Swel et Imad Noury s’apprêtent à nous présenter une comédie riche en rebondissements. En signant le troisième volet de Fiha lmelha ou soukkar…, les frères reprennent, à leur sauce, un scénario écrit par leur père. Rendez-vous le 19 septembre pour découvrir la comédie de l’année !
La saga Elle est diabétique, hypertendue et elle refuse de crever continue avec un troisième volet signé Swel et Imad Noury. La comédie préférée des Marocains ne s’arrête pas à la double vie que Najib est contraint de mener, ni à la dictature de sa belle-mère. Dès le 19 septembre, nous aurons l’occasion de suivre les aventures de Hajja Fakhita, alias Amina Rachid, plus pimpante et pétulante que jamais. La sexagénaire hystérique, livrée à son sort après le départ de sa fille et de son gendre pour l’Italie, se paie des vacances dans un club 5 étoiles avec, en prime, une amourette avec un dealer de drogue. En arrivant, elle se retrouve nez à nez avec son ennemie numéro un, Leila, campée par Asmaa Khamlichi, elle aussi venue noyer son chagrin dans une piscine olympique, après que Najib l’a larguée comme une vieille chaussette, lui préférant sa femme. De surcroît, l’ex-maîtresse de son gendre a désormais les yeux rivés sur le « prince charmant » de Hajja Fakhita. Et pas que les yeux ! Mais c’est compter sans les plans échafaudés par Fakhita et son chauffeur contre la roturière. Si les personnages n’ont pratiquement pas changé depuis les deux premières parties, celui du chauffeur, habituellement incarné par Benbrahim, est joué par El Bastaoui (en raison des problèmes de santé de Benbrahim), tout aussi juste dans ce rôle.
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Une rentrée chargée en fous rires
En somme, la sauce Noury Brothers a pris, même si à la base, Swel et Imad avaient complètement rompu avec le cinéma de leur père. Fiha lmelha ou soukkar ou ma bghatch tmout 3, filmé comme une bande dessinée, annonce une rentrée cinématographique chargée en fous rires. Et si Hakim Noury a confié la réalisation de la dernière partie de sa trilogie à ses deux fils, il n’en reste pas moins l’un des protagonistes. Nous découvrirons ainsi un Hakim Noury très comique dans le rôle de Kamal himself, le séducteur intéressé que se disputent Hajja Fakhita et Leila. « La présence de mon père dans le casting était une évidence puisqu’il est acteur dans tous nos films », explique Swel. Et Imad d’ajouter, d'un air amusé : « On adore le diriger et je pense que lui aussi adore être mis en scène par nous ! » Hakim Noury est, en effet, à l’origine de l’idée de cette troisième partie. « Nous avions envie de mettre notre savoir-faire au service d’une histoire déjà existante, connue du public. C’est la première fois que l’on réalise un film que je n’ai pas écrit », confie Swel.
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Une comédie pour remplacer une autre
Après The man who sold the world pour lequel le scénariste a dû s’appliquer à adapter le roman de Dostoïevski, il lui était certainement plus aisé de revoir un scénario déjà écrit par son père. Mais pas que cela ! « La tâche a été tout aussi intéressante car j’ai dû confronter un type d’humour que mon père maîtrise – celui de la comédie populaire –, à mon propre humour, plus noir et plus grinçant », rétorque Swel. Un défi qui consiste à « reprendre » le cinéma de leur père, et non une solution de facilité pour surfer sur le succès des deux premières parties. La troisième partie de Fiha lmelha ou soukkar… n’est pas du tout une relecture du style Hakim Noury. C’est une version différente de ce qui a été fait auparavant. « Nous avons un style visuel assez marqué et nous y tenons aussi bien dans nos films que dans nos clips ou nos publicités… », assène Imad.
L’expérience The man who sold the world a été particulièrement lourde à digérer, autant pour le public – qui a adoré, parfois honni, souvent pas compris le film – que pour ses réalisateurs qui y ont laissé une partie d’eux-mêmes. Bien avant sa projection lors de la neuvième édition du Festival international du film de Marrakech, nos « frères Cohen » nationaux avaient déjà dans l’idée de réaliser une comédie, histoire d’évacuer le trop-plein d’émotion laissé par leur second long-métrage et de se ressourcer avec une bonne dose de légèreté. Le passage éclair dans les salles de cinéma de ce film dont le titre est un clin d’œil à Curt Cobain, l’un de leurs chanteurs préférés, n’avait pas découragé les frères décidés à affirmer leur originalité et leur style dans leur pays d’origine. Ils avaient alors présenté un scénario qui, hélas, a été rejeté par la Commission du fonds d’aide. « Je pense que le projet était peut-être un peu trop transgressif pour certains. Une comédie sur le terrorisme n’est pas pour plaire à tout le monde », confie Swel, avec résignation. Scénariste prolifique, il avoue que son bureau est rempli de projets qu’il aspire à concrétiser un jour si les conditions sont réunies.
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Cinéma marocain, un souffle de jeunesse
En attendant, cet élan particulier du jeune cinéma marocain auquel nous assistons ces dernières années ne cessera pas de sitôt de bousculer les codes scénaristiques du septième art, milieu dans lequel ils sont tombés dès leur enfance. Cinéma jeunesse, cinéma underground, cinéma d’auteur... La critique n’y est pas allée de main morte pour parler de Heaven’s Door, leur premier long-métrage dont le titre est aussi une allusion à leur amour pour la musique, et de The man who sold the world, mais elle leur rend, à l’unanimité, un hommage pour leur sens aigu de l’esthétique. « Il nous est impossible de nous défaire de la forme pour raconter le fond », martèle Swel. « Je ne crois pas qu’on appartienne à un cinéma ou à un autre. On fait notre cinéma tel qu’on le sent à chaque étape de notre vie. Il est peut-être jeune parce que nous sommes jeunes, mais on voit davantage le cinéma comme une passion que comme un mouvement. Nous venons de réaliser un film commercial. Si le prochain est de la science-fiction ou un film d’action, comment donc devrait-on qualifier notre cinéma ? Je pense que lorsque nous aurons une lourde filmographie derrière nous, nous pourrons alors tenter de mettre notre cinéma dans une case », exprime Imad. Succédant aux frères Dardenne et Cohen, nos « frères Lumière » ne baissent pas les bras devant les embûches auxquelles se heurtent tous leurs confrères. « Même Chris Nolan doit avoir des frustrations dans ce sens, raille Imad. Blague à part, on souffre énormément pour finir nos films. Et même pour les commencer. Plein de fois, on se jette dans la gueule du loup sans savoir si on va pouvoir assumer l’intégralité des coûts… » Fort heureusement, les frères Noury travaillent en famille. Leur papa joue pour eux et leur maman les produit. Ce qui leur laisse une grande liberté de création et de manœuvre en général. « La preuve, à ce jour, seuls Swel et moi avons vu le film ! », affirme Imad. Leurs projets ? Avant de se pencher sur deux idées de longs-métrages, Swel prendra le temps de préparer une expo photo à Barcelone.
Asmaa Chaidi Bahraoui |