De fortes attentes pĂšsent sur le gouvernement Benkirane. Du fait de lâhĂ©ritage El Fassi et de ses engagements lors du dialogue social du 26 avril 2011, il doit apporter des rĂ©ponses aux grands dossiers, systĂšme de retraite, loi sur le droit Ă la grĂšve, indemnitĂ© liĂ©e Ă la perte dâemploi⊠pour garantir la paix sociale. SacrĂ© challenge !
DâannĂ©e en annĂ©e, la grogne sociale gagne du terrain. En dĂ©pit des promesses gouvernementales (ElâFassi puis Benkirane) et dâaccords avec le patronat, 2011 a Ă©tĂ© une annĂ©e record en matiĂšre de grĂšves. Et 2012 ne sâannonce pas plus calme, au vu des multiples dĂ©brayages qui ont rythmĂ© les premiers mois de lâannĂ©e, et qui se poursuivent toujours dans certains secteurs. Preuve que le climat social ne cesse dâempirerâ: des affaires comme celle de Mornatex, filiale de lâanglais Courtaulds, qui a mis la clĂ© sous le paillasson du jour au lendemain sans se soucier du sort de ses 1â500 ouvriers, ne sont toujours pas rĂ©glĂ©es. Pourtant, les employĂ©s des trois sites fermĂ©s nâont cessĂ© de multiplier les dĂ©marches pour faire entendre leur voix (Parlement, ministĂšre de lâEmploi, ministĂšre de lâIndustrie, âŠ). En vain. Câest aussi le triste vĂ©cu des dizaines dâintĂ©rimaires dont le statut prĂ©caire explique les sit-in Ă rĂ©pĂ©tition. Dernier exemple en date, le personnel intĂ©rimaire des Autoroutes du Maroc (ADM) en grĂšve ouverte depuis des semaines, prĂ©cise Abdellah El Ammari de lâUMT.
Que ce soit pour les intĂ©rimaires ou les salariĂ©s titulaires, les revendications, les mĂȘmes qui reviennent chaque fois, font boule de neige et Ă©largissent jour aprĂšs jour lâĂ©ventail des secteurs touchĂ©s par le malaise social. Câest ce que confirme dâailleurs le rapport du Conseil Ă©conomique et social (CES) sur le climat social. Chiffres Ă lâappui, le document du CES prĂ©cise que, globalement, la premiĂšre Ă©tincelle dans la majeure partie des grĂšves part dâune violation des lois et rĂšglements. Outre le niveau faible des salaires (20,07% des cas), les dĂ©brayages dans les entreprises sont causĂ©s par des insuffisances au niveau des avantages sociaux (13,27%). Viennent ensuite les licenciements abusifs (12,47%), les violations aux dispositions relatives Ă la protection sociale (9,98%) et les atteintes Ă la durĂ©e lĂ©gale du travail (8,05%). A cela, sâajoutent des atteintes aux droits syndicaux (4,42% des cas) et le non-respect des dispositions lĂ©gales en matiĂšre de santĂ© et de sĂ©curitĂ© sur les lieux de travail (2,72%). RĂ©sultatâ: des conflits sociaux en recrudescence, et des dĂ©brayages qui paralysent la machine de production et fragilisent le climat des affaires. Une situation qui a pour corollaire direct de freiner lâĂ©lan dâinvestissement et de menacer la crĂ©ation dâemplois. En 2011, ce sont ainsi prĂšs de 400 conflits et plus de 300â000 jours de travail qui sont perdus dans le secteur privĂ©. Avec tout ce que cela signifie en termes de volume de chiffre dâaffaires, de richesses pour le pays et de salaires Ă©galement perdus par les employĂ©s. Ce qui fait dire Ă Jamal Belahrach, directeur gĂ©nĂ©ral de Manpower Maroc, quâ«âil y a de vĂ©ritables attentes sociales qui ne peuvent venir de lâentreprise. LâEtat doit repenser son modĂšle social pour accompagner ceux qui en ont le plus besoinâ». Selon lui, la seule responsabilitĂ© de lâentreprise est de crĂ©er de la richesse et dâĂȘtre socialement responsable. Mais «âce sont les 45% de notre Ă©conomie informelle qui posent problĂšme sur le plan social, et câest lĂ ou lâEtat doit faire un travailâ». Pour sa part, la CGEM, face Ă la tension sociale grandissante, a initiĂ© un dialogue avec les syndicats pour installer la confiance. Des accords ont ainsi Ă©tĂ© signĂ©s avec les principales centrales syndicales en vue dâinstaurer le dialogue et le recours Ă la mĂ©diation dans la rĂ©solution des conflits sociaux. Mais le gros des attentes qui pĂšsent sur le gouvernement concerne lâassainissement du climat social et le bon fonctionnement de la machine productive. Lors du dernier round du dialogue social, les syndicats ont insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© dâappliquer les dispositions de lâaccord du 26 avril 2011 relatives, entre autres, Ă lâactivation de lâindemnitĂ© pour perte dâemploi et le renforcement des libertĂ©s syndicales, ainsi que la suppression de lâarticle 288 du Code pĂ©nal, qui limite les libertĂ©s syndicales. Cette derniĂšre revendication Ă laquelle sâaccrochent les syndicats devrait, selon eux, ĂȘtre accordĂ©e avant lâadoption de la loi sur la grĂšve. Si certains syndicats sont favorables Ă la rĂ©glementation de la grĂšve, dâautres comme lâUMT sây opposent fermement. Dâailleurs, un mĂ©morandum adressĂ© par le ministre de lâEmploi, Abdelouahad Souhail, Ă lâensemble des centrales syndicales et Ă la CGEM, pour sâenquĂ©rir de leurs observations, est restĂ© sans rĂ©ponse hormis celles de la CGEM. Cette derniĂšre souhaite une rĂ©glementation de ce droit tout en prĂ©cisant, encore une fois, quâune rĂ©glementation nâest pas une limitation de ce droit. Selon le prĂ©sident de la commission Emploi, Jamal Belahrach, il sâagit de fixer les rĂšgles dâexercice de ce droit de grĂšve et de garantir le droit de travailler pour les autres. Mais lâattitude des autres syndicats fait dire au ministre de lâEmploi, invitĂ© derniĂšrement Ă la CFCIM, que «âsi la concertation est souhaitable, le gouvernement a toute latitude pour Ă©laborer un texte et le soumettre au Parlement pour adoptionâ». La messe est diteâ!
Khadija El Hassani |