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Nador West Med  Black-out total sur le projet
actuel n°142, vendredi 18 mai 2012
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Quelle sera la vocation exacte du port Nador West Med ? Quand sera-t-il opérationnel et quel en sera le coût ? Trois ans aprÚs son annonce, le projet est toujours qualifié par les responsables de « trÚs sensible », et suscite de multiples interrogations malgré les assurances de Rebbah.


En juillet 2009, quatre ministres du gouvernement El Fassi (Amina Benkhadra, Karim Ghellab, Salaheddine Mezouar et Ahmed RĂ©da Chami) se sont relayĂ©s pour fournir, avec force dĂ©tails, des explications sur le mĂ©gaprojet de plateforme portuaire dĂ©signĂ© sous le nom de Nador West Med (NWM). TrĂšs ambitieuse, l’idĂ©e, comme annoncĂ©e initialement, visait Ă  crĂ©er une plateforme Ă©nergĂ©tique ayant le statut de zone franche pour le transbordement des cargaisons en provenance des diffĂ©rentes raffineries mondiales. A l’image de son aĂźnĂ© Tanger Med, mais en plus grand, ce complexe, prĂ©vu sur un domaine foncier de 850 ha, sur la baie de Betoya (Ă  l’ouest de Nador et limitĂ©e Ă  l’est par le cap des Trois Fourches), Ă©tait prĂ©sentĂ© comme un gigantesque port de transbordement, avec une forte vocation pĂ©troliĂšre. L’objectif Ă©tant de mettre en place une mĂ©ga-plateforme de stockage de produits pĂ©troliers pour approvisionner non seulement le Maroc mais aussi des pays de la rĂ©gion mĂ©diterranĂ©enne. Ainsi, au lieu d’acheminer directement leurs cargaisons vers les pays clients, les opĂ©rateurs et fournisseurs pĂ©troliers mondiaux viendraient stocker en grands volumes Ă  Nador, avant l’approvisionnement par des navires de moindre capacitĂ©. C’est dire l’immense espoir suscitĂ© par l’annonce de ce projet qui promettait un dĂ©senclavement Ă  grande Ă©chelle pour la rĂ©gion avec des liaisons routiĂšres et autoroutiĂšres amĂ©liorĂ©es et, par consĂ©quent, une ouverture plus importante sur l’économie nationale et mĂ©diterranĂ©enne. Sauf que ce projet, annoncĂ© en grande pompe en juillet 2009, est rentrĂ© ensuite dans une longue pĂ©riode d’hibernation, laissant la porte grande ouverte aux supputations sur son maintien et surtout sur sa faisabilitĂ© et sa vocation exacte. Pire, on a mĂȘme, Ă  un certain moment, Ă©voquĂ© un Ă©ventuel arrĂȘt du projet. D’autant que certains observateurs, dont des experts maritimes et portuaires, ont, au moment mĂȘme de sa prĂ©sentation, Ă©mis des rĂ©serves sur la faisabilitĂ© compte tenu de « lacunes contenues dans la conception du projet », et surtout du manque de visibilitĂ© sur la vocation finale du port. S’agit-il toujours d’un port Ă©nergĂ©tique maintenant que Jorf Lasfar est retenu pour abriter le hub Ă©nergĂ©tique, ou  va-t-on le rĂ©orienter vers le transbordement de conteneurs ? Autant de questions qui restent, pour l’heure, sans rĂ©ponse. « C’est un dossier sensible et aucune communication ne peut ĂȘtre faite tant que l’étude lancĂ©e par l’Agence nationale des ports (ANP) n’est pas encore bouclĂ©e », nous confie une source proche du dossier au ministĂšre de l’Equipement et du Transport. A l’ANP, c’est le black-out total, aucune rĂ©ponse n’est donnĂ©e aux multiples sollicitations d’actuel. Ce n’est qu’à travers la rĂ©ponse de Aziz Rebbah, Ă  une question Ă  la Chambre des Conseillers, la semaine derniĂšre, que l’on saura que le projet est toujours Ă  l’ordre du jour. Mais, il n’a pas beaucoup avancĂ© et est encore Ă  l’étude. Le projet aura, en effet, demandĂ© plus d’études que prĂ©vu. Et pour cause, les premiĂšres Ă©tudes sismiques et environnementales avaient Ă©tĂ© jugĂ©es incomplĂštes, comme l’avaient d’ailleurs martelĂ©, Ă  plusieurs reprises, des experts maritimes et portuaires. En septembre 2010, la dĂ©cision a donc Ă©tĂ© prise d’approfondir les Ă©tudes pour combler cette lacune. Et ce n’est que trois ans aprĂšs l’annonce du projet que les Ă©tudes techniques ont Ă©tĂ© bouclĂ©es.

