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Leftahâ: ils sont tousâcontre la censure
actuel n°117, vendredi 18 novembre 2011
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Depuis sa parution en France en septembre 2010, Ă©ditĂ© chez La DiffĂ©rence, le livre de Mohamed Leftah, Le dernier combat du Captain Niâmat, est toujours introuvable au Marocâ! Abdellatif LaĂąbi a lancĂ© une pĂ©tition pour lever lâinterdiction. La mobilisation sâorganise.
AprĂšs la rĂ©vĂ©lation par actuel de lâinterdiction au Maroc du livre posthume de Mohamed Leftah, Le dernier combat du Captain Niâmat (lire notre dossier du numĂ©ro 113 sur www.actuel.ma), une rĂ©action en chaĂźne sâen est suivie dans la presse Ă©crite nationale, dĂ©nonçant lâinjustice faite Ă ce grand Ă©crivain.
Les mĂ©dias ont Ă©tĂ© relayĂ©s, et câest cet autre grand auteur marocain et amoureux des mots, Abdellatif LaĂąbi, qui a repris le «âcombatâ», refusant dâĂȘtre tĂ©moin de cette censure sans rĂ©agir, sans apporter sa contribution au changement, son analyse Ă lâĂ©vĂ©nement.
Le dernier combat du Captain Niâmat peut ĂȘtre qualifiĂ© de chef-dâĆuvre. Ce roman ne sâadresse pas aux esthĂštes seulement. Il y a dans les mots de lâĂ©crivain poĂšte de quoi adoucir les esprits les plus rustres.
Mais câest bien connu, les censeurs ne lisent pasâ! Sinon comment expliquer quâon veuille interdire la poĂ©sie de lâamour, la mĂ©taphore du corpsâ? Depuis la nuit des temps, la sociĂ©tĂ© bien pensante nây est pas parvenue, et ce nâest probablement pas maintenant que lâon va imposer ces limites.
La mobilisation est dâailleurs de plus en plus importante. La pĂ©tition lancĂ©e par Abdellatif LaĂąbi ne cesse de rassembler. Elle a, en effet, retenti fortement auprĂšs de citoyens marocains et dâune bonne partie de lâĂ©lite culturelle marocaineâ: Zakya Daoud, Tahar Ben Jelloun, Lahcen Zinoun, Fouad Bellamine, Neila Tazi, Hakima Himmich, Nour-Eddine Lakhmari, Zakia Tahiri, Driss Ksikes, Fouad Laroui, Mahi BineBine... Lâappel commence Ă©galement Ă trouver un Ă©cho Ă lâinternational, de lâĂ©crivain algĂ©rien Anouar Benmalek au grand poĂšte syrien Adonis.
Le site français MĂ©diapart vient prĂȘter main forte à «âCulture touteâ», le site de LaĂąbi, oĂč la liste des signataires est publiĂ©e et rĂ©pertoriĂ©e. Vu lâampleur et la mobilisation, le ministĂšre de la Communication est finalement sorti de son silence.
Un communiquĂ© de presse explique quâaucune mesure nâa Ă©tĂ© prise Ă lâencontre du livre et que «âla rĂ©ponse Ă la non-distribution de ce roman au Maroc est Ă trouver auprĂšs du marchĂ©â». Comment expliquer alors que la librairie Carrefour des livres, lâune des plus importantes Ă Casablanca, ne soit pas parvenue Ă se procurer le livreâ?
Dâautres libraires ont aussi passĂ© commande et attendent toujours⊠De toute Ă©vidence, la vĂ©ritĂ© nâest pas du cĂŽtĂ© du marchĂ© marocain. Il nây a quâĂ voir le nombre de signataires de la pĂ©tition (quelque 200 personnes en seulement dix jours) pour comprendre Ă quel point les Marocains veulent lire ce livreâ!
