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LiquiditĂ©s : banques et entreprises dans l’impasse
actuel n°143, vendredi 25 mai 2012
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La crise est lĂ , les banquiers la ressentent comme les PME. Au bord de l’asphyxie, la machine Ă©conomique est en attente d’un Ă©lectrochoc.


L’on s’y attendait depuis des mois, maintenant c’est une rĂ©alitĂ©. L’économie marocaine est gagnĂ©e par la rĂ©cession qui frappe ses pays partenaires de la zone euro. Certains opĂ©rateurs n’hĂ©sitent pas Ă  parler de paralysie de la machine Ă©conomique. Peu de projets d’investissement dans le pipe, de moins en moins de dossiers de crĂ©dits traitĂ©s par les banques, aggravation des incidents de paiement, explosion des rĂšglements cash. Les difficultĂ©s, voire l’asphyxie que vivent depuis plusieurs mois les secteurs exportateurs et le tourisme, sont en train de se gĂ©nĂ©raliser au reste du tissu industriel. Au point qu’aujourd’hui, les opĂ©rateurs peinent Ă  garder la tĂȘte hors de l’eau. Les dĂ©lais de rĂšglement s’allongent, les tensions de trĂ©sorerie montent en flĂšche, tout comme les impayĂ©s.

L’adoption tardive de la loi de Finances 2012 a prĂ©cipitĂ© la paralysie d’une Ă©conomie dĂ©jĂ  fragile. Depuis le dĂ©but de l’annĂ©e, faute de budget, l’Etat et les entreprises publiques ont accumulĂ© les factures, prenant en otage les entreprises prestataires, des petites et moyennes entreprises pour la plupart.

Effet collatĂ©ral : les banques font preuve d’une plus grande prudence et ferment le robinet du crĂ©dit. Une prudence alimentĂ©e par l’aggravation du risque et l’envolĂ©e du taux des crĂ©ances en souffrance. « GĂ©nĂ©ralement, les banques jouent un rĂŽle contra-cyclique, elles accĂ©lĂšrent la crise en cas de rĂ©cession, et dopent la croissance en cas de reprise », explique un analyste financier. Il n’est donc pas Ă©tonnant que les banques locales fassent preuve, depuis plusieurs mois, d’une extrĂȘme prudence et dĂ©veloppent une aversion au risque. Ce nouveau tour de vis s’explique aussi par le fait que les banques ont dĂ» faire face, depuis novembre 2011, Ă  des retraits massifs de liquiditĂ©s, suite Ă  la suppression des bons de caisse anonymes. Cette mesure avait fait l’objet d’une circulaire de Bank Al-Maghrib (BAM) pour tenter de limiter le blanchiment de l’argent sale.

Selon les statistiques de la Banque centrale, l’encours des comptes Ă  terme et bons de caisse est passĂ© de 154 milliards Ă  146 milliards de dirhams en l’espace d’une annĂ©e. En 2009, ce poste avait crevĂ© le plafond Ă  160 milliards de dirhams. La levĂ©e de l’anonymat sur les bons de caisse y serait pour beaucoup. A cela s’ajoute l’instauration, en avril 2011, du chĂšque barrĂ© et non endossable pour les clients patentĂ©s. Une dĂ©cision qui, certes, n’a pas force de loi puisqu’elle Ă©mane du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), mais qui est censĂ©e instaurer plus de transparence dans le rĂšglement des transactions, en limitant les paiements en espĂšces. Dans les faits, sa mise en Ɠuvre s’avĂšre ĂȘtre plus compliquĂ©e que prĂ©vu, d’autant que le taux de bancarisation de la population reste trĂšs faible, bien en deçà des 45% annoncĂ©s par BAM.

 

