Une exposition qui révèle le rapport passionné qu’entretient une nouvelle génération de plasticiens avec l’art. De jeunes artistes portent un regard innovant sur la vie et l’actualité, et proposent leur propre esthétique.
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Dix-huit peintres exposent leurs œuvres à la Villa des Arts de Casablanca à travers « Le vent du nord ». Au premier regard, les formes sont posées, le ton est donné. Les toiles de ces jeunes artistes, qui ont en commun un cursus à l’école des Beaux-Arts de Tétouan, ont de quoi attirer le regard, attiser la curiosité. Les peintres, peu connus sur la scène contemporaine marocaine, affichent tellement de différences qu’on se demande quelle pourrait être l’influence de leur école ?
Les techniques autant que la démarche artistique divergent. Leurs œuvres sont à voir et à revoir avant de pouvoir en saisir le sens. « Le vent du nord » souffle sur Casablanca, un vent frais qui rajeunit notre scène artistique, et c’est tant mieux !
A travers ces regards qui se confrontent se révèlent des caractères, des façons de faire et de penser la peinture. Oui, penser la peinture, car il s’agit pour la plupart d’une vision conceptuelle de l’art. Les travaux de Youssef El Jadidi Farji en témoignent.
Le jeune artiste, né en 1980 à Tanger, nous renvoie aux origines, à un art millénaire rappelant celui des fresques murales d’antan. Cependant avec une touche et une approche très contemporaines. L’artiste installe un monde inventé de bout en bout, immortalise un instant et fait appel aux totems.
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Hymne au corps
Il y a chez El Jadidi une présence constante du corps sur lequel se dessine et se reconstruit le monde, dans une palette aussi riche que recherchée. Hamza Errachid Sfart, lui est né en 1989 à Tétouan. Et si on ne voit pas de corps dans son œuvre, il y fait allusion à travers le vêtement, dans une sorte d’habillage informel où l’on devine le contenu sans le voir pour autant. Le peintre semble très influencé par Amina Benbouchta. Ce qui n’enlève rien à sa créativité. Bien au contraire.
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Un contenu innovant
Des visages aux tonalités impressionnistes dévoilent le caractère du portraitiste, Redouan El Kerkri qui semble insensible aux modes. L’originalité de ses points multicolores révélant des visages de femmes a l’avantage d’accrocher l’œil. Sanaa Arraqas, aussi jeune que ses compères (née en 1989), s’attaque, elle aussi, au portrait mais à sa façon. L’artiste pose sur chacune de ses œuvres, des rides telles des rivières irrigant les visages. C’est de ce trait appuyé qu’elle donne naissance au caractère fort de ses personnages.
Un style graphique original nous est proposé par Yassine Abrak, diplômé de l’Institut national des beaux-arts de Tétouan en 2007, à travers sa série sans titre que l’on pourrait, d’ailleurs, nommer « dominos ». La simplicité des formes linéaires tranche avec la complexité de la composition. Concentration et force nourrissent toute son œuvre exposée.
Les œuvres de Omar Saâdoune sont inspirées des retranchements et de la colère. Ses explosions de couleurs sont autant de révoltes. On y trouve l’expression de tout son être émotionnel et la revendication d’une culture trash. La couleur est mise en mouvement par des éclats, s’inscrit dans une action et capte le regard. L’effet est saisissant !
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Un espace illusionniste
Les œuvres de Abdelaziz Al Amrani El Khaldi introduisent un espace illusionniste. Des personnages aussi irréels que fantasmés interrogent le regard. L’artiste déplace les lignes, refuse les limites et dessine des visages déformés, un prisme qui ne laisse pas indifférent.
Autant de talents qui pourraient donner un nouveau souffle à la scène artistique du Royaume. Des noms à retenir et des œuvres à voir absolument. Un contenu innovant qui crée des résonances. En tout cas, on se laisserait bien pousser par ce vent du nord !
Amira GĂ©hanne Khalfallah |