Amira GĂ©hanne Khalfallah |
« La censure doit ĂȘtre bannie »
«âOutre lâindignation face Ă toute atteinte Ă la libertĂ© de pensĂ©e et de crĂ©ation, il mâa semblĂ© que le moment Ă©tait venu de poser en toute clartĂ© la question de la censure dans notre pays, pour quâelle devienne un vrai sujet de dĂ©bat.
Lâaffaire ne date pas dâaujourdâhui, car, depuis lâindĂ©pendance, nous sommes confrontĂ©s Ă une censure honteuse, qui ne dit pas son nom et se cache systĂ©matiquement derriĂšre la frilositĂ© ou lâautocensure des diffuseurs et des libraires.
Elle relĂšve donc du non-dit tout en sâexerçant de façon sournoise, presque ordinaire. Lâabsurde de cette situation est quâelle devient admise comme une sorte de fatalitĂ©. Câest cette hypocrisie que je veux dĂ©noncer haut et fort car elle illustre parfaitement lâhiatus quâil y a entre les discours officiels, et mĂȘme les principes «âgravĂ©s dans le marbreâ» des constitutions dâhier et dâaujourdâhui et les pratiques rĂ©elles.
Pour moi, la censure doit ĂȘtre tout simplement bannie, au mĂȘme titre par exemple que la peine de mort. Dans un cas comme dans lâautre, ceux qui en prennent la responsabilitĂ© portent atteinte au principe de vie et Ă ce quâil y a de plus sacrĂ© en lâhomme, Ă savoir sa conscience.
Je dirai enfin que, dans le sujet qui nous prĂ©occupe, une autre dimension vient sâajouter. Câest lâinsulte faite Ă la mĂ©moire de ce grand Ă©crivain marocain quâest Mohamed Leftah, mĂ©moire qui aurait dĂ» ĂȘtre au contraire cĂ©lĂ©brĂ©e et honorĂ©e aprĂšs sa disparition prĂ©coce. Mais lĂ , ne rĂȘvons pas.
Je crois que le temps est encore lointain oĂč lâon reconnaĂźtra, chez nous du moins, Ă des hommes comme lui ce que lâhumanisme marocain leur doit, un humanisme qui est en train de construire ses propres valeurs contre vents et marĂ©es, en faisant la nique Ă la bĂȘtise triomphante.â»
Abdellatif LaĂąbi
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Revue de presse
Cachez-moi ce livre que je ne saurais voir
«âImpudiqueâ? A aucun moment, et câest Ă cela quâon reconnaĂźt la magie, le raffinement extrĂȘme de la plume de Mohamed Leftahâ: ce qui, Ă©crit dâune main Ă©paisse et graveleuse, peut rĂ©vulser se fait musique, poĂ©sie.
Mieux, ce qui aurait pu tourner indĂ©finiment autour du pot de lâintime, comme plein dâĂ©crits vains, nâayant de subversif que lâaspect, ratisse ici plus large, sâattaque Ă lâintĂ©grisme galopant... ââUne douloureuse beautĂ©ââ, dira le quotidien français LâHumanitĂ©. ââUne futilitĂ©ââ, rĂ©torquera, hĂ©las, Khalid Naciri.â» Sana Guessous, La Vie Ă©co
Le nouveau combat du Captain Niâmat
«âEn une semaine Ă peine, ils sont plus de 100 personnes au Maroc Ă avoir signĂ© cette pĂ©tition. ââCâest un trĂšs bon dĂ©but, mais il faut savoir quâil y a Ă©galement une liste de signataires françaisââ, confie Colette Lambrishs, la directrice des Ăditions de La DiffĂ©rence. â» Qods ChabĂąa, Le Soir Echos
Le dernier combat du Captain Niâmat, sulfureux et censurĂ©
«âLes quelques activistes culturels du pays y voient un symbole de la dictature et une politique prĂ©mĂ©ditĂ©e dâappauvrissement culturel du peuple. Lever la censure sur lâexpression littĂ©raire, dans la conjoncture actuelle, constituerait un signe fort de la volontĂ© de sauver le Maroc de sa misĂšre intellectuelle.â» Fedwa Misk, Le Courrier de lâAtlas |
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