Avis partagĂ©s pour ce premier bilan dâĂ©tape. Des industriels jugent satisfaisantes lâapproche et la mise en Ćuvre du Pacte pour lâĂ©mergence industrielle. Dâautres, plus sceptiques, prĂŽnent le wait and see.
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Un an dĂ©jĂ . Lâheure est au bilan du Pacte national pour lâĂ©mergence industrielle lancĂ© le 13 fĂ©vrier 2009. Ce plan dâaction, qui intervient trois ans aprĂšs le Plan Emergence, rĂ©ussira-t-il lĂ oĂč le premier a Ă©chouĂ©â? EprouvĂ©e par une conjoncture difficile, lâindustrie marocaine retrouvera-t-elle, avec cette feuille de route, un nouveau souffleâ? Autant de questions qui se posent avec acuitĂ© et qui ne manqueront pas de marquer les dĂ©bats lors des Assises de lâindustrie, dont la premiĂšre Ă©dition se tient ce 7 avril Ă Casablanca.
Ce rendez-vous exceptionnel doit non seulement faire le point sur les premiĂšres actions entreprises avec les diffĂ©rentes parties prenantes, mais il devrait aussi mesurer la mobilisation des acteurs publics et privĂ©s autour de la nouvelle feuille de route. Une occasion donc pour recadrer et rectifier le tir si nĂ©cessaire. «âCette premiĂšre annĂ©e a surtout Ă©tĂ© celle de lâopĂ©rationnalisation des chantiers et de la communication autour du Pacte pour lâĂ©mergence industrielle.
La concertation entre pouvoirs publics et secteur privĂ©, facilitĂ©e par les road shows du ministre de tutelle, a contribuĂ© Ă mieux dĂ©finir les implications des diffĂ©rents intervenants, tout en identifiant et en ajustant les Ă©carts Ă©ventuelsâ», prĂ©cise El Mostafa Sajid, prĂ©sident de lâAmith (association des textiliens). «âCertains pourraient sâimpatienter et se plaindre dâĂȘtre Ă peine en phase de communication et dâamorçage. Ce nâest pas mon cas.â» A ses yeux, «âle Pacte est comme un navire qui vient de quitter le port, et sâapprĂȘte Ă entamer sa vitesse de croisiĂšre. Nous sommes tous lĂ pour le mener Ă bon port.â»
Par ailleurs, le prĂ©sident de lâAmith prĂ©cise que «âle road show Emergence du textile-habillement 2010 a mobilisĂ© environ 400 entreprises. Nous avons, Ă travers cette initiative, promu ces programmes et identifiĂ© dans le dĂ©tail ceux dont elles souhaitent bĂ©nĂ©ficier.â» MĂȘme son de cloche du cĂŽtĂ© de lâAssociation des mĂ©tiers de lâautomobile (Amica). Ainsi, son vice-prĂ©sident, Mounir Abdelhaq, estime ce premier bilan globalement positif, notamment sur le plan de la communication, aspect crucial pour la sensibilisation et la mobilisation autour de cette stratĂ©gie.
Sortir lâindustrie de sa torpeur
Avis que dâautres industriels sont loin de partager. Pour eux, il est temps de passer rĂ©ellement Ă lâaction afin de sortir lâindustrie de sa torpeur. «âLa machine industrielle lourdement Ă©prouvĂ©e par la conjoncture difficile et malmenĂ©e rĂ©cemment par les intempĂ©ries ne peut plus attendre. Nous avons, du reste, perdu beaucoup de temps avec la premiĂšre visionâ», relĂšve un industriel. «âDâailleurs, rappelle-t-il, cinq annĂ©es aprĂšs lâĂ©laboration de ce premier plan, le diagnostic de la compĂ©titivitĂ© du Maroc rĂ©alisĂ© par la Banque mondiale montre que le pays est toujours Ă la traĂźne.â» Un constat que les derniĂšres intempĂ©ries, en plombant lâactivitĂ©, ne font quâaccentuer.
Ainsi, selon la derniĂšre enquĂȘte mensuelle de Bank Al-Maghrib, la production industrielle accuse une baisse nette. Plusieurs activitĂ©s dont lâagroalimentaire, les industries chimique et para-chimique, accusent un net ralentissement de la production au cours de ces premiers mois de lâannĂ©e. Idem pour le textile et cuir oĂč lâon diagnostique une quasi-stagnation de lâactivitĂ©, avec comme corollaires directs, la baisse des ventes et le recul des commandes.
