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La scène artistique arabe  ou l’esthĂ©tique de la violence
actuel n°111, vendredi 7 octobre 2011
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Parmi les Ĺ“uvres prĂ©sentĂ©es, beaucoup de dĂ©jĂ -vu, de convenu. Mais aussi de petites       perles qui nous sont parvenues des pays arabes. Lorsque l’art se fait l’écho de la sociĂ©tĂ©, on pourrait bien se passer   des livres d’histoire !


***

Lors de cette deuxième édition du Marrakech Art Fair – qui s’est tenue du 1er au 3 octobre –, il y avait des œuvres à feuilleter comme des livres d’histoire.

Le temps n’étant pas toujours linéaire, il se fige parfois dans la matière, dans les interstices d’une toile, dans une sculpture, dans la peinture ou dans une vidéo...

A l’ancienne agence de la Banque du Maroc (place Jamaâ El Fna), des œuvres se sont distinguées par la force de leur engagement. Des créations dont l'essentiel ne tient pas seulement à l'intérêt artistique mais aussi à l'effet miroir qu'induit cette esthétique.

Le commissaire de l’exposition, Brahim Alaoui, a fait un choix très éclectique en nous offrant la superbe exposition « Images affranchies ». Adil Abidin, Halim El Karim, Moataz Nasr, Youssef Nabil, Faïçal Samra... autant de noms qui ont fait émerger une nouvelle scène d’art contemporain et dont les œuvres se sont démarquées dans les plus illustres biennales de par le monde !

Si l’artiste irakien Adel Abidin nous a habitués à un humour décapant lors de ses précédentes expositions et installations au Maroc (exposition « Traversées » en marge du festival Mawazine, 2009), cette fois-ci l’artiste revient avec une œuvre touchante qui a suscité beaucoup d’émotion.

Ce que les œuvres de Abidin donnent à lire sous une apparence à l’esthétique impeccable, ce sont des histoires que l’artiste ne conjugue pas seulement à la première personne. La douceur de son crayon tranche avec la violence de la guerre.

A travers sa vidéo Memorial, Abidin raconte l’histoire d’une vache qui meurt en essayant de rejoindre son troupeau. « Lors des raids américains de 1991, le pont El Joumhouriya en Irak a été détruit. Du coup, la maison de mes parents était d’un côté du Tigre et celle de mes grands-parents de l’autre côté.

J’ai aussi vu sur les décombres du pont détruit une vache morte. Je me suis mis à imaginer sa mort. C’est comme ça qu’est née l’histoire de cette vache qui essaye de rejoindre son troupeau et qui finit par mourir emportée par les eaux du Tigre », confie l’auteur dont l’œuvre se situe parmi celles qui ont attiré le plus de monde.

 

Engagement indéniable

D’autres artistes arabes ont fait bouger les lignes, bousculant les idées reçues.... Faïçal Samra est l’un d’entre eux. Il déploie un univers d’images fortes, même si l’artiste préfère parler de visions. « L’image est limitée, la vision induit un rapport organique avec l’œuvre.

Chacune de mes œuvres s’inscrit dans le triptyque : corps, esprit, raison. C’est en cela qu’elle trouve sa logique. » Parler d’art et de révoltes arabes ? Cela laisse Samra quelque peu dubitatif. « Le processus est en cours.

Dans mes œuvres, je ne réagis pas, je vis. La réaction traduit la fragilité », précise-t-il. Les visiteurs ont pu voir dans Résistance, cette autre œuvre de Samra, un visage déformé par la pression extérieure.

Une vidéo à la symbolique très forte ! « C’est une métaphore. Je l’ai faite avant les révoltes arabes. Pour moi, toute forme de résistance est importante… Cela va de la simple envie de fumer à la résistance face à un dictateur. »

L’engagement des artistes arabes est indĂ©niable, cela se voit, se ressent. Mais comment situer aujourd’hui leurs Ĺ“uvres ? « L’Occident vient d’ouvrir les yeux et nous regarde ! Cela ne veut pas dire qu’on n’existait pas avant, mais seulement ils ne voulaient pas nous voir »,  s’exclame Samra.

