury, ex-DG de la CDG, en sa qualitĂ© de prĂ©sident du conseil de surveillance de la banque publique.

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