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Art : Les expositions de la rentrĂ©e  
actuel n°164/165, jeudi 18 octobre 2012
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Les galeries marocaines ouvrent cette nouvelle saison en mélangeant publics, registres et en créant des émules. Minimalisme, réalisme, fantasmes, couleurs ou vision intello de la société, autant de réflexions sur le monde de l’art… L’automne s’annonce rebondissant. Les formes se font et se défont sous les doigts et le regard des artistes. Petit tour dans les expositions du moment !

 

Amparo Sard, un mastodonte Ă  la Galerie 38

Elle traverse les espaces, la matière, en toute lĂ©gèretĂ© mais non sans virtuositĂ©. Mastodonte de la rentrĂ©e, Amparo Sard ouvre la saison artistique en douceur, sans faire de bruit, fait glisser sur du papier immaculĂ© ses personnages lunaires, ses femmes difformes, ses formes gĂ©nĂ©reuses. Un travail original et sensible qui interpelle. Plus que le rĂ©sultat final, c’est l’ensemble du processus qui relève la particularitĂ© de sa crĂ©ation artistique. Un travail qui ne doit rien au hasard mais tout Ă  une technique singulière. L’artiste dessine en piquant le papier, en pointillĂ© comme cela se faisait dans les temps anciens, avant l’invention du trait. Elle raconte des histoires, avec beaucoup d’humour, introduit des idĂ©es fortes. Eprise de critique sociale, elle s’amuse Ă  coudre un bras, traĂ®ne par terre sa propre silhouette. Elle esquisse en crĂ©ant le vide, mord dans son support. C’est dans ce paradoxe qu’évolue l’œuvre d’Amparo Sard. Parfois, elle ouvre des plaies dans la page blanche qui libère des histoires, des personnages fĂ©eriques et offre des effets visuels remarquables. Sa galaxie est blanche. Sans couleur elle redessine le monde.

A.G.K.

Galerie 38. Casablanca. Jusqu’au 16 novembre.

 

Les entĂŞtantes lettres Ă  en-tĂŞte de Zakaria Ramhani

Il n’en fait qu’à sa tête pour nous en mettre plein la vue. Il se peint pour se dépeindre. Expert en autoportrait et serial portraitiste, Zakaria Ramhani trace des visages avec des lettres.

Sa technique calligraphique où la lettre arabe est l’équivalent du point chez les pointillistes, ou de la tache chez les impressionnistes, donne des tableaux terriblement grouillants. Brrr !

Quand il s’attaque à une icône comme ce Kadhafi monumental, sa peinture scripturale évoque, dès qu’on l’approche, un tyran rongé de l’intérieur. Il a choisi une image emblématique déchirée, inachevée.... Mais c’est un trompe-l’œil. Il lacère le tableau pour mieux mettre en joue le tyran, comme s’il pointait trois armes blanches pour lui faire rendre gorge.

Aux côtés de Moubarak, son Mouammar forme un diptyque baptisé The last poster. Il ne manque que Ben Ali pour le triptyque, mais Zakaria Ramhani ne le trouvait pas assez charismatique. Et toc !

E.L.B.

Atelier 21. Casablanca.  Jusqu’au 2 novembre.

 

Aller Ă  Marrakech pour voir Tanger

Il photographie Tanger avec des regards si différents qu’on a du mal à croire qu’il s’agit du même photographe ou de la même ville. Daniel Aron redessine la ville du détroit ou alors, lui rend seulement ce qui lui appartient, c’est-à-dire sa diversité. Lorsque l’on croit comprendre ce qu’il raconte à travers ses clichés, on se rend compte que l’on n'a rien compris et que le sujet est ailleurs ! Les lectures de ses photographies sont multiples et c’est justement ça qui est intéressant. Le regard aiguisé, Aron monte sur les toits, observe la ville et nous la livre avec toutes ses aspérités. D’autres fois, le photographe, tel un conteur, raconte dans le détail les ruelles de Tanger, la pierre, la terre, les façades, les intérieurs... Lorsqu’une fenêtre est ouverte, on croit sentir la caresse de la brise sur sa joue.

Rien n’est statique. Et lorsqu’on l’accompagne dans les hauteurs de la ville, on y voit un condensé d’histoire. Alors, si vous passez à Marrakech, faites-y une pause pour voir… Tanger !

« Tangers », une exposition en quatre parties : Les rochers en noir et blanc, les intérieurs simples, les terrasses et les pensions.

A.G.K.

Galerie 127. Marrakech. Jusqu’au 27 novembre.

 

Comme du Pop Corn !

