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Le malhoun, ce chant ancien si moderne
actuel n°123, vendredi 6 janvier 2012
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Sortie de circuit, le nouveau spectacle de Touria Hadraoui, mêle la danse contemporaine au malhoun et au son de la contrebasse, démontrant qu’il existe une infinité de relations entre les différentes disciplines et les univers musicaux. Un spectacle qui permet de voir comment la poésie ancienne continue d’animer les aspirations les plus contemporaines.

 Quel est le lien entre la chanteuse marocaine du malhoun, Touria Hadraoui, le contrebassiste suisse, Jacques Siron, et la danseuse contemporaine française, Geneviève Sorin ? Rien en apparence, si ce n’est que la crĂ©ation n’a pas de limites.

 Les trois artistes ont montĂ© un spectacle oĂą se mĂ©langent l’ancien et le nouveau, les univers musicaux, les disciplines. Un choix qui reflète non seulement la possible conjonction de diffĂ©rents arts, mais aussi la formidable Ă©volution des diffĂ©rentes disciplines de nos jours.

 Sortie de circuit est le nom du spectacle qui associe la chanteuse, le contrebassiste et la danseuse. « C’était une belle expĂ©rience pour moi que de m’approprier l’espace de la scène, de bouger. Ce qui est tout Ă  fait diffĂ©rent de ce que j’ai l’habitude de faire lorsque je chante. Je reste plutĂ´t statique et l’orchestre est derrière moi », confie l’artiste qui vient de rentrer de sa tournĂ©e marseillaise.

 La carrière de la chanteuse a toujours Ă©voluĂ© ainsi en tentant, Ă  chaque fois, de nouvelles expĂ©riences. Dans son dernier album, elle avait dĂ©jĂ  renoncĂ© Ă  l’orchestre traditionnel et s’était permis de chanter avec, pour seul accompagnement, le piano du virtuose Simon Nabatov.

 Quelques annĂ©es plus tĂ´t, dans Arabesques, elle rompt avec la tradition et ose les rythmes africains, en compagnie du groupe guinĂ©en, BotĂ© Percussion. En 2007, loin de se figer dans un style, Touria Hadraoui chante en ouverture du festival Filmmuseum Ă  Amsterdam sur une recomposition pour le cĂ©lèbre film L’Atlantide (film muet français rĂ©alisĂ© par Jacques Feyder en 1921, inspirĂ© du roman Ă©ponyme de Pierre BenoĂ®t).

 

La première femme

Touria Hadraoui voue une véritable passion au malhoun qu’elle assouvit en puisant dans la plus profonde tradition pour laisser libre cours à une interprétation contemporaine. Car il ne faut pas oublier que la chanteuse est la première femme au Maroc à avoir osé chanter le malhoun, cette poésie qui, pendant des siècles, était réservée exclusivement aux hommes.

 Pourtant, l’interprète ne s’en Ă©tonne pas. « Ce patrimoine Ă©tait en moi et je ne me suis jamais posĂ© la question si c’était pour les hommes ou pour les femmes », avoue-t-elle. Cette femme moderne, militante, diplĂ´mĂ©e en philosophie, mystique, Ă©crivaine (Une enfance marocaine, Ă©ditions Le Fennec, 1998), journaliste (pour Kalima de 1986 Ă  1988)… semble avoir trouvĂ© tout ce qu’elle cherchait dans la poĂ©sie. Son univers musical Ă©volue entre malhoun, andaloussi et chant soufi.

 Touria a su faire sortir cette musique ancestrale des musĂ©es, a fouillĂ© dans sa grammaire, questionnĂ© son sens ancien, lui a trouvĂ© une prolongation moderne. Elle nous propose d’ailleurs une nouvelle interprĂ©tation oĂą elle pose une voix grave, une tonalitĂ© basse qui va Ă  l’encontre des voix cristallines auxquelles nous ont tant habituĂ©s les chanteuses de l’andaloussi.

 Mais que va chercher cette femme, pourtant bien ancrĂ©e dans son temps, dans des textes si anciens ? La chanteuse avoue avoir dĂ©couvert « de la modernitĂ© dans les textes anciens. Essayez de lire le malhoun, dit-elle, vous y trouverez un langage très clair, des mots simples et une dimension contemporaine », poursuit-elle.

 C’est peut-ĂŞtre cette modernitĂ© qui a permis au texte de voyager dans le temps et dans l’espace. « Au dĂ©part, c’est ma voix et la mĂ©lodie qui ont sĂ©duit Geneviève et Jacques, et quand je leur ai expliquĂ© la poĂ©sie, ils Ă©taient profondĂ©ment Ă©mus par son contenu. Pour eux, c’était un voyage lointain qui les a amenĂ©s au raffinement du verbe, dans une civilisation qu’ils ne connaissaient pas », raconte l’artiste.

 

Un envoûtement

Il est vrai qu’on ne peut pas rester insensible à ce chant. Même le prix Nobel de littérature, Jean-Marie Gustave Le Clézio, n’a pas échappé à son envoûtement. « Touria, dit-il, interprète des chants qui viennent du plus loin de la poésie amoureuse de la Perse. Je pense que ça s’est diffusé à travers le désert, par les oasis.
 Ils portaient ce message de la vie, de la sensualité dans un monde minéral très dur. »

 Ce chant maghrĂ©bin, qui a connu son âge d’or entre le XVIIIe et le XIXe siècle, vient de ces temps oĂą les poètes Ă©taient encore musiciens, d’oĂą l’appellation malhoun. Ils ont autant chantĂ© le sacrĂ© que le profane, en trois rythmes (haddari : (4/2) ; dridka : (8/6) ; gbahi : (8/5)) et en dix modes pour quelque 5 000 poèmes, dont la majoritĂ© a disparu.

 Aussi, il est important de situer le malhoun dans son temps. Cela permet de le comprendre aujourd’hui. Les chants de la « jalsa » par exemple, rythmĂ©s au pas des caravanes, sont un hymne Ă  la vie. On disait mĂŞme que cela faisait oublier aux chameliers les difficultĂ©s et la chaleur de la route.

 Aujourd’hui, ce sont les pas de la danseuse Geneviève Sorin qui rythment ces chants. « Cela nous a demandĂ© trois mois de prĂ©paration, poursuit la chanteuse. Nous avons travaillĂ© en Ă©troite collaboration chacun ayant apportĂ© une idĂ©e, sa pierre Ă  l’édifice. » Le succès du trio vient du talent de chacun, mais aussi de cette cohabitation. DĂ©cor et scĂ©nographie ont fait l’objet de longues heures d’échange.

 Sortie de circuit Ă©volue entre trio, duos et solos, a capella ou Ă  cordes pincĂ©es, avec ou sans mouvement. Touria Hadraoui y mĂŞle malhoun, andaloussi et soufi. Un rythme et des configurations qui permettent Ă  chaque protagoniste de participer organiquement Ă  l’action. Avec ses chants anciens, Touria Hadraoui continue d’abreuver la scène contemporaine.

Amira-GĂ©hanne Khalfallah

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