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Interview :  SaĂŻd Naciri
actuel n°135, vendredi 30 mars 2012
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« Je laisse le cinĂ©ma  d’auteur aux philosophes »

La critique le descend, le web ricane... mais pendant ce temps, Saïd Naciri, humoriste, acteur et réalisateur marocain, cartonne avec son dernier film Un Marocain à Paris.

On peut se tutoyer ? » Si tu veux Saïd. Le comique préféré des Marocains ressemble à ses personnages : un type sympathique et brut de décoffrage. Son dernier film, Un Marocain à Paris, est déjà un succès au Maroc, et ses scènes avec Francis Lalanne en mafieux à l’accent ridicule ou Jean-Pierre Castaldi en papy juif sont déjà cultes sur le web ; la faute à une bande annonce interminable enrichie de répliques consternantes du genre : « Mes hommes sont impulsifs. Et tu sais ce qu’il y a de pire qu’impulsif ? Deux pulsifs. » Le teaser semble annoncer l’un des plus grands navets de la décennie... Mais non. Après visionnage, Un Marocain à Paris, est juste un nanar qui parvient même à faire sourire à deux ou trois reprises. Le personnage du clandestin est presque touchant, l’intrigue correcte et certains gags sont comparables à ceux de, disons, Chouchou. Mais la différence entre un mauvais film de Gad et un film de Saïd Naciri, c’est l’interprétation, la direction d’acteurs, le rythme, le montage... et le budget bien sûr. Au final, on se retrouve avec un film bricolé et terriblement mal joué... qui remplit les salles !

 

Pourquoi une bande annonce aussi lourdingue ?

C’est pas nous ! La bande annonce a été faite par quelqu’un que nous ne connaissons pas, quelqu’un qui a voulu saboter le film.

 

Mais comment s’est-il procuré les images ?

Je ne sais pas. Nous avons envoyé des images par Internet en France auprès des distributeurs et il a dû les récupérer à partir de là. Puis, il a fait un montage très nase avec des rushes non montés. Une bande annonce de cinq minutes, ça n’existe pas !

 

En mĂŞme temps, ce buzz fait parler du film. Il marche, non ?

ça part mieux que Le Clandestin qui avait fait 200 000 entrées. Je crois qu’on arrivera à 250 000 ou 300 000 entrées... On est déjà à 80 000 en quatrième semaine. C’est pas mal avec huit copies. Et avec un film à 90% en français. .

 

Et pourtant, vous vous faites Ă©reinter par la critique...

Je ne sais pas pourquoi. Moi je dis, allez voir le film et donnez votre avis. Une journaliste a même écrit que je ne connaissais pas les comédiens. Ce sont des procès d’intention. Ils disent aussi de mes comédiens qu’ils sont nases comme Danielle Evenou, Jean-Marie Bigard ou Jean-Pierre Castaldi. Comment peut-on dire ça d’un homme comme Castaldi qui a passé la moitié de sa vie dans les théâtres et dans les grands films ? C’est le premier des seconds rôles !

 

Il n’est pas nase, mais il est hasbeen. Comme Francis Lalanne ou Danielle Gilbert. Où êtes-vous allé la chercher celle-là ?

Le problème, c’est que les nouveaux comédiens français ne sont pas connus des Marocains. A part quelques humoristes. Et puis le scénario exige des gens âgés. Si j’avais fait tourner Alain Delon, vous auriez dit que c’était un has-been ?

 

Ce n’est pas le même cachet...

Même Castaldi n’a pas joué avec son vrai cachet. Les Français ont été très généreux.

 

Et la Fouine a vraiment accepté de jouer gratuitement ?

Il n’a rien demandé. Il voulait toucher un public marocain et faire plaisir à ses parents qui sont parmi mes fans ! Et la Fouine, ce n’est pas un ringard, lui. Booder non plus ! Et Julien Courbey, c’est pas un hasbeen ; c’est la nouvelle génération.

 

Julien Courbet ?

Julien Courbey ! C’est lui qui joue David, le fils de Castaldi. Tu le connais non ?

 

Heu... non.

Alors comment veux-tu que les Marocains le connaissent ? (rires)

 

Je dois vivre depuis trop longtemps au Maroc...

