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Majida Khattari: Niqab ni soumise 
actuel n°39, samedi 20 mars 2010
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Peintre sans pinceau, Majida Khattari est une photographe orientaliste qui dĂ©tourne les chefs-d’Ɠuvre du passĂ© pour dynamiter le prĂ©sent. Échantillon explosif d’une artiste Ă©lĂ©gamment provocante.

Elle se prĂȘte au jeu avec gentillesse mais on voit bien qu’elle n’aime pas passer de l’autre cĂŽtĂ© de l’objectif. L’une des plus provocatrices des artistes marocaines est confondante de timiditĂ© quand elle doit, Ă  son tour, prendre la pose. La photographe ne serait donc pas Ă  son aise face Ă  l’instrument qu’elle affectionne ? Il ne faut pas se ïŹ er aux apparences. La ïŹlle d’Erfoud qui a grandi Ă  Casablanca, et vit aujourd’hui Ă  Paris, n’est pas une photographe. Mais une peintre.

Majida Khattari a Ă©tudiĂ© la peinture aux Beaux-Arts de Casa et de Paris et n’a jamais tout Ă  fait abandonnĂ© la palette. En prenant des photos, elle peint sans pinceau. Ses prises de vue sont des tableaux saturĂ©s de couleurs franches et chatoyantes. Elle revisite l’orientalisme et se joue des prestigieux modĂšles en modelant d’autres modĂšles, blondes et brunes parisiennes. « Il vaut mieux partir du clichĂ© que d’y arriver. » Le mot est d’Alfred Hitchcock et il prend toute sa saveur quand c’est une peintre-photographe qui l’applique.

Facéties esthétiques

Les clichĂ©s, Majida Khattari les accumule. « J’y vais Ă  fond », rĂ©sume-t-elle en s’amusant de ses facĂ©ties esthĂ©tiques. En s’attaquant au voile, aux kamikazes, au harem
 elle focalise ses objectifs sur le rĂ©pertoire des angoisses et des fantasmes occidentaux autour de l’Orient. L’artiste marocaine dynamite l’amalgame « voile = musulman = terroriste » avec humour et dĂ©rision. Commentaire par l’auteur de la photo choc qui ouvre l’expo ; on y voit une femme martyre qui dĂ©goupille son sac comme une grenade : « On sait que les hommes martyrs sont attendus par des houris au paradis. Mais les femmes, elles ont droit Ă  quoi ? » À un beau sac griffĂ© ? Majida Khattari rĂ©pond par des clins d’Ɠil aux questions impossibles. Mais ce n’est pas une fuite. L’artiste prend position et renvoie dos Ă  dos fĂ©ministes et islamistes. Avec La Favorite, elle utilise une double parodie avec son logo VIP (voile islamique parisien). D’abord, elle dĂ©tourne le travail de Murakimi pour Vuitton. Ensuite, elle revisite une odalisque de Mario Simon.

Échancrer la vision voilĂ©e de l’Occident

Le voile, c’est de la mode ? « C’est une mode. » Une mode que Ni putes ni soumises l’a accusĂ©e de vouloir lancer lorsqu’elle a fait un dĂ©ïŹlĂ© autour du foulard Ă  l’hĂŽtel de la Monnaie en 2008 : « Je leur ai expliquĂ© ma dĂ©marche et ça les a calmĂ©es ». Cette dĂ©marche, c’est bien d’échancrer la vision voilĂ©e de l’Occident sur le monde arabo-musulman justement : « L’inĂ©galitĂ© homme-femme n’est pas un concept musulman, c’est une rĂ©alitĂ© mondiale. Je suis contre l’image qu’on nous renvoie en Occident sur les femmes arabes et musulmanes soumises.

Moi j’ai vĂ©cu ici et j’ai vĂ©cu libre ! » Mais elle ne montre pas non plus ici ce qu’elle ose exposer lĂ  bas : corps nus et burqas mĂȘlĂ©s. Pour l’instant. Car Majida est d’abord une artiste de performances. Son prochain dĂ©ïŹlĂ© sur l’enfermement textile aura lieu Ă  Paris, le 10 avril, en plein dĂ©bat sur le voile intĂ©gral. En attendant Marrakech, cet automne
 Pour dĂ©couvrir d’autres facettes de cette peintre qui se dissimule, poussez la porte du bureau attenant Ă  la salle d’expo. Elle y expose encore, presque cachĂ©s, de petits dessins trĂšs graphiques de niqabs aĂ©rodynamiques. Elle maĂźtrise l’art de la photo, la technique du fusain et la chorĂ©graphie des dĂ©ïŹ lĂ©s
 L’artiste est complĂšte et, Ă  chaque fois, elle parvient Ă  nous surprendre en nous dĂ©voilant une autre planĂšte islamique, ludique et esthĂ©tique.

Eric Le Braz

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