Comment inscrire la culture, Ă©ternel parent pauvre des politiques dans le programme des Ă©lections lĂ©gislativesâ? Deux amis, excĂ©dĂ©s par le dĂ©sert culturel ambiant, ont dĂ©cidĂ© de mettre nos partis face Ă leurs responsabilitĂ©s.
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Un lobby dâagitateurs pour remettre la culture Ă sa place.â» Câest dĂ©sormais le leitmotiv de Jamal Abdennasser, styliste, et Amine Boushaba, journaliste, qui ont lancĂ© depuis prĂšs dâun mois le projet «âLa chaise rougeâ».
Lâobjectifâ: secouer suffisamment les politiciens pour quâils bougent de leurs strapontins et sâinvestissent enfin dans la culture. La mĂ©thodeâ: une initiative citoyenne qui se propose de recueillir les avis dâacteurs et dâobservateurs du monde de la culture, de les filmer et, de les diffuser afin dâinterpeller les politiques.
Pour cela, il fallait un concept original qui aille au-delĂ de la simple sensibilisation. Les deux amis se baladent donc avec une chaise rouge de designer oĂč ils installent leurs intervenants, puis publient le tĂ©moignage sur Internet (lachaiserouge.ma) et sur facebook. A terme, toutes ces interviews serviront Ă Ă©laborer un court-mĂ©trage.
Le DVD va ensuite ĂȘtre dĂ©posĂ© au siĂšge des partis pour quâils sâen inspirent dans leurs programmes. «âOn va exiger un accusĂ© de rĂ©ception quand on remettra le DVDâ», affirme Amine Boushaba.
«âLa chaise rougeâ» ne prendra pas pour autant la poussiĂšre aprĂšs les Ă©lections. Câest un projet sur le long terme. «âNous avons choisi les mots ââagitateursââ et ââlobbyââ consciencieusement. Nous ne nous contenterons pas de publier. Nous pensons organiser ensuite des Etats gĂ©nĂ©raux et devenir une force de proposition qui va suivre les rĂ©alisations des politiquesâ», poursuit-il.
LâidĂ©e de «âLa chaise rougeâ» a germĂ© il y a plus dâun an dans lâesprit des deux amis. CâĂ©tait aprĂšs une confĂ©rence-dĂ©bat sur le thĂšme «âPourquoi la culture nâinvestit pas les espaces publicsâ».
Dans la foulĂ©e, lâintellectuel Abdellatif LaĂąbi publiait un manifeste dĂ©nonçant le laxisme des autoritĂ©s envers la promotion de la culture. «âOn sâest dit quâil fallait faire quelque chose, il fallait une catharsis, savoir quelle place occupe la culture dans notre sociĂ©tĂ© et comment lâimposer dans le programme du gouvernementâ», se rappelle Amine Boushaba.
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Il Ă©tait une chaiseâŠ
Il fallait ensuite trouver un concept, dâoĂč lâidĂ©e de la chaise, crĂ©Ă©e Ă lâorigine par un designer hollandais, Gerrit Rietveld. En 2010, des artistes hollandais ont lancĂ© une rĂ©sidence dâartistes Ă Casablanca oĂč figurait cette chaise et sur laquelle ont travaillĂ© de jeunes talents marocains.
«âLa philosophie de Gerrit Rietveld Ă©tait de rendre le design accessible. Cette chaise qui a Ă©tĂ© retouchĂ©e par des Marocains symbolise notre envie justement de rendre la culture accessibleâ», dĂ©taille Amine Boushaba.
Lâobjectif du projet est de recueillir une centaine, ou au moins une cinquantaine de tĂ©moignages avant de rĂ©aliser le court-mĂ©trage. Pour le moment, une quinzaine dâinterviews ont Ă©tĂ© mises en boĂźte et sont disponibles sur les rĂ©seaux sociaux.
A terme, les initiateurs de «âLa chaise rougeâ» comptent se dĂ©placer dans les petites villes, comme Taounate ou Figuig par exemple, pour rencontrer les acteurs culturels locaux et enregistrer aussi des vidĂ©os en arabe.
A terme, tout doit ĂȘtre prĂȘt avant les Ă©lections. Mais, Ă peine le projet entamĂ©, les deux amis ont dĂ©jĂ mis le doigt lĂ oĂč ça fait mal et sur ce qui pourrait ĂȘtre fait. «âBeaucoup dâintervenants ne veulent plus que la culture soit confinĂ©e au seul ministĂšre de la Cultureâ; elle devrait concerner par exemple le dĂ©partement du Tourisme qui fait encore dans le folklore la plupart du temps.
Ils pensent aussi quâil nây a pas de politique culturelle structurĂ©e et que lâĂ©ducation peut jouer un rĂŽle majeur pour lâĂ©veil Ă la culture, etc.â», rĂ©sume Amine Boushaba. Pour booster la politique culturelle, les deux agitateurs nâont pas lâintention de se reposer sur leurs chaises longues.
Zakaria Choukrallah |