Harragas nous fait partager la traversée de jeunes Algériens prêts à tout pour migrer en Espagne.

Le dernier fi lm du réalisateur algérien pointe du doigt le drame vécu par une partie de la jeunesse du Maghreb, prête à tout pour échapper à un avenir sans issue. Le long métrage sort dans les salles françaises le 24 février après avoir été projeté à Agadir lors du récent Festival cinéma et migration (10 au 13 février). Rencontre à Paris avec le réalisateur, installé en France depuis de nombreuses années.

Pourquoi avoir choisi le thème des harragas pour votre dernier long métrage ?

MERZAK ALLOUACHE : Je me suis toujours intéressé aux problèmes de la jeunesse et à la question de la migration entre les deux rives de la Méditerranée. Moi-même, je suis souvent en Algérie même si je réside aujourd’hui en France. Il était donc normal que je me penche sur ce thème. En Algérie, ce n’est pas un sujet tabou : on en parle un peu partout, notamment dans la presse. Je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’un phénomène assez grave et qui se développe aujourd’hui dans tout le Maghreb, pas seulement en Algérie où j’ai tourné mon fi lm.

Quelles raisons poussent ces jeunes à risquer leur vie pour fuir leur pays ?

Aujourd’hui en Algérie, il y a un tel mal de vivre et un tel manque de perspective pour une partie de la jeunesse que l’idée de fuir par tous les moyens est désormais bien ancrée dans les esprits. C’est un geste de désespoir suicidaire.

Le sujet pose-t-il un problème aux autorités algériennes ?

Il peut poser un problème mais il ne s’agit pas d’un fi lm politique. C’est simplement un témoignage, je montre les choses froidement. Je ne fais pas l’apologie de la traversée, mais je ne fais pas non plus la morale. Sur place, je n’ai rencontré aucune difficulté à tourner. J’ai recruté tous les comédiens à Mostaganem, une ville connue pour être le point de départ de nombreux jeunes. Certains sont des acteurs débutants, d’autres font du théâtre amateur dans leur ville. J’ai bon espoir que le fi lm sorte en Algérie puisque j’ai déjà un distributeur sur place.

Comment est accueilli le fi lm lors des festivals ?

Les réactions sont assez différentes selon qu’on se trouve en Europe ou au Maghreb. Toutefois, je note un même intérêt, y compris en France qui est peu touchée par l’arrivée directe des migrants. Harragas a été présenté lors de plusieurs festivals à Amiens, Montpellier, Namur, Venise et aussi au Maroc lors des Rencontres méditerranéennes cinéma et droits de l’Homme à Rabat, en novembre, où il a été diffusé en ouverture. À Valence, en Espagne, il a remporté le premier prix du festival, et à Dubaï, le prix spécial du jury.

Propos recueillis par Cyril Bonnel, à Paris.