Ce qui explique lâimpatience de certains industriels qui souhaitent que la dynamique de mise en Ćuvre du Pacte Emergence soit accĂ©lĂ©rĂ©e. Ainsi, les textiliens estiment que «âle traitement du volet logistique devrait ĂȘtre repris en main, notamment en ce qui concerne la libĂ©ralisation effective du transport maritime de marchandisesâ». De mĂȘme pour la lutte contre les pratiques de commerce dĂ©loyal et la sous-facturation Ă lâimportation qui a, selon eux, pris beaucoup de retard. «âLe prĂ©judice de la concurrence dĂ©loyale est tellement important quâil est, Ă lui seul, Ă lâorigine de nombreuses fermetures dâentreprises, sans parler du manque Ă gagner fiscal pour les recettes de lâEtatâ», fustige El Mostafa Sajid. Autre handicap Ă pallier, le climat social dĂ©lĂ©tĂšre des entreprises opĂ©rant pour le marchĂ© intĂ©rieur et qui peut, parfois, prĂ©cipiter la fermeture de lâentreprise.
Coordination et harmonisation
Du cĂŽtĂ© des technologies de lâinformation, les opĂ©rateurs insistent, en particulier, sur la coordination et lâharmonisation des actions. En effet, lâon sâinquiĂšte en particulier de la faible articulation entre les diffĂ©rentes composantes, piliers du Pacte industriel, Ă savoir lâinnovation, le financement et lâaccĂšs aux marchĂ©s. «âCes trois axes doivent fonctionner de concert pour un rĂ©sultat optimalâ», soutient Bachir Rachdi, prĂ©sident de lâApebi et membre du Conseil national des technologies de lâinformation.
Par ailleurs, il pointe du doigt la multiplicitĂ© des dĂ©cideurs et/ou dĂ©partements impliquĂ©s, qui, couplĂ©e Ă un dĂ©calage dans les conceptions et visions des diffĂ©rents intervenants, vient gripper la machine de rĂ©alisation. «âSouvent les acteurs, censĂ©s mettre en Ćuvre des actions, ne sont pas sensibilisĂ©s Ă la stratĂ©gie gĂ©nĂ©rale. Ce qui se traduit par un ralentissement, voire des blocages, alors que les marchĂ©s existent et que les entreprises du secteur sont prĂȘtes Ă les rĂ©aliserâ», fait remarquer Rachdi qui cite en exemple le cas du «âe-gouvernementâ». Ces pistes de recadrage interpellent Chami et ses Ă©quipes qui, avec les propositions des uns et des autres, auront sĂ»rement du pain sur la planche.
Khadija El Hassani |
Des avancées timides
En 2009, neuf ministĂšres avaient signĂ©, avec le secteur privĂ© reprĂ©sentĂ© par la CGEM et le Groupement professionnel des banques marocaines (GPBM), un contrat-programme comprenant 111 mesures visant Ă repositionner le secteur industriel. Ce Plan nĂ©cessitera des fonds de lâordre de 12,4 milliards dirhams, dont 34â% dĂ©diĂ©s Ă la formation et aux ressources humaines et 24â% Ă lâincitation Ă lâinvestissement. Le tout devant permettre la crĂ©ation de 220â000 emplois, un volume supplĂ©mentaire dâexportations de 95 milliards de dirhams et 50 milliards de dirhams dâinvestissements privĂ©s dans lâactivitĂ© industrielle.
Pour chaque secteur ont Ă©tĂ© dĂ©finies les incitations Ă mettre en place, les besoins en formation, les infrastructures industrielles Ă rĂ©aliser et la liste dâentreprises Ă©trangĂšres cibles Ă dĂ©marcher dans lâimmĂ©diat. ConcrĂštement, il sâagit de dĂ©velopper les mĂ©tiers mondiaux du Maroc (offshoring, aĂ©ronautique et spatial, automobile, agroalimentaire, textileâŠ) Ă travers un nouveau concept que sont les plateformes industrielles intĂ©grĂ©es (P2I), avec chacune une vocation spĂ©cifique. Sur les 22 plateformes industrielles intĂ©grĂ©es prĂ©vues, deux sont dĂ©jĂ en chantier. Il sâagit de la City de KĂ©nitra sur 300 hectares et de lâaĂ©ropĂŽle de Nouacer sur 150 hectares.
Sur le volet formation, facteur clĂ© du succĂšs du chantier de dĂ©veloppement des zones industrielles, les actions prioritaires sont identifiĂ©es. Elles concernent entre autres lâĂ©laboration des plans de formation sectoriels et la crĂ©ation de lâInstitut supĂ©rieur spĂ©cialisĂ© dans les mĂ©tiers de lâaĂ©ronautique par lâOFPPT, en partenariat avec le Groupement des industriels marocains aĂ©ronautique et spatial (Gimas).
La troisiĂšme action est relative Ă la crĂ©ation de lâEcole Centrale du Maroc par les dĂ©partements de lâIndustrie et de lâEnseignement supĂ©rieur, en collaboration avec lâEcole Centrale de Paris. Il va sans dire que pour un programme dâune telle envergure, il est encore tĂŽt pour Ă©mettre des Ă©valuations.
Des avancées timides |
Ahmed Réda Chami : « La formation est en bonne voie »
Les premiĂšres assises de lâindustrie se tiendront le 7 avril. Un an aprĂšs le lancement du Pacte Ă©mergence, le ministre de lâIndustrie et du Commerce fait le bilan.
