EditoNouvelle GénérationDossierEconomiePolitiqueSociétéTendances & CulturePortraitBdVDiaporamaArchives
 
Follow actuel_maroc on Twitter
Follow actuel_maroc on Twitter
Mounir Fatmi : Â« J’ai un cĂ´tĂ© très pasolinien »
Actuel n°63, samedi 2 octobre 2010
| More

Les œuvres de ce Tangérois drôle et provoc’ sont exposées en ce moment à Moscou, Bâle, Amsterdam et Paris. Et du 9 au 11 octobre au Marrakech Art Fair.

***

« Mon père a perdu toutes ses dents, je peux enfin le mordre. » C’est sur cette phrase que s’ouvre le site de l’un des artistes marocains les plus cotĂ©s du moment. Une dĂ©claration Ă  l’image de ses Ĺ“uvres : cynique et dĂ©licieusement vraie. Mounir Fatmi  n’est pas lĂ  pour plaire ou pour dĂ©plaire, mais pour rĂ©aliser une « inception Ă©veillĂ©e » de nos esprits : libĂ©rez-vous, c’est la seule issue. Une prise de position sans Ă©quivoque qui lui a tout de mĂŞme valu quelques tracas, lors de la biennale de Venise il y a de cela un an. Vous pensez que ça l’a empĂŞchĂ© de recommencer ?

 

Qu’est-ce que ça fait de compter parmi les jeunes artistes les plus en vogue du moment ?

Cela ne m’empêche pas de dormir. Je pense que c’est une nouvelle manière de voir l’artiste. C’est la société du spectacle. Nous sommes entrés dans « le temps spectaculaire » comme l’a bien expliqué Guy Debord. « Etre en vogue », c’est dangereux, cela veut dire faire partie d’une mode, et je déteste l’idée que mon travail soit une mode. Il ne faut pas oublier que la mode change chaque saison, mais l’art peut durer des siècles. Maintenant je vais passer pour un prétentieux mais ce n’est pas grave, je préfère être prétentieux qu’être en vogue.

Vous êtes plus connu à l’extérieur que chez vous (au Maroc) comment l’expliquez-vous ?

En 1999, sur le plateau de télévision de France 2 dans l’émission « Le cercle de minuit », Philippe Lefait m’a présenté comme le jeune artiste le plus connu au Maroc, chose que j’ai démentie évidemment et sans fausse modestie en lui expliquant qu’il y avait peut-être trois ou quatre personnes au Maroc qui connaissaient mon travail. En général, on ne s’intéresse pas vraiment aux artistes plasticiens. Le seul moment où j’ai senti un réel intérêt du public marocain pour mon travail, c’est quand mes œuvres ont fait des scores dans les maisons de vente Sotheby’s et Christie’s. Encore une fois, c’est la société du spectacle. C’est le record qui intéresse les gens, plus que le sens du combat, l’engagement ou même les propositions esthétiques.

Vous semblez aimer donner une image cynique de vous, pourquoi ?

Qu’est ce que je peux répondre à ça ? Je ne sais pas. Allez, un petit retour dans le dictionnaire : « Le cynisme était une attitude face à la vie provenant d’une école philosophique de la Grèce antique. Cette école a tenté un renversement des valeurs dominantes du moment, enseignant la désinvolture et l’humilité aux grands et aux puissants de la Grèce antique. » Je pense surtout que je suis très réaliste. Je n’aime pas l’idée de montrer une fausse image de bonheur. Je suis ce que j’ai réussi à faire de moi-même et puis je ne me plains pas, le mal est contemporain. Oui, ça c’est un peu cynique, je l’avoue.

Mis à part la censure qu’est-ce qui vous interpelle le plus ?

Tout, vraiment tout. J’ai toujours Ă©tĂ© curieux de nature. Le lien entre les choses me fascine. Un livre, n’importe quel livre a un lien direct avec un arbre, avec une pensĂ©e, avec des racines, de l’encre, les machines qui l’impriment, les gens qui le lisent, etc. Je trouve tout ça fascinant. Quant Ă  la censure, elle fait partie de l’échiquier, du jeu. Moi, je fais mon travail et les censeurs font le leur, mais je refuse catĂ©goriquement de faire le travail Ă  leur place et de me censurer moi-mĂŞme. J’ai mĂŞme crĂ©Ă© en 2003 une vidĂ©o sous le titre Les ciseaux en rĂ©fĂ©rence Ă  la censure. Il ne faut pas oublier que la censure fonctionne comme un baromètre de l’évolution d’une sociĂ©tĂ©. C’est facile de dire qu’on est libre quand on n’expĂ©rimente pas cette libertĂ©.