Et Jean-Marie Bigard, c’est pas un has-been, il tourne toujours...

 

Avez-vous lu l’interview de Younès Lazrak dans Telquel ? Il vous reproche de prendre les Marocains pour des abrutis. Et sur facebook, il écrit : « Je n'ai pas réussi à avoir le contact de Saïd Naciri pour lui démonter la gueule... »

CarrĂ©ment ! ça c’est de la critique ?  ça ne peut que le discrĂ©diter.

 

En revanche, et là c’est une critique, il vous demande de « laisser les Marocains et leur intelligence tranquille ».

Quand on critique quelque chose, il faut expliquer ce qui n’a pas plu : l’image n’est pas belle, le scénario n’est pas à la hauteur, il n’y a pas d’intrigue. Mais insulter sans dire pourquoi, c’est n’importe quoi.

 

Alors passons à la critique. Au-delà des bugs dans le scénario, et en dépit de certaines qualités, il y a un problème évident dans ce film, c’est qu’il est complètement surjoué par les acteurs. On se croirait dans une sitcom ou pire dans un dessin animé !

 

On ne peut pas faire de comédie sans exagérer.

 

Woody Allen le fait...

C’est autre chose, ça n’a rien à voir. Si je fais une comédie noire à la Woody Allen, je n’aurai personne dans la salle. Quand on fait un film populaire, on veut des entrées. Si j’avais fait un film d’auteur, on pourrait parler de l’exagération du jeu. Au Maroc, quand on fait un film d’auteur, on joue à la française ! Mais ce n’est pas la réalité des Marocains. Nous sommes vivants, nous parlons avec beaucoup de gestuelle.

 

La recette pour faire des recettes, c’est daq ou dahk ?

Oui... non c’est une comédie d’action. Ce n’est pas un film de festival...

 

C’est un film pour gagner de l’argent ?

Non, pour gagner de l’argent avec un film au Maroc, il faut faire au moins un million d’entrées. Même avec 300 000 entrées, je fais 4 millions de dirhams : une fois payé le distributeur et les salles, après avoir reçu une misère du CCM, il me reste 800 000 dirhams, ce n’est même pas le cachet des artistes.

 

Pourquoi faire des films alors ?

On le fait par amour du cinéma. Il y a même des gens qui y laissent leur peau. C’est ce que les journalistes doivent comprendre. Au lieu de nous critiquer, qu’ils nous écrivent de bons scénarios qui ramènent du monde et de l’argent. C’est facile d’être dans son fauteuil et de critiquer. En plus on a besoin de ce genre de films pour faire tourner les salles. Il y a eu 23 films marocains présentés au Festival de Tanger. Il n’y en a pas beaucoup qui ont tenu quatre semaines. S’il n’y a pas de films comme Un Marocain à Paris, les salles vont fermer !

 

Mais pourquoi réalisez-vous ? Vous pourriez vous contenter d’être acteur...

Je réalise des films car, à part Abderrahman Tazi et A la recherche du mari de ma femme, il n’y a pas beaucoup de réalisateurs qui font des films comiques. Résultat, les familles ne vont plus au cinéma car ils ne veulent pas voir des scènes trop osées.

 

Vous faites de l’art propre alors ?

J’ai aussi montré des choses osées, j’ai sorti un sketch sur le préservatif dès 1994. J’ai parlé de prostitution ou de sado-masochisme dans le film. Je ne tiens pas à montrer des gens nus pour prouver qu’on est un peuple libre. Je ne vais pas rentrer dans le piège de Younès et de ses semblables sur facebook qui veulent changer le Maroc à toute vitesse. On ne peut pas le changer de cette façon. Mes films font toujours les meilleures entrées. Est-ce que mes spectateurs sont des cons ?

 

Dans un autre registre, Casanegra a aussi cartonné...

Qu’est-ce qu’il a fait ? 250 000 entrées, c’est tout. Bandits a fait 1 200 000 entrées. 8 millions de personnes l’on vu sur 2M. Cela fait-il huit millions d’idiots ? Moi je veux faire du cinéma populaire. Je laisse le cinéma d’auteur aux philosophes.

Propos recueillis par Eric Le Braz

 

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