Les ailes de l’amour, symphonie éblouissante d’un serial lover adultérin hanté par sa première passion. Chaud !
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C’est une histoire d’amour carnivore. Thami (Omar Lofti) est un jeune boucher de la médina de Casa qui aime la viande pour le plaisir sauvage de la trancher et la joie sensuelle de la palper. Il a faim Thami. Faim de chair.
Il en rêve devant des photos dénudées puis il commence à consommer et à multiplier les conquêtes. Après Hadja Hlima (Amal Ayouch), la savonneuse qui s’offre pour 50 dirhams, il va rencontrer Zineb (Widad Elma), une femme mariée à un vieux militaire. Ils vont tomber éperdument amoureux l’un de l’autre.
Mais Thami doit obéir à son père, descendant d’une longue lignée d’adouls ; un père sévère et borné qui lui trouve une cousine à la campagne pour calmer ses ardeurs. Keltoum (Nisrin Erradi) est douce et soumise, mais pas assez épicée pour un amant aussi vorace que Thami.
Alors, le boucher de la médina se transforme en serial lover qui séduit la pulpeuse Habiba (Hajar Akkaoui) et ses voiles transparents, et une touriste de passage lors d’une scène très (viande) crue dans son échoppe.
On se demande à un moment si le réalisateur des 401 coups (Meilleur court-métrage marocain en 1998) n’est pas en train de nous refaire un remake beldi de L’homme qui aimait les femmes de François Truffaut. Mais non, Abdelhaï Laraki filme bien l’histoire de L’homme qui aimait une femme.
Thami ne guérit pas de Zineb. Il va la retrouver… et le dernier quart d’heure du film – qu’il ne faut jamais raconter – est parfaitement maîtrisé.
Librement adapté du roman Morceaux de Choix de Mohamed Nedali (Ed. Le Fennec), Les ailes de l’amour valent beaucoup mieux que son titre un peu gnangnan. On ne se lasse pas un instant des tribulations de ce héros truffaldien dans « cette ville où tout était permis, sauf l’amour ».
Jubilatoire et charnel
Il y a certes quelques scènes un peu lourdingues et les seconds rôles en font parfois des tonnes en surjouant leurs personnages. Le film pèche aussi par quelques détails qui gâchent le plaisir d’une belle lumière et d’un cadrage aux petits oignons.
Le tablier impeccablement blanc du boucher comme la médina nickel chrome font que, par moments, on se demande si Les ailes de l’amour n’a pas été tourné dans un studio en Suisse.
Mais ce sont les seuls bémols de cette symphonie à l’amour jubilatoire et charnel. L’étreinte de Thami et de Zineb dans un tourbillon de zelliges et de faïence est une scène d’anthologie, sensuelle et gourmande.
Les répliques sonnent juste et racontent en peu de mots la vie d’avant la moudawana :
- Tu es un homme, toi. Moi je ne possède même pas mon propre corps, dit Zineb.
- Tu me possèdes moi, répond Thami, impeccablement interprété par un Omar Lofti qui s’impose à nouveau comme l’acteur phare de sa génération avec ce film. Et il joue bien plus juste que Jean-Pierre Léaud…
Eric Le Braz
En salle Ă partir du 27 avril Ă Casablanca, Rabat, Tanger, Marrakech, TĂ©touan. |