L’artiste sort un nouvel album, y affirme ses choix de femme, d’interprète et de compositeur. Elle fouille autant dans la tradition sahraouie que dans les origines du jazz.
Sourire aux lèvres, turban sur la tête, pantalon africain et un festival de couleurs chatoyantes… le look de Oum est reconnaissable de loin et n’a rien de surfait.
L’artiste ressemble à un oiseau venu des tropiques ou plutôt de cette profonde Afrique. Un oiseau qui chante sa terre tout naturellement. « Je ne me demande pas ce que l’Afrique m’a apporté mais je me demande ce que je peux donner à l’Afrique », ainsi résume-t-elle ses rapports à sa terre nourricière.
Ce n’est pas seulement le style vestimentaire de Oum qui fait écho à ses origines, à cet enracinement qu’elle revendique. Sa musique se nourrit de ses racines sahraouies.
Plonger dans le nouvel univers de la chanteuse avec Sweerty, c’est se laisser aller à un monde acoustique avec moins d’arrangements vocaux que dans son premier album (Likoum).
Une œuvre claire et limpide, « sans effets d’embellissement », promet-elle. Ce nouvel opus est tout de même à l’opposé du précédent où la chanteuse s’est essayée à plusieurs genres.
« Likoum, c’était une façon de répondre à toutes mes envies musicales. Je pense que c’est quelque chose qui se passe très souvent dans un premier album. C’était assez éclectique. »
Mais alors où est l’Afrique dans tout ça ? L’Afrique est autant dans les mots que dans les thématiques abordées. L’Afrique se chante dans Harguine, avec cet autre musicien africain de New York, originaire du Ghana, qui se fait appeler Blitz The Ambassador. Une magnifique chanson en écoute libre sur le site de l’artiste.
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Rencontre avec Manu Dibango
Sweerty est à savourer. Le timbre de Oum y est plus audible tout autant que sa voix suave et ses infinies variations. Quatorze chansons plutôt orientées soul et jazz. Un quartette rassemblant basse, batterie, piano et guitare, avec un bonus : Oum song qu’elle offre à son public. Une chanson née d’une rencontre en juillet dernier lors du festival Casa Music.
Ce soir-là , Oum se produisait sur la même scène que Wayne Backford, le chanteur et compositeur arrangeur et producteur du nouvel album du célèbre Manu Dibango. Backford fait écouter un enregistrement du concert de la chanteuse au célèbre jazzman.
La magie opère. Dibango commande une chanson à Oum qu’il ajoutera dans son tout nouvel album, Past, present, future (sorti 17 novembre). Le single sera baptisé, Oum song. « J’ai chanté au casino de Paris avec Manu Dibango qui m’avait réservé une magnifique présentation. Je vais d’ailleurs participer avec lui en juillet prochain au festival Jazz à Vienne », se réjouit l’artiste qui s’est produite devant la diaspora africaine à Paris.
Ce nouvel album n’est pas un caprice, ni un album de plus dans la jeune carrière de la chanteuse. Oum l’a désiré de tout son corps au point où elle parle de « nudité ». « J’ai envie de me dénuder et d’être plus vraie. C’est aussi quelque chose qui se fait en parallèle de ma vie de femme. C’est une recherche de soi. Pas seulement de style musical. Une recherche nécessaire dans la vie de chacun », explique l’auteure, interprète.
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Quand la femme inspire la chanteuse
Oum poursuit donc sa quête de femme tout en alimentant celle de l’artiste. La femme s’impose alors avec ses choix musicaux, sa voix mais aussi par ses textes. L’auteure se libère des thématiques galvaudées dans le milieu de la chanson, des complaintes d’amour et de ses joies…
Darijazz est cet autre album en préparation. Il sera « un peu à l’image du jazz de ces femmes des années 20, 30, 40… d’Ella Fitzgerald, Nina Simone, Dinah Washington. Ce sera dans ce style musicalement et dans ce style verbalement aussi.
Dans ces années-là , les femmes racontaient leurs tracas, en pleine démarche d’émancipation. Et, aujourd’hui, la femme arabe a aussi des choses à exprimer. Elle est également dans cette quête ». Comme son nom l’indique Darijazz sera un album en darija. Une langue que l’auteure (re)découvre, autant dans sa sémantique que dans son rythme.
Animée d’une recherche musicale inassouvie, la musicienne fouille actuellement la musique hassanie, réaffirme son originalité en travaillant sur la musique de ses ancêtres. « Je suis sahraouie et cette musique me touche particulièrement », précise-t-elle.
Oum va donc revisiter ce répertoire avec des instruments nouveaux, façon world music avec des arrangements internationaux pour pouvoir « l’exporter » comme cela a été fait avec la musique des gnaoua.
« C’est une musique très riche avec ses gammes et modes très spécifiques, ça me renvoie d’ailleurs au livre d’Ahmed Aydoun sur la musique hassanie qui décrit et explique les maqamat de cette musique. C’est un projet qui va demander beaucoup de travail, il faut que j’apprenne et que je m’imprègne davantage de cette musique. »
Bien au-delà de la recherche esthétique vestimentaire, il y a chez Oum cette envie de terre africaine encore plus profonde que ce qu’elle laisse apparaître à travers ses magnifiques atours. Pour ceux qui veulent goûter au continent, sa musique est certainement faite pour s’en délecter.
Amira-GĂ©hanne Khalfallah |