Ça sautille, gigote et bouillonne de toutes parts. Les œuvres de Monia Abdelali font corps avec leur auteure. Extravagante, déjantée et tellement singulière, la dernière expo de cette artiste, qui a fait ses armes dans des ateliers d’illustration à Tampa en Floride, exhibe autant de punch que celle de 2009, baptisée « African Dream » et abritée par la même galerie. Qualifier les artistes exposés à la galerie Shart d’atypiques est un pléonasme. Mais Mounia Abdelali dépasse de loin toutes nos espérances. Son bouillon de personnages, servi par des couleurs jubilatoires, des postures incandescentes, des mouvements jouissifs, fraye allègrement avec le conformisme, la provocation et la dénonciation. Elle est l’une, pour ne pas dire la seule artiste arabe à percer dans le style de Jean-Michel Basquiat. Le pop art de Monia s’appelle cette fois-ci « Pop Corn ». « Lorsque je peins des personnages, je leur rajoute plein d’idées qui m’assomment tout à la fois… ça donne une poêle », rétorque d’emblée l’artiste au téléphone, échappant difficilement aux bruits du train qui l’extirpe d’Inezgane pour la ramener à la métropole, le temps d’une expo. Celle-ci, à l’image de Moudawana, une de ses anciennes œuvres, sonne le glas de l’ire à fleur d’âme de Monia quant à la condition de la femme arabe d’aujourd’hui. S’en imprégner absolument.

A.C.B.

Galerie Shart. Casablanca. Jusqu’au 17 novembre.

 

Est-ce qu’un globe rentre dans un cube ?

Avec Open Studio-work in progress, Mohamed Arejdal nous propose une incursion improvisée dans les backstages chaotiques du monde, muni de sa mémoire personnelle comme unique boussole. Open Studio-work in progress est le résultat d’un long travail sur soi, l’artiste y confronte sa vision des différentes postures qu'adopte le monde actuel, jouant ainsi avec la formule local/global. Dans cette exposition qui n’en est pas une – c’est plutôt une première phase d’exposition –, l’artiste a tenu à ce que son travail reste en suspens, toujours ouvert à de nouvelles possibilités. « Chaque œuvre ou projet a un aspect visuel particulier et une perspective conceptuelle qui va évoluer, avec le temps, dans mon parcours de recherche », explique Mohamed Arejdal.

Avec Crank (manivelle), l’artiste pose les bases d’un essai (sculptural) sur la représentation du pouvoir et de la famine. Il s’agit d’un globe terrestre géant, inspiré d’un moulin traditionnel. La partie supérieure est en mouvement, elle représente le Nord tout puissant, qui empiète sur un Sud stagnant (ou qu’on cherche à maintenir inactif), représenté par la base fixe du globe. La carte de Crank est volontairement disproportionnée, elle se superpose à l’image que l’artiste a du monde. Un monde où les uns s’empiffrent et les autres crèvent de faim. Aujourd’hui et plus que jamais, certains charognards politiques légifèrent sur tout et n’importe quoi, au nom de l’islam. Mohamed Arejdal fait un focus sur ce phénomène grandissant au Maroc dans sa projection Greenislam, une étoile verte bricolée à l’aide d’un triangle de pré-signalisation… Cela dit, est-ce qu’un globe rentre dans un cube ? La réponse, on la connaît, mais on vous laisse la découvrir par vous-mêmes. http://www.lecube-art.com/

K.O.

Le Cube-independant art room. Rabat.

Jusqu’au 22 octobre.

 

Melehi se renouvelle

Vagues pour certains, ondes contradictoires, abstraites, libératrices et fascinantes pour d’autres, ou encore courbes féminines… les rondeurs de Melehi se renouvellent pour étonner, interroger, puis provoquer, mais ne se départissent pas de leur composition géométrique, ni de leur obsessionnelle répétition… Jusqu’à la rédemption, pourrait-on croire. Jusqu’à créer l’illusion spatiale, diraient les critiques d’art contemporain. Dans la contemporanéité de l’art pictural marocain, Melehi est considéré (doit-on le rappeler ?) comme un pionnier, une référence historique et théorique incontournable, qui a contribué à lui attribuer une identité propre. D’ailleurs, Toni Maraini situe Mohamed Melehi « dans un double mouvement de ressourcement et de modernité, [...] dans un itinéraire de recherche – tenace et original – et une action plastique de portée décisive pour l'histoire de la peinture contemporaine au Maroc ». Ce que Pierre Restany appelle un processus de « transhumance ». Les forces, les couleurs vives et franches de l’artiste contrastent avec l’espace épuré de la Galerie Loft, auquel Melehi revient trois années après son expo « Itinéraires ». Elles illuminent de plaisir, de sérénité, emportant le spectateur dans leur mouvement infini, résolument fidèle à l’esprit Melehi malgré les années qui passent, en dégageant une érotique éthérée, presque spiritualisée.

A.C.B.

Galerie Loft. Casablanca. Jusqu’au 15 novembre.

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