Le ministre de l’Equipement et du Transport a prĂ©cisĂ©, dans sa rĂ©ponse Ă  la Chambre des conseillers, que ces Ă©tudes portent sur la conception de l’enceinte portuaire, les conditions naturelles de la rĂ©gion et l’impact du projet sur l’environnement. L’ANP planche toujours sur « des Ă©tudes complĂ©mentaires ». Pourtant, lors de l’annonce du projet en 2009, Karim Ghellab, ex-ministre de l’Equipement, avait affirmĂ© que la premiĂšre phase serait achevĂ©e en 2015.

De son cĂŽtĂ©, l’ANP avait programmĂ©, pour cette annĂ©e-mĂȘme, le lancement des travaux de construction des barriĂšres de protection et d’évidage du bassin du port Nador West Med. Un planning qui doit donc ĂȘtre complĂštement revu, au regard du retard accusĂ© dans l’élaboration des Ă©tudes.

Khadija El Hassani

Trois questions... Ă  Najib Cherfaoui, expert maritime et portuaire

 

actuel. Quelle est votre appréciation du projet ?

Najib Cherfaoui. Ce projet est victime de deux erreurs, liĂ©es Ă  l’ignorance des choses de la mer et Ă  l’absence de culture portuaire chez ceux qui prĂ©sident aux destinĂ©es de ce secteur. D’abord, ces responsables ont oubliĂ© de mesurer l’impact d’un tremblement de terre sur le comportement du systĂšme de stockage. Ensuite, ils ont oubliĂ© de prĂ©voir un dispositif de bouĂ©es pour la rĂ©ception des grands navires. En cas de sĂ©isme, la question est de savoir ce qu’il adviendra des milliers de tonnes d’hydrocarbures emmagasinĂ©s au sol, si les immenses rĂ©servoirs cĂšdent sous les Ă©normes forces gĂ©nĂ©rĂ©es par les secousses similaires Ă  celles d’Al Hoceima en fĂ©vrier 2004.

D’ailleurs, c’est Ă  la suite de cet Ă©vĂ©nement que les responsables du projet Tanger Med, qui n’avaient pas posĂ© le problĂšme sismique, ont rectifiĂ© le tir. D’oĂč l’étude improvisĂ©e en novembre 2004 et finalisĂ©e, plus d’une annĂ©e plus tard, en janvier 2005. Concernant l’accueil des navires gĂ©ants, il doit se faire en mer et il ne faut pas opter pour un bassin abritĂ© par des digues.

 

Quelles sont alors vos suggestions ?

Il convient de retenir un amĂ©nagement portuaire bipolaire, composĂ© d’un couple de bouĂ©es SPM (Single Point Mooring) en offshore pour la rĂ©ception des grands tonnages, et d’un port Ă  usage domestique (10 m de tirant d’eau) sur la frange littorale. Il faut installer deux bouĂ©es ancrĂ©es au large par des profondeurs comprises entre 30 et 50 m.

Ce systĂšme amĂ©liore les capacitĂ©s de transbordement, car chaque bouĂ©e dispose d’un dĂ©bit de 10 000 tonnes/heure. Le Maroc est pionnier dans le domaine de l’accueil des grands bateaux citernes. Il fait partie des premiers pays au monde Ă  avoir installĂ© des sea lines, en 1952, Ă  FĂ©dala (MohammĂ©dia).

 

Quelles sont les précautions à prendre pour garantir la réussite du projet ?

 

J’insiste sur le fait que le flanc ouest du Cap des Trois Fourches est idĂ©al pour l’implantation du projet Nador Med. D’abord cette rĂ©gion est situĂ©e sur la route maritime est-ouest, et c’est la partie de la MĂ©diterranĂ©e la moins gĂȘnĂ©e par le trafic incessant des navires. Ce qui ramĂšne Ă  zĂ©ro les temps de dĂ©viation de navigation. Par ailleurs, la zone d’établissement est totalement protĂ©gĂ©e des houles en provenance de l’est de la MĂ©diterranĂ©e, qui sont les plus dures et les plus menaçantes. Ce qui rĂ©duit les pĂ©riodes d’arrĂȘt de travail.

Propos recueillis par Khadija El Hassani

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