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Il Ă©tait une fois Ă  M’Hamid El Ghizlane 
Actuel n°87, samedi 26 mars 2011
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Un festival, ou en tout cas ce qui peut s’en rapprocher le plus, pour une population souvent reléguée sur le banc de touche.


***

Le Festival des nomades de M’Hamid El Ghizlane a été l’occasion non seulement de mettre sous le feu des projecteurs une culture riche, bien que souvent passée à la trappe par les médias, mais aussi et surtout de s’intéresser à une région qui vit une grande détresse.

A première vue, on se croirait au Far West, dans un western du genre Les sept mercenaires. Un village à la mexicaine auquel il ne manque que le saloon et les cowboys.

Sous un soleil brûlant, des jeunes errent dans la rue, les enfants scrutent tout nouvel arrivant, quant aux femmes, elles sont absentes. Mais durant l’événement, la population se retrouve devant la scène de la place principale pour découvrir une programmation empreinte des sonorités de la région ainsi que des artistes internationaux sensibles aux cultures nomades.

Saranguerel nous a emportés dans la steppe mongole, sous une yourte, avec des chants lyriques d’une grande spiritualité. Les jeunes Tinariwen, véritables rock stars autodidactes de leur région, sont la preuve que même au milieu de nulle part la musique traditionnelle peut se mélanger aux instruments modernes et prendre racine.

On a retrouvé également les Gnawa Click qui, après avoir sillonné plusieurs festivals au Maroc, sont partis à la conquête d’un nouveau public. Leurs rythmes mi-gnawa, mi-reggae se sont rapidement propagés.

Au milieu de leur set, ils seront rejoints par une section de cuivres de différentes nationalités qui donneront un timbre encore plus décalé à la musique, des sonorités qui rappellent à leur manière Emir Kusturica & No smoking orchestra.

Pendant les trois jours qu’a duré le festival, M’Hamid El Ghizlane est revenu à la vie, mais on ne peut s’empêcher de penser aux 362 autres jours : néant et pauvreté, analphabétisme et absence d’activité culturelle ou de tout divertissement.

Si le reste du Maroc manifestait le 20 mars pour plus de libertés, plus de droits, à M’Hamid El Ghizlane, les écoliers n’ont que cinq mois de cours par an, et les sept autres pour oublier ce qu’ils ont appris, alors que leurs aînés espèrent juste voir plus de touristes, se contentant des miettes qu’on veut bien leur laisser.

Meriama Moutik

Kel Assouf : Touaregs venus du froid

C’est un groupe belge, avec du sang africain dans les veines, et une âme touareg. Kel Assouf fut la découverte du Festival des nomades.

Ce groupe éclectique, qui réunit plusieurs nationalités, s’est formé en 2006 à Bruxelles et depuis, le groupe s’est engagé à promouvoir la culture des Touaregs. Interview avec Aboubacar Harouna (alias Anana) leader du groupe.

***

Quelle est la signification de Kel Assouf ?

Ça veut dire « ceux de la nostalgie » en tamasheq (langue des Touaregs). Le choix de ce nom s’est fait car je me suis retrouvé en exil en Belgique, l’idée était de faire un pont entre ici et là-bas.

Avant d’arriver en Belgique, vous avez eu une formation militaire en Libye puis vous avez combattu au Niger, comment peut-on passer du combat à la musique ?

La musique est pour moi le meilleur moyen d’exprimer et de revendiquer ses droits et sa liberté sans emprunter la voie de la violence. J’ai participé à la rébellion au Niger à l’âge de 15 ans, c’est là-bas où la musique est venue à moi pour m’orienter sur le bon chemin.

La rébellion, c’était par choix ou justement par manque de choix ?

La rébellion, nous n’avions pas le choix parce qu’un peuple marginalisé et privé de ses droits finit par s’exprimer par la violence surtout si c’est un peuple qui n’a pas été à l’école et qui n’a pas de culture politique.

Mais aujourd’hui, la jeunesse peut s’exprimer autrement avec des manifestations pacifiques ou sur Internet.

Comment votre message est-il perçu en Europe ?

Le combat utile aujourd’hui se fait à travers la musique, la politique ou le journalisme. Les chansons que j’écris s’adressent à l’Europe qui doit revoir sa relation avec l’Afrique pauvre et misérable d’une part et avec l’Afrique riche.

En même temps, mes chansons parlent de la jeunesse africaine qui, elle aussi, porte en elle une certaine responsabilité de cette Afrique qui n’avance pas. On adresse aussi des messages aux jeunes Touaregs pour qu’ils réfléchissent autrement et qu’ils mettent en valeur leurs traditions et leur culture.

Votre album Tin Hinane est justement un hommage au peuple touareg.

Il s’agit de sauvegarder notre histoire et celles de nos ancêtres à travers la musique. Ça fait partie de notre tradition et de notre histoire orale.

Les membres du groupe sont de différentes nationalités, était-ce délibéré ?

Oui, cela fait également partie d’un message pour montrer que nous pouvons vivre et construire quelque chose de beau même si on est de différentes cultures et nationalités. C’est un message universel pour la paix.

C’est la première fois que vous venez au Maroc. Comment s’est passé le contact avec le public ?

Les gens sont accueillants, c’est un retour aux sources, surtout pour moi qui suis né dans le désert. La culture marocaine n’est pas du tout éloignée de la mienne ni de celle de quelques membres du groupe.

Dia est mauritanien, Octave est togolais, Mahaasa malienne touareg comme moi. Esinam, quant à elle, est belgo-ghanéenne, Abdel est algérien, et enfin il y a Olivier qui est français.

Quels sont vos projets ?

Nous venons de commencer notre tournée 2011 et avons des concerts en Belgique, Pologne, France… peut être qu’on reviendra au Maroc.

Propos recueillis par Meriama Moutik

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