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CinĂ©ma La dernière sĂ©ance
actuel n°112, vendredi 14 octobre 2011
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Le dernier carré d’exploitants de salles indépendantes au Maroc est inquiet. Sans l’aide de l’Etat, il menace de mettre la clé sous la porte plus tôt que prévu. En cause : le passage au numérique.


***

Hassan Belkady est un homme inquiet : pour l’avenir de ses salles, mais aussi et surtout pour l’avenir de la profession d’exploitant indépendant, et partant, pour toute la filière du cinéma au Maroc.

A la tête de quatre salles à Casablanca, cet exploitant indépendant fait un constat amer. « En dépit des efforts pour rénover les salles afin d’accueillir le public dans de bonnes conditions, je vais être obligé de fermer un cinéma car je n’arrive plus à faire face aux charges d’exploitation », explique ce dentiste passionné de septième art, qui a repris il y a quelques années la direction de l’ABC, du Ritz, du Rif et de la Mamounia, exploités depuis les années 1960 par ses parents.

Alors même que Hassan Belkady a investi dans l’équipement, notamment en rénovant totalement le Ritz, une salle du vieux centre, son activité ne trouve pas de quoi s’équilibrer. En cause, d’après lui, les nombreuses taxes qui viennent grever le chiffre d’affaires, dont certaines sont totalement obsolètes.

« On nous demande de verser une taxe en solidarité à la Palestine prélevée sur chaque billet, mais nous n’avons aucune idée de la destination finale de cette ponction ! », s’emporte le Dr Belkady. D’après ses calculs, ce sont 20% à 25% du chiffre d’affaires qui seraient ainsi ponctionnés par les différentes taxes.

 

L’arrêt de la bobine

Mais aujourd’hui, c’est un tout autre sujet qui l’inquiète. En 2012, les films ne seront plus distribués sous forme de bobines traditionnelles de 35 mm, mais sous forme numérique : le distributeur enverra à son client, l’exploitant, des fichiers informatiques protégés, dont le code ne sera délivré qu’en échange du paiement des droits de diffusion.

Toutefois, ce n’est pas le mode de projection – qui garantit qualité et rapidité – qui fait débat. Mais plutôt les coûts induits par cette nouvelle technologie. « Nous estimons que le surcoût pour l’équipement d’une salle se monte à environ 1,5 million de dirhams comprenant le projecteur numérique et la climatisation de la cabine, rendue obligatoire en raison de la sensibilité du matériel à la chaleur et à la poussière », souligne Hassan Belkady.

Or, ce n’est pas la seule dépense à prévoir à l’avenir : si l’on veut diffuser des films en 3 D, il faut ajouter entre 300 000 et 400 000 dirhams de plus pour acquérir le bon projecteur. Enfin, les exploitants doivent aussi prévoir un budget pour la mise à niveau en matière de son, mais aussi de décoration et de fauteuils.

Autant d’équipements onéreux, d’autant plus qu’il s’agit de biens importés, taxés à l’entrée au Maroc, alors même que parfois aucun fabricant n’existe dans le pays, comme par exemple pour les fauteuils de cinéma.

En bref, les exploitants indépendants estiment qu’ils sont au bord du gouffre, et que le numérique représente aujourd’hui la goutte d’eau qui va faire déborder le vase et les précipiter définitivement vers la faillite.

 

Comment aiderles salles ?

Les discussions entre l’Etat, représenté par le CCM, et les professionnels ont débuté depuis plusieurs semaines pour étudier les modalités d’une aide qui pourrait être mobilisée pour venir à la rescousse des salles (voir encadré).

Objectif : s’engager sur un ensemble de mesures en vue d’accompagner les salles pour le passage au numérique et l’informatisation de la billetterie. Un code de déontologie entre distributeurs et exploitants est prévu dans le cadre de la charte.

