Quelques milliers de voix ont réclamé la suppression du festival. Des millions de spectateurs leur ont répondu. Mawazine a clôturé en beauté son dixième anniversaire.
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Le contexte aura été des plus difficile. Le printemps arabe et les vents de contestation au Maroc n’ont pas épargné l’événement phare de la scène musicale et artistique, mais Mawazine aura bel et bien été un succès cette année.
D’abord par l’exceptionnelle audience qui a suivi les différents concerts : un total de 2 230 000 spectateurs et quelque 25 millions de téléspectateurs. Ensuite par la grande maturité qu’a atteint l’organisation, notamment sur l’aspect lié à la sécurité. « Nous n’avons eu à déplorer aucun incident. Et je tiens à louer le rôle déterminant qu’ont joué les autorités sur ce registre », insiste Aziz Daki, directeur artistique du festival.
Autre point positif : sur les 150 concerts prévus cette année, une seule annulation a été enregistrée, celle du Saoudien Rachid Al Majid, pour raisons de santé. « Autrement, tous les artistes annoncés étaient bien au rendez-vous », précise Daki.
Mawazine 2011 aura également réussi le pari de trois grandes créations, dont celle de Nass El Ghiwane avec Safy Boutella, Saïda Fikri et Bokra, et le remake arabe de We are the World par Quincy Jones et RedOne.
A cela s’ajoutent des initiatives comme la chanson Matkich Bladi de Hussein El Jasmi, l’une des plus belles voix arabes du moment, qui a tenu à rendre hommage à un pays qu’il aime et qui le lui rend bien.
Reste aussi ce qui fait désormais la marque de fabrique de Mawazine : la qualité des spectacles assurés par un Joe Cocker, un Lionel Richie et bien d’autres artistes qui ont tout donné. Bon anniversaire Mawazine !
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Shakira : La tortura
Ayant réuni plus de 2 230 000 spectateurs, le festival Mawazine aura de nouveau été un succès. Oppositions ou pas. Point culminant, le concert de clôture assuré par Shakira.
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Essayer de se frayer un chemin vers la scène OLM Souissi ce samedi soir relevait de la mission impossible. Pour les légers retardataires que nous étions, il fallait abandonner son véhicule près de l’hôpital Avicenne et marcher vingt-cinq bonnes minutes pour ne pas rater le début du concert de clôture assuré par la star « occidentale » du moment : Shakira.
Ils étaient 200000 à se rendre au spectacle le plus attendu de la 10e édition de Mawazine. En voiture, en moto, à pied, par train, la densité de la foule à Rabat ce soir-là relevait tout simplement de l’inédit dans une capitale d’ordinaire si calme.
Arrivée le jour-même, Shakira s’est fait désirer. D’abord lors de la conférence de presse tenue à Skhirat. Elle est arrivée avec une heure de retard, cours de fitness oblige. Ensuite lors du concert, avant lequel le Barça de Girard Piqué, son compagnon, disputait la finale de la Champions League. Avec trois-quarts d’heure de retard, la star colombienne a tout de suite annoncé la couleur : « C’est une soirée très spéciale pour moi, et vous savez pourquoi. »
Elle a alors enchaîné ses plus grands tubes, se livrant à un véritable exercice d’endurance. Une pure torture psychologique, et c’est peu dire, pour un public séduit à l’avance, et dont les fantasmes nourris sur Shakira n’ont été que confirmés.
Notons que ce n’est pas une artiste qui a débarqué ce soir-là , mais une véritable machine, celle du show à l’américaine, et une multinationale comptant des artistes et musiciens venus des quatre coins du monde.
Au final, un spectacle grandiose à l’image de sa tournée, avec costumes, chorégraphies et rythmes flamenco, R’n’B teintés de sonorités rock, et des classiques tel Ojos asi à la sauce orientale. Autant dire que le succès était garanti, laissant peu de place à l’improvisation.
Et même l’initiative en apparence spontanée de Shakira, qui a invité trois filles du public à la rejoindre sur scène, n’en était pas une. Les concernées avaient été castées au préalable et selon un critère bien précis: ne pas faire d’ombre à la star de la soirée.
Et celle-ci a brillé de mille feux. Au point de faire dire à un jeune homme : « Finalement, il n’y a pas de vraies filles au Maroc. »
Tarik Qattab
Lionel Richie, superstar Ă taille humaine
Le crooner des eighties a enchanté avec talent et humour la scène d’OLM Souissi vendredi soir.
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La légende n’a pas pris une ride. A 63 ans, Lionel Richie en paraît vingt de moins et sa voix s’est à peine voilée depuis les eighties, où il jouait le rôle de vice-roi de la pop, juste un slow derrière Michael Jackson, avec des tubes interplanétaires. 100 millions de disques vendus plus tard, le voici à OLM Souissi déroulant un show sans fioritures.
Ses bluettes soul étaient reprises par 80000 connaisseurs qui ont apprécié ses arrangements subtils et pardonné les cafouillages de ses musiciens pas toujours au top.
Mention spéciale au guitariste qui a réussi à trouver le même coiffeur que Robert Plant. Mais secouer sa blonde crinière comme un vrai metalleux ne l’a pas empêché de jouer comme un manche.
Lionel Richie, lui, ne dérape pas et maîtrise son sujet comme son public. Quand il entonne Say you, say me en rappel, on se retient pour ne pas inviter une voisine à danser un slow.
Et son final avec All night long qu’il nous a promis toute la soirée, du genre « on est là ensemble pour le reste de la nuit », a ravi l’assistance où l’on pouvait croiser, chez les détenteurs de cartes black, Sefrioui Junior qui avait organisé un before avec la star, Farid Bensaïd de Tenor Group et Mounir Majidi himself qu’on a vu s’éclipser, le téléphone collé à l’oreille, vers 23 heures pour revenir dix minutes plus tard en compagnie de Moncef Belkhayat.
Le ministre de la Jeunesse et des Sports avait dû oublier sa carte. A peine Belkhayat est-il arrivé qu’il a commencé à pleuvoir. « What’s that ? », s’est alors exclamé Lionel Richie en tendant la main sous une goutte avant de fredonner You and me.
Pendant tout le show, le crooner sympa n’a cessé de commenter la pluie, le beau temps et son voyage à Rabat, affirmant à maintes reprises que, comme le lui avait promis RedOne, il se sentait chez lui ici, et qu’il avait envie de rester dans ce pays où il y a tant de jolie filles… et de « security guards » !
Eric Le Braz |