Vous avez une aversion pour la bourgeoisie on dirait, ce sont pourtant des bourgeois qui achètent vos œuvres. Qu’en pensez-vous ?

Je n’ai aucune aversion pour la bourgeoisie. Mais c’est vrai que j’ai un cĂ´tĂ© très pasolinien. La bourgeoisie ne me fascine pas. L’évolution et le changement de la sociĂ©tĂ© marocaine viendront des gens du peuple, et non pas de la bourgeoisie qui a toujours su profiter du système sans aucune envie de changement. Puis, concernant mes Ĺ“uvres, je ne suis pas obligĂ© d’être d’accord avec chaque personne qui les achète. Vous savez, je travaille avec huit galeries qui vendent mes Ĺ“uvres un peu partout dans le monde, il y a peut ĂŞtre des serial killers parmi mes collectionneurs, cela ne m’oblige pas Ă  accepter leurs crimes…

Faut-il vous classer parmi les génies torturés ou les génies tortueux ?

Sérieusement, je n’accepte aucun classement, mais le public est libre de penser ce qu’il veut. Quand j’ai commencé mes recherches sur la vidéo, la musique expérimentale et les installations, la plupart des critiques et artistes marocains s’accrochaient à la peinture, justement pour plaire à une certaine bourgeoisie qui ne tolérait pas l’idée du changement. Je ne fais pas ce métier pour plaire. J’ai compris très tôt que le monde moderne et contemporain fonctionne comme un train qu’il faut prendre en marche. Mais je ne me suis jamais contenté de rester dans le dernier wagon. Donc, pour répondre à votre question, je ne crois pas au génie torturé, ni tortueux ; c’est moi qui ai choisi ce métier et j’essaie de le faire le plus honnêtement possible. J’ai horreur des citations mais j’aimerais bien terminer par cette phrase de Pasolini : « Je me suis toujours conduit le plus mal possible, c’est-à-dire comme je voulais. »

Vous allez participer à la première foire marocaine d’art contemporain et moderne ? Qu’est-ce qui va s’y passer selon vous ?

Je ne sais pas, ce sont mes galeristes qui s’occupent de cette partie du travail. C’est très rare que je me dĂ©place pour une foire, je prĂ©fère voir les Ĺ“uvres dans les galeries ou les musĂ©es, elles sont toujours mieux prĂ©sentĂ©es dans des espaces plus grands. Un ami m’a dit un jour : « Une foire d’art c’est comme la chambre des parents, on sait ce qu’il s’y passe, mais on n’a pas trop envie de rentrer voir. » Bon, j’espère que cela fera le bonheur des collectionneurs et que le public marocain pourra lui aussi en profiter. MĂŞme si le Palace Es Saadi n’est pas accessible Ă  tout le monde…