La tâche semble immense sachant que d’autres problématiques ne sont pour l’instant pas réglées telles que l’informatisation des caisses enregistreuses, qui permettrait d’améliorer la gestion des salles, ou encore l’assujettissement à la TVA à 20% en remplacement des différentes taxes en vigueur.

Cette TVA, Hamid Marrakchi, à la tête du syndicat des exploitants, ne veut pas en entendre parler : « Ce serait un impôt de plus sur notre activité, ni plus ni moins, sachant qu’elle n’est pas récupérable sur le film », souligne-t-il.

Quant aux aides à l’exploitation, Hamid Marrakchi a son idée : mieux répartir les 60 millions de dirhams consacrés chaque année par le CCM à la production. Certes, le bilan de la production marocaine est flatteur. Avec une quinzaine de films chaque année, le Maroc possède une production comparable à celle de la Belgique.

Un véritable succès qui doit être synonyme de montée en qualité des films produits, selon Hamid Marrakchi. « Produire autant de films est une bonne chose, mais encore faudrait-il que les films soient de qualité, or ce n’est que rarement le cas. Il faudrait d’abord que les professionnels qualifiés soient plus présents au sein de la commission d’avance sur recettes », suggère-t-il.

En somme, plutôt que de produire en grand nombre, mieux vaudrait produire moins et mieux ; et réorienter une partie des fonds de la production vers l’exploitation. L’idée est séduisante, et étayée par une logique imparable : il ne sert à rien de produire pour ne pas montrer ensuite les films au public.

Les exploitants avancent aussi un autre argument : un réseau de salles indépendantes doit être préservé car il constitue un maillon essentiel de l’animation culturelle. A ce titre, certaines salles peuvent aussi servir pour des spectacles vivants, des concerts ou des pièces de théâtre. Mais elles ne peuvent vivre sans l’aide des pouvoirs publics à l’image de certains pays d’Europe qui sont parvenus à préserver un réseau de salles.

A court terme, les chances de voir aboutir un accord entre professionnels et Etat sont minces. Campagne électorale, changement de gouvernement et restrictions budgétaires sont autant de signes qui ne plaident pas en faveur d’un aboutissement rapide des discussions.

Les exploitants devront encore compter sur leurs propres forces, sur une hypothétique mise en œuvre différée du numérique ou sur la baisse des prix des matériels déjà enregistrée ces derniers mois. Les spectateurs, quant, à eux vivent peut-être leurs ultimes séances dans les derniers cinémas à l’ancienne.

Youssef Roudani

Le CCM pose ses conditions

Pour Kamel Mouline, chargé de mission qui suit le dossier au CCM, il est « normal que l’Etat aide les professionnels ». Mais l’idée d’un don pur et simple est clairement exclu, car « il poserait un problème juridique sachant qu’il est impossible de subventionner directement un exploitant privé ».

En revanche, « l’aide pourrait prendre la forme d’un prêt à taux zéro couvrant une partie de l’équipement, dont le remboursement se ferait en fonction des recettes réalisées par la salle », explique Kamel Mouline.

Concernant les critères d’attribution, l’aide pourrait être sélective, salle par salle, réservée à celles déjà en activité de façon régulière (ce qui exclurait les salles utilisées seulement lors de festivals), et à celles bénéficiant d’un soutien des institutions locales.

Concrètement, le passage au numérique des salles serait financé via un fonds d’aide à l’exploitation, doté en 2012 d’une première tranche de 10 millions de dirhams, somme restant à compléter les années suivantes.

Ces discussions semblent achopper sur les exigences des exploitants demandant une prise en charge totale des dépenses, une exigence jugée « peu réaliste » par Kamel Mouline. Pour cela, il s’appuie notamment sur ce qui s’est fait un peu partout en Europe, à savoir une aide de l’Etat couvrant une partie seulement de la dépense.

« En Scandinavie, ils ont trouvé une solution impliquant tous les acteurs de la filière : l’Etat, les exploitants, les distributeurs et les multiplexes, chacun participant à hauteur de 20%. »

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