On le voit Ă la tĂ©lĂ© en France et au Maroc, il a ouvert son restaurant prĂšs de Paris et vient de publier un livre de cuisine pas comme les autres. Il dĂ©borde dĂ©jĂ de projets pour 2010 avec un one man show en prĂ©paration, et bientĂŽt peut-ĂȘtre une ïŹction marocaine.
Une Ă©mission quotidienne sur Canal+, une autre chaque semaine sur la RTM, un restaurant en banlieue parisienne, un livre de recettes, des projets de spectacle et au cinĂ©ma, etc. Avec un tel emploi du temps, Abdel pourrait avoir lâair dĂ©bordĂ©. Mais, de toute Ă©vidence, ce nâest pas le cas. Il trouve un moment pour parler de son dernier livre, mais aussi de ses projets, en toute simplicitĂ©. Car le succĂšs ne semble pas lui avoir montĂ© Ă la tĂȘte. DĂ©cidĂ©ment, Abdel ne fait rien comme les autres⊠Son livre de cuisine nâa â lui non plus â rien de conventionnel. Pas de reliure luxueuse, pas de photos artistiques, et encore moins dâexpressions rĂ©servĂ©es aux initiĂ©s. Son objectif ? Proposer de bonnes recettes tout en sâamusant, dâoĂč un ton rĂ©solument dĂ©calĂ© et humoristique. « Mon idĂ©e Ă©tait de rĂ©aliser un cahier de recettes, sur lequel on peut Ă©crire, dans un esprit ludique avec mĂȘme des pages de jeux, quâon peut emporter partout, et qui a toute sa place Ă la cuisine », explique Abdel. Il nây a quâĂ voir : Chicken black coca â mais si, ça se cuisine le coca ! â kebab dâagneau Ă la feta, hamburger Ă lâitalienne, crĂšme brĂ»lĂ©e au foie gras, ou encore bouillabaisse des Ăźles ! Les recettes sont enrichies de citations ou de petites introductions particuliĂšrement rĂ©ussies, dans le plus pur style dâAbdel. Le jeune chef reconnaĂźt que, sans la mondialisation, ses recettes nâauraient pu voir le jour. « On a aujourdâhui une variĂ©tĂ© incroyable dâingrĂ©dients Ă notre disposition pour crĂ©er des recettes nouvelles et associer une multitude de saveurs entre elles. » Encore faut-il savoir les marier judicieusement. Pour Abdel, il ne sufïŹt pas de mettre une touche dâĂ©pice « tendance » sur nâimporte quel ingrĂ©dient pour obtenir une association gustative rĂ©ussie. Bien au contraire. « Le chef est un artiste, mais aussi un voleur qui se nourrit Ă droite et Ă gauche de ce qui se fait, pour crĂ©er au ïŹnal son propre style. »
De bouche Ă oreille
Et câest lĂ que sa formation entre en jeu. Car notre homme, Ă tout juste 30 ans, nâest pas un nouveau venu dans la gastronomie. « Cela fait 14 ans que je suis dans le domaine, et jâai appris mon mĂ©tier auprĂšs de chefs vraiment talentueux. » Abdel a gravi tous les Ă©chelons de la formation, Ă commencer par le CAP, puis le BEP et le bac professionnel en cuisine. « La formation classique française mâa vraiment permis dâacquĂ©rir toutes les techniques culinaires, mais aussi dâapprendre Ă respecter le produit. Câest ce que je fais aujourdâhui : je pars dâune pomme ou dâune aubergine, et jâimagine quels autres ingrĂ©dients peuvent se marier avec. » AprĂšs lâĂ©cole hĂŽteliĂšre, il se ïŹxe pour objectif de multiplier les expĂ©riences auprĂšs de chefs renommĂ©s comme Michel Rostang puis, plus tard, Ă Londres, Pierre Gagnaire, qui font partie aujourdâhui de ses « maĂźtres ». « Tout sâest fait de bouche Ă oreille, comme cela se pratique dans le milieu gastronomique : dĂšs que quelquâun vaut la peine, il est recommandĂ© Ă un autre chef. » De ïŹ l en aiguille, Abdel se fait une place. MĂȘme si la tĂąche se rĂ©vĂšle parfois compliquĂ©e dans un domaine Ă lâĂ©poque peu ouvert Ă la diversitĂ©. « Quand jâai dĂ©butĂ©, les seuls Africains ou MaghrĂ©bins des grands restaurants Ă©taient Ă la plonge. Alors, jâai tout de suite compris quâen tant que ârebeuâ, jâallais devoir me battre deux fois plus pour y arriver ! » Et de la tĂ©nacitĂ©, Abdel nâen manque pas. Son premier obstacle, ce fut son pĂšre qui ne voulait pas que son ïŹ ls exerce une profession a priori fĂ©minine. « Il ne pensait pas que la gastronomie puisse ĂȘtre un mĂ©tier dâhommes en France. Câest mĂȘme un milieu trĂšs machiste oĂč les femmes ont du mal Ă se faire une place, mĂȘme si les choses changent peu Ă peu. Alors je lui ai fait dĂ©couvrir une cuisine de restaurant ; du coup, il