Propos recueillis par Sabel Da Costa

| More
Archives Tendances & Culture
N°173 : Tinghir-JĂ©rusalem fait tourner Kamal Hachkar 
N°172 : Entretien avec Monica Bellucci 
N°171 : Les Ă©toiles filantes du FIFM 
N°170 : Projetons-nous au Cube 
actuel N°169 : Les filles de Lalla Mennana : Un théâtre fĂ©ministe 
N°168 : Interview : mounir fatmi  
N°167 : Caravanserail : Le Maroc Ă  la conquĂŞte de l’Ouest  
N°166 : NumĂ©risation : Nouvelle menace sur les salles de cinĂ©ma  
N°164/165 : Art : Les expositions de la rentrĂ©e  
N°163 : Beuys Ici, l’exposition de l’automne 
N°162 : Prix de la Mamounia : Le sacre de l’instit'  
N°161 : Le Louvre 12 siècles des arts de l’Islam vous contemplent 
N°160 : 3adnane 7aqoun, un crĂ©ateur presque artiste 
N°159 : CinĂ©ma Les frères Noury font leur comĂ©die  
N°158 : Entretien avec Hicham Bahou 
N°157 : Espèces d’espace 
N°154 : Regarder La Brigade avec Adil Fadili  
N°153 : Bouanani rĂ©Ă©ditĂ© en France et au Maroc 
N°152 : RĂ©cit : On n’a pas fini de rĂ©Ă©crire l’histoire 
N°151 : Interview Mehdi Qotbi : « Un grand musĂ©e Ă  Casa d'ici 4 ans 
N°150 : Concerts : Des nuits d’ivresse spirituelle  
N°149 : Timitar : Le festival amazigh qui ne dit pas son nom  
N°148 : Gnaoua : Un festival de musique et d’histoire  
N°147 : Tatouages : Le langage des signes  
N°146 : Festival MDR 2012 : On se marre Ă  Kech 
N°145 : Exposition : Dans l’intimitĂ© du musĂ©e Slaoui  
N°144 : Mawazine Clap de fin 
N°143 : En avant Mawazine 
N°142 : Exposition : Villes paysages
N°141 : Interview :  Scorpions
N°140 : Les festivals Ă  l’ère du PJD 
N°139 : Le Grand théâtre de Casablanca : Vivement 2016 !
N°138 : Le film noir d’Anouar 
N°137 : Subjectivisme:  Croutes en stock
N°136 : ItinĂ©raire d’un Cheb singulier 
N°135 : Interview :  SaĂŻd Naciri
N°134 : Cirque   Les saltimbanques ensoleillĂ©s
N°133 : Yamou  Des Ĺ“uvres puissantes, tout en dĂ©licatesse
N°132 : CinĂ©ma cherche monteur dĂ©sespĂ©rĂ©ment 
N°131 : Le vent du nord souffle sur la peinture
N°130 : Carson Chan Â«â€‰Mettre en avant la diversitĂ© des expressions »
N°129 : Casa by night   avec Beigbeder
N°128 : Siel :   enfin la rĂ©conciliation !
N°127 : Oum  La chanteuse qui transcende les genres
N°126 : Les violons dingues,   de Younes Khourassani
N°125 : MĂ©garama   Grandeur et dĂ©cadence
N°124 : Le site archĂ©ologique de Mzora,  cherche protecteurs
N°123 : Le malhoun,  ce chant ancien si moderne
N° 122 : Biyouna,   nĂ©e star
N°121 : Le FIFM poursuit sa quĂŞte identitaire 
N° 120 : FIFM,   entre Ă©vĂ©nementiel et cinĂ©ma
N°119 : FIFM :   des premiers films Ă  l’honneur
N°118 : Hamidi, artiste bohème 
N°117 : Leftah :   ils sont tous contre la censure
N°116 : Droits d’auteur :   le rendez-vous manquĂ© du BMDA
N°115 : La source des femmes :   source de…
N°114 : RĂ©compense  La saga des prix littĂ©raires
N°113 : Exposition  Deuxième regard  ou l’expĂ©rience du troisième Ĺ“il
N°112 : CinĂ©ma  La dernière sĂ©ance
N°111 : La scène artistique arabe  ou l’esthĂ©tique de la violence
N°110 : HD Un paquebot pour l’art Ă  Anfa
N° 109 : La politique de la chaise… rouge 
N°108 : Farid Mayara, le jazz sans limites  
N°107 : Hommage Le destin de la perle noire  
N° 106 : Jawhara : wakha  
N° 104/105 : Interview Amazigh Kateb  
