Les Villas des Arts prêtent leurs murs à un « impostueur » de stars.
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Comme il n’a aucun talent, on peut dire que dans le genre, Bernard de Souzy est un génie. Un génie de l’imposture, un Albert Einstein du concept foireux, une Castafiore grimée en Oum Kalthoum. Tiens justement, Oum et Albert font partie des victimes de ce serial killer esthétique de people iconiques. Au total, l’« artiste » a pondu 48 portraits, représentant tout ce que le XXe siècle, et un peu le XXIe, ont produit comme stars identifiables entre toutes.
Mais pour être sûr que l’on reconnaisse la vedette massacrée par son pinceau compresseur, Souzy choisit en général la photo la plus célèbre de l’icône : Albert Camus et sa clope, Humphrey prêt à rouler un patin à Ingrid, Marlon Brando en motard, Churchill et son V de la victoire, Einstein, donc, et sa langue... Ensuite, le peintre en bâtiment choisit une couleur bien criarde pour qu’on repère de loin la croute (jaune canari, turquoise salle de bain, fuchsia inwi...), puis ajoute une complémentaire pour séparer la face du fond et, enfin, scarifie le visage du pauvre portraituré avec des spaghettis de couleur qui gondolent ou frisottent sur ses joues et son front. Le résultat est atroce : on a l’impression que le cher disparu est bouffé de l’intérieur par des vers fluo. Beurk !
Mais, soyons justes, parfois c’est réussi. Hitchcock en effrayant tamanoir bichrome vaut le déplacement. Ainsi qu’un autre tableau, juste à droite à l’entrée, dont j’ai oublié le nom mais qui avait une certaine force, la preuve on l’avait mis à l’entrée. Donc, Souzy réussit environ 4% de ses tentatives. Pour le reste, il manque plus d’un poil à sa brosse. Il badigeonne sans grâce et commet des erreurs grossières, niveau deuxième année d’école des Beaux-Arts.
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Souverain grimé en martien
Son absence flagrante d’aptitude à l’art figuratif s’étale dans son portrait de Mohammed VI. Comme il s’attaque au souverain, il n’ose pas sortir sa palette de marchand de couleurs ni ses vers de terre. Il nous livre donc un portrait plat, raté, sans aucune profondeur où éclatent ses insuffisances graphiques : même en recouvrant une photo, il peint des mains de poupée. Pire, dans un mauvais dérapage, la cravate de M6 rentre dans la veste rayée. Ajoutez à ça, un papier peint sur le trône et vous comprendrez qu’on est à la limite du lèse-majesté ! Le plus drôle, c’est que lorsqu’il livre un portrait de Mohammed V, il tartine du vert sur le visage du roi. Le souverain qu’on voyait dans la lune est grimé en martien ! Bernard de Souzy a dû se dire que pour ce monarque, il y avait prescription...
Bref, si vous voulez rigoler un bon coup en regardant des célébrités plongées dans un trip d’acide, précipitez-vous à la Villa des Arts découvrir cette compilation d’œuvres de l’inventeur du subjectivisme. Oui, c’est comme ça que s’appelle ce courant artistique dont Bernard de Souzy semble être le seul adepte. Il nous pardonnera donc cet article pas vraiment objectif. Mais sincère. Si, si.
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Eric Le Braz
« Reg’art subjectif sur les Grands de ce Monde » (même le titre est prétentieux !)
Villa des Arts de Casablanca du 13 avril au 30 juin
Vernissage Ă Rabat le 5 mai |