Selon Moataz Nasr, cet autre grand artiste égyptien, il s’agit d’exotisme : « Il y a des périodes dans l’histoire où l’on devient exotique, cela s’est passé en 1973, après le choc pétrolier post 11-Septembre… et encore aujourd’hui dans le contexte des révoltes arabes. Les œuvres qui s’attachent au factuel et à des événements précis ne dureront pas longtemps. L’histoire ne retiendra que les œuvres fortes. »

Visuellement magnifique et narrativement sublime, La vie d’un reghief (pain égyptien), une vidéo de Moataz Nasr. Une fable sociale racontée par un pain en cuisson dont on entend la respiration.

Un pain qui vit, fait des petits… une histoire qui ne pouvait se raconter ailleurs qu’en Egypte et que l’artiste nous confie : « L’idée m’est venue lors des pénuries de pain en Egypte, en 2009 et 2010. Chez nous, le pain a une forte symbolique, il représente la vie. » Les œuvres de Moataz Nasr lui ressemblent, elles sont généreuses, profondes, racontent des histoires simples mais qui affinent la perception.

Dans sa série de photographies joliment appelée Cyanotype, l’artiste tunisienne Meriem Bouderbala expose, quant à elle, des corps nus, couverts de voiles transparents. L’engagement de l’artiste est depuis longtemps gravé dans ses créations, dans ces tissus dont elle se sert davantage pour découvrir les corps que pour les couvrir.

« En Tunisie, nous étions arrivés à une saturation, cela se ressentait dans les œuvres d’art. Nous étions comme des éponges, c’était inquiétant et exaltant. On est aujourd’hui devant une page blanche. Les plasticiens vont pouvoir passer à autre chose », conclut l’artiste.

Pour ceux qui n’aiment pas lire les ouvrages d’histoire, allez seulement voir quelques expositions, il y a tant à apprendre !

Amira-GĂ©hanne Khalfallah

Michel Gauthier « Le printemps arabe  a modifiĂ© le regard »

Actuel : Le Centre Pompidou vient d’acquérir des œuvres de Melehi, Hassan Darsi et Yamou. Est-ce le signe d’un nouvel intérêt pour l’art contemporain marocain ?

Michel Gauthier : Le Centre Pompidou est en train d’élargir sa collection en mettant en place une politique multidirectionnelle. Cela concerne plusieurs scènes artistiques à la fois, dont L’Europe de l’Est, le Proche-Orient, l’Afrique, l’Amérique latine... Le Maroc s’inscrit dans cette logique.

 

Ces nouvelles acquisitions n’ont, cependant, rien coûté au Centre Pompidou puisqu’il s’agit de dons de collectionneurs et de galeries...

Effectivement, nous nous appuyons davantage sur les partenariats pour élargir cette collection. Notre budget a baissé ces trois dernières années et nous essayons de maintenir un équilibre budgétaire. Nous sommes obligés d’acheter de l’art contemporain français.

 

Y a-t-il un rapport entre le printemps arabe et l’émergence d’une scène artistique arabe ?

Le printemps arabe a modifié l’image que l’on se faisait du monde arabe, que l’on voyait sous l’angle de l’islamisme… L’acquisition de l’œuvre de Hassan Darsi, par exemple, s’inscrit dans ce nouveau rapport.

Sa maquette du parc de l’Hermitage est un projet exemplaire qui témoigne d’un engagement social. C’est une œuvre qui échappe à l’attendu. On a vu un retour du néo-orientalisme ces dernières années.

Il y a eu dans le monde arabe des œuvres prévisibles après le 11-Septembre. L’œuvre de Darsi est ancrée dans son contexte sans investir le néo-orientalisme. C’est précieux, c’est un signe fort.

Propos recueillis par Amira-GĂ©hanne Khalfallah

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