N° 104/105 : Lumineuse Dar BeĂŻda 
N°103 : Droits d’auteur Quand la musique est bonne 
actuel 102 : Tout l’art de Timitar 
actuel 101 : Festival Essaouira Back to basics  
N°100 : Championnat du Maroc Junior 2011 by CrĂ©dit Agricole Superbe  
N°99 : Exposition Une grappe de talents  
N° 98 : Tiken Jah Fakoly  Porte-parole du continent noir
N° 97 : Amazing Mawazine 
N° 96 : Festival MDR 2011 : il n’y aura pas que Jamel 
N° 95 : Festimode : Un Ă©vĂ©nement et des talents  
Actuel n°94 : GĂ©nĂ©ration Mawazine : La relève est lĂ  
Actuel n°94 : Mawazine : Nos coups de cĹ“ur  
N°93 : Mawazine, la parole aux artistes 
Actuel n°92 : Ficam : Une ambiance 3D  
Actuel n°91 : L’homme qui aimait une femme 
Actuel n°90 : Mawazine, au(x) ryth me(s) du monde 
Actuel n°89 : Du rire aux larmes 
Actuel n°88 : Nass El Ghiwane : Un groupe, un mythe 
Actuel n°87 : Il Ă©tait une fois Ă  M’Hamid El Ghizlane 
Actuel n°86 : Les coups de cĹ“ur des chasseurs de toiles… 
Actuel n°85 : L’Atelier 21 se paye DubaĂŻ ! 
Actuel n°84 : Casa Riders  Justiciers sur deux-roues !
Actuel n°83 : Ouverture culture Manifestes d’une gĂ©nĂ©ration perdue
Actuel n°82 : Le 17e SIEL  chasse Himmich
Actuel n°81 : Le livre au Maroc Misères et Ă©mergence 
Actuel N°72 :  Pluie de stars sur Marrakech 
Actuel n°69-70 : Tahar Ben Jelloun  « Je suis affreusement professionnel »
Actuel n°68 : Festival d’art culinaire : brie de Fès et tournedos beldi 
Actuel n°67 : Medi 1 TV se dĂ©-chaĂ®ne 
Actuel n°66 : Carla Bruni, Â« glamour mais aseptisĂ©e et muette »
Actuel n°65 : ThĂ©ories du complot : au bonheur des paranos 
Actuel n°64 : Et hop, v’lĂ  l’pop art 
Actuel n°63 : Mounir Fatmi : Â« J’ai un cĂ´tĂ© très pasolinien »
Actuel n°62 : Yamou : Peintre par nature 
Actuel n°61 : Â« Le Maroc s’interdit de penser sans peur Hassan II »  
Actuel n°60 : Des Marocains Ă  New York 
N°59 : J’aurais voulu ĂŞtre...  Ă©crivain !
N°58 : Immigration illĂ©gitime 
N°57 : 24h avec Lee Fields 
N°56 : Hindi Zahra, la Billie Holiday marocaine 
N°55 : Art marocain : de la cote au coĂ»t 
N°54 : Le jour oĂą Benohoud a repris ses pinceaux 
N°53 : France-Espagne Le match culture
N°52 : L’argent fait son cinĂ©ma 
N°51 : Jamel Academy : MDR ! 
N°50 : Carlos Santana "Le succès implique l'hĂ´nnetetĂ©"
N°49 : Elton John bĂ©nit le Maroc 
N°48 : Julio Iglesias Â«â€‰Je ne suis pas un latin lover »
N°47 : Les 7 pĂ©chĂ©s capitaux de...  Jamel Debbouze
N°46 : Moonstock Ă  Lalla Takerkoust 
N°45 : Ben Cheffaj  en impose
N°44 : Jazzablanca,  American Beauty
N°43 : Photo :  la vie quotidienne loin des clichĂ©s
N°42 : Himmich :  le ministre qui se prenait pour un Ă©crivain
N°41 : Yasmina Khadra : Ă  charge et Ă  dĂ©charge
N°40 : Tremplin: 3 Jours, 3 Scènes, 3 Styles
N°39 : Majida Khattari: Niqab ni soumise 
N°38 : L’Orient Music Express un train d'enfer
N°37 : Abdel Alaoui Le chef qui rĂ©veille la cuisine
N°36 : Hicham Oumlil Un Marocain stylĂ© Ă  New York
N°35 : Le SIEL  des Marocains d’ailleurs
N°34 : Merzak Allouache Â« Un film sur le dĂ©sespoir des jeunes »
N°33 : Mahi Bine Bine un Parisien de cĹ“ur
N°32 : Tanger Le cinĂ©ma marocain en fĂŞte
N°31 : Meriem Bouderbala Des femmes et des spectres…
 
 
actuel 2010 Réalisation - xclic
A propos Nous contacter