« Are you ready ? » Jamel tend le micro au public : « Hamdoulillah », hurle en choeur la salle conquise. Vendredi 4 juin au palais des congrès de Marrakech, le Franco-Marocain a réussi son pari : un spectacle au poil et des spectateurs qui se poilent.
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Jeudi, ce fut plus dur et les jeunes premiers du Jamel Comedy Club ont dĂ» appriÂvoiser un public pas complètement rĂ©Âceptif Ă l’humour urbain et mĂ©tissĂ© des jeunes FranÂçais bigarrĂ©s de la troupe. Mais ce vendredi, la mayonnaise prend et Marrakech se bidonne aussi fort que Paris. Comment rester impasÂsible quand Jamel raconte qu’il a vu un gĂ©nie avec la tĂŞte de Villepin sortir d’une boĂ®te pour proposer de faire un voeu.
•Ressuscite Michaël Jackson, sort Jamel.
•Ah, non ça va pas ĂŞtre possible, rĂ©Âpond le gĂ©nie. Trouve autre chose.
•J’sais pas moi. Heu… J’veux que l’Algérie, elle gagne la coupe du monde !
•Bon, hum, j’vais voir ce que je peux faire pour Michaël Jackson.
MDR. Le Marrakech du Rire porte bien ses initiales. Si Jamel DebÂbouze a rĂ©ussi Ă emballer le puÂblic Ă chaque apparition, ses esÂpoirs de la Jamel Academy ont Ă©tĂ© pour beaucoup de vĂ©ritables rĂ©vĂ©lations. Quatre d’entre eux notamment sortent du lot et on peut leur prĂ©dire un itinĂ©raire hors pair.
D’abord Bun Hay, un Chinois Ă©pais comme deux baguettes avec une tignasse aussi Ă©bouriffĂ©e qu’un plat de vermicelles sautĂ©es. AttifĂ© comme un chanteur d’orchestre de bal des annĂ©es 70, il dĂ©bite Ă la mitraillette les vannes qui sonÂnent juste sur les communautĂ©s. « Vous les Arabes, vous ĂŞtes tous des cousins. Les Keubla, c’est tous des frères. Mais les Blancs, heu, on a l’impression qu’ils sont tous fils uniques. Bon les Chinois, c’est pas pareil. Qu’on soit de la famille ou pas, on est tous des clients… » Originaire de Bordeaux, Bun Hay est le premier comique d’origine chinoise en France. D’jal lui n’est certainement pas le dernier d’oriÂgine marocaine. C’est Ă lui que JaÂmel a confiĂ© la lourde mission de chauffer la salle avant le dĂ©but du spectacle. Il s’en est parfaitement tirĂ©. C’est ZE cadre du Jamel Comedy Club, un as du stand up capable de faire rire et de faire passer des Ă©motions comme il l’a prouvĂ© le lendemain en première partie d’Elie Semoun (voir pages 62-63).
Redouane Harjane lui est d’origine algĂ©rienne, mais il manie comme personne les aphorismes Ă la CioÂran. Sauf qu’il est drĂ´le en plus d’être dĂ©sabusĂ©. Avec son look de Blues Brother, il s’accompagne au piano pour oser des phrases d’anÂthologie comme : « Le boomerang, c’est comme le frisbee, mais pour les gens qui n’ont pas d’amis. » Une vĂ©ritable Ă©criture personÂnelle et poĂ©tique dans l’univers un peu formatĂ© du stand up. Il y a aussi dans la bande Ă Jamel des Gaulois blancs, comme on dit dans les agences de recrutement spĂ©cialisĂ©es en discrimination raciale. Mention spĂ©ciale Ă Jean- François Cayrey, provocateur de service, spĂ©cialiste des blagues sur les Arabes, un peu Ă la Coluche. Il a osĂ© pratiquer son humour icoÂnoclaste Ă Marrakech et ça ne lui a pas trop mal rĂ©ussi.
Car le public a finalement Ă©tĂ© bon enfant face aux Ă©normitĂ©s profĂ©ÂrĂ©es par les jeunes de Jamel. On a entendu des Arabes affirmer qu’ils aimaient le halouf, un AlgĂ©ro-MaÂrocain dire qu’il Ă©tait musulman parce qu’il avait peur et un gothique raconter que quand il sortait avec une Marocaine, il ne buvait plus d’alcool et tapait sa femme ! Sur ce coup-lĂ , il s’est fait siffler… « Mais il s’est aussi fait applaudir quand il est arrivĂ© en disant « j’emmerde le pape ». C’est lui le sataniste qui a eu le meilleur accueil de la part des jeunes », nuance Jamel. Pour le maĂ®tre des lieux, rencontrĂ© après le spectacle. C’est sĂ»r que c’est le genre de show qui s’acclimate mieux Ă Marrakech qu’à Fès… On attend avec impatience de voir s’il passera dans une version expurgĂ©e sur la tĂ©lĂ© marocaine. Les heureux possesseurs d’un dĂ©codeur pourÂront vĂ©rifier par eux mĂŞme : l’inÂtĂ©grale sera diffusĂ©e sur Canal +…