Les chantiers dĂ©jĂ opĂ©rationnels, dâautres en attente de lancement. Des mesures qui marchent, dâautres qui piĂ©tinent. Un an aprĂšs son lancement, le ministre de lâIndustrie et du Commerce fait le point sur la mise en Ćuvre du Pacte pour lâĂ©mergence industrielle, ses avancĂ©es et ses blocages.
ACTUEL : OĂč en est actuellement le Pacte pour lâĂ©mergence industrielle ?
AHMED REDA CHAMIâ: Certains chantiers sont bien avancĂ©s, dâautres un peu moins. Mais, globalement, le bilan est satisfaisant. Ainsi, concernant la compĂ©titivitĂ© des entreprises, les outils dâaccompagnement prĂ©vus sont dĂ©jĂ opĂ©rationnels. Câest le cas dâImtiaz, Moussanada ou le fonds de garantie pour le capital-risque qui sont opĂ©rationnels. Reste le fonds public-privĂ© qui devrait ĂȘtre lancĂ© en juin prochain. Le chantier formation est Ă©galement sur la bonne voie.
Les besoins sont identifiĂ©s en concertation avec les diffĂ©rentes fĂ©dĂ©rations et associations professionnelles et les capacitĂ©s existantes dĂ©terminĂ©es avec lâEnseignement supĂ©rieur et la Formation professionnelle. Maintenant, lâidĂ©e est dâamorcer les formations nĂ©cessaires dĂšs la rentrĂ©e prochaine pour pouvoir accompagner les demandes du plan Emergence. MĂȘme constat pour les plateformes industrielles intĂ©grĂ©es (P2I).
Nous sommes dans les dĂ©lais de phasage annoncĂ©s pour le lancement des 22 infrastructures prĂ©vues. Seule la P2I de Casablanca accuse un retard en raison du changement du plan dâamĂ©nagement du Grand Casablanca. En effet, le foncier identifiĂ© a vu sa vocation changer, il fallait donc en trouver un autre. Chose faite depuis un mois. Il y a eu du retard Ă©galement dans la mise en place de lâAgence de dĂ©veloppement des investissements (Amdi).
Certains mĂ©tiers mondiaux du Maroc (MMM) accusent aussi du retardâŠ
Globalement, lâaĂ©ronautique, lâautomobile et lâoffshoring marchent bien. En revanche, lâĂ©lectronique traĂźne un peu. Mais, la signature rĂ©cente avec Lear Corporation nous donne de lâĂ©lan pour aller plus vite. Câest aussi le cas dans le textile avec le retard de la tarification douaniĂšre. De mĂȘme sur la partie FIT (finissage, impression, teinturerie) qui reste peu dĂ©veloppĂ©e au Maroc. Cela dit, le Pacte apporte une nouveautĂ© en mettant lâaccent aussi sur le marchĂ© local contrairement Ă ce qui se faisait dans le passĂ© oĂč lâon privilĂ©giait lâexport. Des actions sont ainsi lancĂ©es pour dĂ©velopper la distribution moderne. Dans ce sens, nous Ă©tudions le financement dâun important projet Ă travers Imtiaz.
Finalement, oĂč se situent les blocages ?
Essentiellement au niveau des procĂ©dures administratives internes. MalgrĂ© la bonne volontĂ© de tout un chacun, les procĂ©dures sont trĂšs lourdes et nous font perdre beaucoup de temps. Un rĂ©-ingĂ©niering des processus internes de lâadministration serait nĂ©cessaire pour les simplifier.
Des mĂ©tallurgistes exclus de la stratĂ©gie Emergence cherchent Ă se positionner. Quelle chance ont-ils dâĂȘtre intĂ©grĂ©s aujourdâhui?
Il nây a pas de raison pour quâils se sentent exclus. Certes, lâactivitĂ© nâest pas regroupĂ©e aujourdâhui parmi les mĂ©tiers mondiaux du Maroc et, Ă ce titre, les mĂ©tallurgistes ne peuvent bĂ©nĂ©ficier des aides Ă lâinvestissement qui profitent Ă lâaĂ©ronautique, lâautomobile et lâoffshoring. Mais, comme tout autre industriel, ils peuvent profiter des autres mesures du Pacte. Tout mĂ©tallurgiste qui souhaite par exemple exporter peut sâimplanter dans une zone franche et bĂ©nĂ©ficier dâincitations fiscales. Et la liste des MMM nâest pas figĂ©e. Dâailleurs, en ce moment, nous Ă©tudions la possibilitĂ© dâintĂ©grer deux autres secteursâ: la chimie-parachimie et lâindustrie pharmaceutique. Si jamais, la dĂ©cision est prise, des outils spĂ©cifiques seront dĂ©finis pour ces secteurs.
Propos recueillis par Khadija El Hassani
Ahmed Réda Chami : « La formation est en bonne voie » |
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