sâest laissĂ© convaincre et mâa permis de faire ce que je voulais. » En plus de la cuisine, notre artiste a une seconde passion : les planches. « Je faisais partie dâune troupe dâimprovisation depuis plusieurs annĂ©es, et jâai toujours eu envie de devenir comĂ©dien. Câest pourquoi pendant plusieurs annĂ©es, jâai passĂ© une bonne partie de mes Ă©conomies dans des cours de thĂ©Ăątre au sein dâune Ă©cole parisienne. Jâai alors mis au point un sketch mĂȘlant cuisine et musique autour dâun personnage â Abdel Cook â que jâai envoyĂ© Ă une centaine de maisons de production. Mais aucune ne mâa rĂ©pondu. Et quand jâobtenais un rendez-vous, les producteurs trouvaient cela trop original, ils me trouvaient peu crĂ©dible en jeans et basket pour faire la cuisine⊠» Abdel ne se dĂ©courage pas pour autant, et un an aprĂšs, les chose se dĂ©bloquent. « Un producteur mâappelle : il recherche un animateur qui pourrait se glisser dans la peau dâun cuisinier qui invite des personnalitĂ©s, les interviewe et rĂ©alise une recette avec elles : SOS Abdel Ă©tait nĂ©. LâĂ©mission est diffusĂ©e sur Discovery Channel, une chaĂźne amĂ©ricaine ouverte au mĂ©tissage et qui ne voyait pas de problĂšme Ă ce quâun jeune Français dâorigine maghrĂ©bine prĂ©sente un programme culinaire. » LâĂ©mission est relayĂ©e sur les rĂ©seaux cĂąblĂ©s europĂ©ens. Plusieurs dizaines de numĂ©ros sont rĂ©alisĂ©s, et Abdel se familiarise avec la tĂ©lĂ©. Mais lâĂ©mission sâarrĂȘte, et Abdel revient Ă la cuisine quelques mois, mais pas nâimporte oĂč : chez Pierre Gagnaire Ă Londres. Il tente alors lâActors Studio Ă New York, est sĂ©lectionnĂ© pour intĂ©grer la prestigieuse Ă©cole â « câĂ©tait vraiment mon rĂȘve » â mais voilĂ que Canal + le sollicite pour passer un casting de chroniqueur sur la chaĂźne. Et il obtient le poste ! « Je pars alors un mois entier Ă Oujda pour Ă©crire les 200 recettes nĂ©cessaires pour tenir toute lâannĂ©e. Jâai travaillĂ© tous les jours, et jâai commencĂ© la saison comme cela. » Aujourdâhui, Abdel est chaque jour sur la chaĂźne française dans lâĂdition spĂ©ciale Ă lâheure de la pause dĂ©jeuner pour nous raconter, en quelques minutes, lâune de ses recettes.
Une Ă©mission en darija
La tĂ©lĂ©, pour Abdel, câest aussi au Maroc que cela se passe. Depuis le mois de janvier, on le retrouve tous les dimanches Ă 20h10 sur RTM en compagnie de Kamel le Magicien pour une recette rĂ©alisĂ©e en compa gnie dâun people marocain. « Pour moi, câest vraiment important de travailler aussi au Maroc, de partager ce que je sais faire. Câest une expĂ©rience trĂšs enrichissante car, mĂȘme si je parle avec lâaccent oujdi, câest la premiĂšre fois que je fais une Ă©mission en darija ! » Mais Abdel ne compte par sâarrĂȘter lĂ : il aimerait Ă lâavenir que lâĂ©mission accueille dâautres Franco-Marocains cĂ©lĂšbres tels que Jamel Debbouze ou Gad Elmaleh. Ou bien rĂ©aliser une Ă©mission qui permette de dĂ©couvrir le patrimoine culinaire marocain, Ă la maniĂšre de ce que fait Choumicha. Pour lâinstant, Abdel se prĂ©pare Ă jouer dans un long mĂ©trage marocain, qui doit ĂȘtre tournĂ© dans les mois qui viennent Ă Casablanca. Ce sera une premiĂšre pour lui qui aime le challenge, mais rien nâest encore dĂ©cidĂ©. Alors, nous nâen saurons pas plus⊠En France, le restaurant quâil a ouvert est un peu son laboratoire. Câest aussi un concept novateur de restaurant oĂč le client associe lui mĂȘme ingrĂ©dients et sauces. La cuisine est faite au wok, sous les yeux des convives. Le premier a ouvert Ă Saint-Germain-en-Laye, sa ville dâorigine en banlieue parisienne, et Abdel compte bien multiplier les enseignes, quitte, pourquoi pas, Ă en faire une chaĂźne. Ă lâautomne prochain, Abdel associera une fois de plus cuisine, musique et humour dans un spectacle quâil compte jouer Ă Paris. Tout nâest pas encore Ă©crit, la salle nâest pas encore trouvĂ©e, mais on sait dĂ©jĂ que plusieurs recettes seront rĂ©alisĂ©es au cours du one man show et que lâartiste mettra en scĂšne son quotidien de chroniqueur tĂ©lĂ© et de restaurateur. Le Maroc â et les Marocains â feront aussi partie du spectacle. Ăvidemment.
Cyril Bonnel, Ă Paris |