Préservation des marges bancaires

Tous ces facteurs expliquent que ni la baisse du taux directeur de 25 points de base Ă  3% dĂ©cidĂ©e par BAM en mars dernier ni le rallongement de la durĂ©e des prĂȘts octroyĂ©s par la Banque centrale aux banques n’ont suffi Ă  relancer la machine du crĂ©dit. « En rĂ©alitĂ©, le resserrement du crĂ©dit par les banques n’est pas liĂ© Ă  un problĂšme de liquiditĂ©, mais Ă  une aversion au risque face Ă  la fragilitĂ© des entreprises et Ă  la morositĂ© de la conjoncture », explique un analyste financier. Qu’à cela ne tienne, en dĂ©cidant de rĂ©duire le taux directeur, Bank Al-Maghrib juge important de prĂ©server les marges bancaires. Ce cadeau est concĂ©dĂ© aux banques pour les aider Ă  contrecarrer la situation tendue sur le marchĂ© monĂ©taire, les inciter Ă  rĂ©duire leur coĂ»t de refinancement et surtout Ă  en faire profiter leur clientĂšle. Mais Ă  ce jour, ce processus vertueux tarde Ă  s’enclencher. La production de crĂ©dit Ă©volue timidement, les taux d’intĂ©rĂȘt affichent une rĂ©sistance Ă  la baisse. Quant au marchĂ© interbancaire, il persiste dans une situation de sous-liquiditĂ© qui devient structurelle. Celle-ci s’est mĂȘme aggravĂ©e depuis le dĂ©but de l’annĂ©e. En cinq mois, le dĂ©ficit de liquiditĂ©s a atteint le niveau jamais Ă©galĂ© de 60 milliards de dirhams.

Alors, au-delĂ  des actions disparates pour tenter de moderniser l’économie, le ministĂšre des Finances, BAM, le GPBM et la ConfĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale des entreprises marocaines gagneraient Ă  coordonner leurs stratĂ©gies pour accĂ©lĂ©rer le rythme des rĂ©formes et Ă©viter les effets pervers, comme l’hĂ©morragie des capitaux hors du circuit bancaire observĂ©e ces derniers mois.

Mouna Kably

Nouvel emprunt international avant fin 2012

 

En plus de l’extrĂȘme prudence des banques face Ă  la montĂ©e du risque et des crĂ©ances en souffrance, la situation de sous-liquiditĂ© est aussi liĂ©e au creusement du dĂ©ficit commercial, au recul des transferts MRE et Ă  la chute des recettes touristiques. D’oĂč la dĂ©tĂ©rioration des avoirs extĂ©rieurs nets de BAM. Cette sous-liquiditĂ© persistante incite les banques Ă  recourir massivement aux avances hebdomadaires, et plus accessoirement aux pensions Ă  trois mois. Les avances Ă  sept jours ont totalisĂ© en moyenne 40 milliards de dirhams en avril 2012, contre une moyenne de 31 milliards de dirhams entre janvier et mars. Quant aux avances Ă  trois mois, elles ont atteint 15 milliards de dirhams.

« Attention, il ne faut pas faire d’amalgame entre ce qui se passe en Europe et au Maroc », tempĂšre un observateur. La crise de liquiditĂ©s dans la zone UE est liĂ©e Ă  la perte de confiance des banques entre elles. « C’est le seul phĂ©nomĂšne qui peut briser tout Ă©change sur le marchĂ© interbancaire. Au Maroc, ce n’est pas le cas », soutient-il.

Contrairement Ă  ses pays partenaires, le Maroc est, lui, en situation de « sous-liquiditĂ©s ». Mais le phĂ©nomĂšne date de 2007 et devient structurel. La dĂ©tĂ©rioration de la compĂ©titivitĂ© de l’offre exportable y est pour beaucoup. Pour attĂ©nuer cette tension sur les liquiditĂ©s, BAM a dĂ» procĂ©der progressivement Ă  un revirement stratĂ©gique. « Alors que son rĂŽle premier est de veiller Ă  la stabilitĂ© des prix, aujourd’hui, elle soutient en prioritĂ© le systĂšme bancaire », est-il relevĂ©. Tant que l’inflation demeure modeste et que le systĂšme de compensation des produits de base permet de neutraliser la flambĂ©e des cours mondiaux, ce changement de cap de BAM n’aura pas d’impact nĂ©faste sur l’économie rĂ©elle. A noter qu’il existe un autre moyen de desserrer l’étau : sortir sur le marchĂ© international. Salaheddine Mezouar avait initiĂ© une levĂ©e de fonds de 1 milliard d’euros (11 milliards de dirhams) en 2010. Une bouffĂ©e d’oxygĂšne qui a permis de booster, temporairement, les avoirs en devises. En 2011, aucun emprunt international n’a pu ĂȘtre lancĂ© du fait de la crise de la dette souveraine dans la zone UE. Mais en 2012, les autoritĂ©s monĂ©taires n’écartent pas l’éventualitĂ© d’une nouvelle sortie. Le Maroc aurait mĂȘme entamĂ© des nĂ©gociations avec des intervenants Ă©trangers pour lever des fonds Ă  des conditions intĂ©ressantes avant fin 2012.

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